C’est l’été. L’information ralentit car il est de tradition pour ceux qui le peuvent de partir en vacances, fuyant la chaleur des villes et partant se ressourcer dans l’ailleurs. Les hommes politiques en profitent aussi pour passer quelques jours en villégiature, le plus souvent pour écrire ou pour lire, mais toujours avec des «dossiers». Les journaux aiment rapporter ces petites tranches de vie qui permettent de comprendre que les puissants aussi pratiquent le bronzage et la baignade, mais de façon intelligente. Partie intégrante des plans de communication, les lieux de vacances des politiques ont leur importance et seront discutés et critiqués en fonction de leur pertinence. Slate propose donc ses services à quelques femmes et hommes politiques en vue pour trouver avec précision le lieu idéal pour se mettre en retrait du monde, mais pas trop, et travailler sur les «dossiers».
Avant de partir en vacances, la première étape consiste à acheter un guide pour bien préparer son voyage. Pour Eric Woerth, on pourrait recommander celui-ci, sobrement intitulé en anglais «Les meilleurs paradis fiscaux du monde». Un large choix de destinations s’offre à l’ex-trésorier de l’UMP, à commencer par la Suisse qu’il évitera par lassitude ou au contraire affrontera pour bien montrer qu’il n’a pas une tête à couvrir la fraude fiscale. Si notre ministre du Travail (entre autres fonctions) est capable de maîtriser la langue anglaise, il a l’embarras du choix pour un séjour de rêve: les Iles Caïmans, les Bahamas ou les Bermudes, paradis sur terre qui ne sont pas que fiscaux. S'il ne souhaite pas abandonner son poste trop longtemps, il peut se contenter d’un week-end en Europe, le Danemark, l’Irlande, Chypre et bien sûr le Royaume-Uni constituant d’attractives destinations pour capitaux en quête de protection.
Mer ou montagne ?
On l’oublie parfois, mais Patrick Devedjian porte la lourde responsabilité au sein du gouvernement d’encourager la relance. On pourrait imaginer un voyage d’études avec Christine «Rilance» Lagarde qui mêlerait plaisir et travail pour observer les méthodes de ceux dont l’économie décolle. Il s’agirait de voir quelles méthodes d’incitation à la croissance fonctionnent pour redonner le sourire au Premier ministre Fillon qui se plaint de gérer un Etat en faillite.
En tête des pays en forte croissance économique, Macao, devenu la première destination mondiale pour le jeu devant Las Vegas. Mais le modèle de cette zone franche et paradis fiscal risque d’être difficile à reproduire en France: légaliser le jeu d’argent sur tout le territoire est une idée séduisante, mais en faire un paradis fiscal risque de se heurter aux convictions d’Eric Woerth de retour du Panama.
Le Qatar et l’Azebaïdjan, deuxième et troisième du classement des pays dont le PIB réel progresse le plus, sont riches en hydrocarbures. La France n’a pas les moyens de trouver du pétrole sur son territoire. Le quatrième pays économiquement performant est la Chine. A la 147e place en termes de progression du PIB, la France a certainement beaucoup de choses à apprendre de nations qui la devancent, sauf peut-être en termes de droits de l’homme.
Ce qui amène la prochaine suggestion de voyage : sans suggérer perfidement que Bernard Kouchner passe ses vacances en Birmanie, on pourrait lui conseiller de visiter les pays où la liberté de la presse est la plus menacée. L’avantage saute aux yeux: notre ministre des Affaires étrangères pourrait ainsi mieux comprendre ce monde qu’il connaît déjà bien, mais surtout emmener son épouse, Christine Ockrent, journaliste à la tête de France Monde. Le couple pourrait certainement constater que «le népotisme et l’affairisme sont aux origines de nombreuses pressions exercées sur la société civile et les journalistes» notamment au Kirghizstan, 125ème du classement. La France fait mieux, mais ne brille pas selon RSF.
Vacances studieuses
Tous les hommes politiques prétendent qu’ils vont passer des vacances studieuses. Pour Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur, il s’agit de trouver un moyen de sauver les universités françaises de la catastrophe qu’on leur prédit. Pourquoi ne pas profiter de ses vacances pour essayer cette tradition anglo-saxonne de «summer school»? Le choix de destinations est vaste, et évite, contrairement au ministre des Affaires étrangères, de se retrouver dans des pays où la sécurité des Français n’est pas garantie.
Qu’on en juge, selon le classement des universités par l’université de Shanghaï qui fait autorité malgré quelques critiques, les universités les mieux classées du monde se trouvent d’abord aux Etats-Unis, puis en Angleterre, au Japon, en Suisse, au Canada, avant de se trouver en France qui ne se hisse qu’en 40e position. La France n’est plus exactement ce phare de la connaissance qu’elle a été autrefois, et il incombe à notre dynamique Valérie Pécresse d’y remédier. Alors des cours d’été à Harvard pour la ministre? A 7.500 dollars le programme, Eric Woerth risque de trouver la facture salée à son retour du Costa Rica.
Tandems de choc
Et puis les vacances, c’est aussi l’occasion rêvée de mieux se connaître. Jean-Louis Borloo et Chantal Jouanno pourraient partager un ecolodge, façon pratique et bobo de préserver la planète tout en restant fashion. Ou alors ils pourraient partir aux Maldives admirer la montée des eaux, remarquable depuis quelques années. Fadela Amara et Eric Besson pourraient faire le tour des banlieues défavorisées du monde: la favela brésilienne, le Gecekondu turc ou le plus grand bidonville du monde au Pakistan.
Quant à Rama Yade et Roselyne Bachelot, on aimerait les voir partir ensemble en vacances, peut-être en Erythrée afin de maximiser les chances de trouver un hôtel peu cher dans l’un des pays les plus pauvres du monde. On connaît le dégoût qu’inspire les suites d’hôtel luxueuses à la Secrétaire d’Etat, «benjamine du gouvernement», et son aînée de Ministre de la santé pourrait en profiter pour placer quelques vaccins contre la grippe H1N1 qu’elle possède en quantités. Sages décisions économiques qu’Eric Woerth, ragaillardi par un séjour à Dubaï, ne saurait qu’approuver.
Et puis, il y a ceux qui connaissent déjà leur destination: Frédéric Mitterrand relira Houellebecq en Thaïlande, Dominique de Villepin se lancera à corps perdu dans son nouveau recueil de poésie paillarde à l’Île d’Elbe tout en lisant sa biographie, Brice Hortefeux, nouveau membre de la confrérie des gens du voyage, ira explorer ces pays qui le font tant rêver et qui ne sont tristement devenus que des chiffres d’expulsions. D’autres garderont en tête que la France reste la destination touristique mondiale numéro un, et ne quitteront pas l’Hexagone. On imagine mal Michèle Alliot-Marie ailleurs que dans son fief de Saint-Jean-de-Luz ou Ségolène Royal attendant qu’Obama lui rende visite en Poitou-Charentes. Quant à Carla Bruni-Sarkozy, elle tourne avec Woody Allen et ne peut donc pas quitter Paris. Son mari la soutient dans son nouveau choix de carrière, et restera donc fidèle au poste. La présidence fera des économies de déplacement, ce qui ne peut que plaire à Eric Woerth, qui serait peut-être cet été du côté de Labuan.
Etienne Augé
Photo: La secrétaire d'Etat chargée de l'Ecologie Chantal Jouanno, le ministre de l'agriculture Bruno Le Maire et le maire de Binic Christian Urvoy à Bicnic, le 19 juillet 2010. REUTERS/ Stéphane Mahe