France

Sarkozy: «vagal», vous aviez dit «vagal»?

Temps de lecture : 6 min

Un an après son «malaise» de Versailles Nicolas Sarkozy n’a toujours pas tenu ses promesses de transparence sur ce sujet.

Photo: Schwächeanfall vor dem Parlament / dierkschaefer via Flickr CC License by
Photo: Schwächeanfall vor dem Parlament / dierkschaefer via Flickr CC License by

Nicolas Sarkozy a subi la semaine dernière, à sa demande, des examens médicaux dont les résultats ont été satisfaisants, a annoncé lundi 2 août la présidence de la République [Voir le bulletin en PDF]. Il s'agit du premier bulletin de santé publié par la présidence de la République depuis le malaise vagal dont a été victime le chef de l'Etat l'été dernier.

Lors de sa campagne présidentielle en 2007, Nicolas Sarkozy s'était engagé à publier un bulletin de santé au moins deux fois par an. Un bulletin avait été publié en 2007, aucun en 2008. Nous republions un article du 26 juillet de Jean-Yves Nau qui revenait sur le malaise vagal un an plus tôt du Chef de l'Etat.

***

Souvenons-nous un instant. Le 26 juillet, cette année-là, tombait un dimanche. Il faisait grand bleu, grand chaud aussi, sur l’Hexagone. Avant l’Angélus annonçant la fin des marchés et de jeux de hasards hippiques, quel citoyen aurait, cette année-là, pu dire -de mémoire- le nom du trésorier de l’UMP et celui du ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique? Personne ou presque ne connaissait encore l’existence et les fonctions de Patrice de Maistre. La France (du moins la non germanopratine) ignorait tout des talents de François-Marie Banier. Quant à l’Oréal la moindre des choses c’est que nous le/la valions bien.

Malaise à Versailles

C’était, précisément, il y a un an. Puis la messe dominicale de midi fut dite et, avant Longchamp, coup de tonnerre versaillais dans un ciel trop serein. Branle-bas de combat dans les salles désertes des rédactions. Rumeurs. Troubles du rythme tricolore. Bien avant la fraîche, peu avant les journaux télévisés de 20 heures, le Palais de l’Elysée publiait, enfin, un «Message de la Présidence de la République»:

«Aujourd’hui en fin de matinée, alors qu’il effectuait un jogging dans le parc du Château de Versailles, le président de la République a été pris d’un malaise. Ce malaise, qui est survenu après 45 minutes d’exercice physique intense, ne s’est pas accompagné d’une perte de connaissance. Il a conduit le Président à interrompre son effort et à s’allonger avec l’aide d’un proche. Le médecin de l’Élysée qui était à proximité a apporté les premiers soins et a prévenu les secours. Le Président a été transporté en hélicoptère à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce où des examens de contrôle sont réalisés depuis 13h45. L’examen clinique et les examens complémentaires à visée neurologique sont normaux (bilan sanguin, électroencéphalogramme, IRM). La surveillance cardiologique, systématiquement pratiquée dans de telles circonstances, se poursuit jusqu’à demain matin.

Entre-temps, le Président de la République se repose. Il a reçu ses proches collaborateurs afin de se tenir informé de l’actualité.

Un nouveau bilan sera communiqué demain.»

Un bien beau, un bien grand, classique stylistique : le chef de l’Etat a eu un accident; cet accident a imposé son hospitalisation; le chef de l’Etat va à merveille; ses proches l’entourent et il s’informe des affaires du monde. Ce texte, sans source médicale, se borne au concept de «malaise» et ne reprend pas le qualificatif de «vagal» qui –élément de langage d’urgence ?- avait alors été avancé par de multiples sources proches du président à commencer par Patrick Balkany, député UMP et maire de Levallois.

Dès le lendemain, on en savait un peu moins. Après la sortie du président de l'hôpital, l’Elysée annonce que le «malaise» survenu lors du jogging de la veille n’avait aucune cause identifiable et n’avait donc de ce fait aucune conséquence, cardiologique, neurologique ou métabolique. Mystère total confirmé, assurait-on, par les différents effectués : bilans sanguins, électroencéphalogramme, examen cérébral par imagerie à résonance magnétique, coronarographie et analyse en continu du rythme cardiaque.

Conséquence de ce bilan heureusement négatif : aucun traitement médical prescrit au chef de l'Etat, les conseils des médecins l’ayant pris en charge se bornant à un «repos de quelques jours»; repos que l'Elysée qualifiait aussitôt de «relatif».

Malaise lypothymique d'effort?

Diagnostic officiel: «malaise lipothymique d'effort soutenu, par grande chaleur et sans perte de connaissance, dans un contexte de fatigue liée à une charge de travail importante». Pour parler médicalement clair : rien de compréhensible. Le grand n’importe quoi. La formule fit, il y a un an, sourire les spécialistes du cœur comme ceux de l’effort. Dans le même temps, l’affaire venait rappeler l’un des manquements du Président aux promesses le concernant au plus près. Rapide retour dans un temps proche. En mai 2007, quand je l’interrogeais pour Le Monde, à la veille du second tour de l'élection présidentielle Nicolas Sarkozy avait répondu:

«La question controversée de l'état de santé du Président (...) a pu se poser par le passé — je pense en particulier aux présidents Pompidou et Mitterrand, mais, à ma connaissance, elle ne me semble pas aujourd'hui d'une actualité brûlante. (...) Ce qui doit préoccuper les Français au travers de cette question, c'est de savoir si l'état de santé du Président l'empêche ou non d'assumer ses responsabilités. Le chef de l'Etat n'est pas (...) un citoyen comme les autres. Il est normal que les Français soient (...) assurés de sa capacité à exercer les devoirs du mandat qu'ils lui ont confié.»

Questionné sur le fait de savoir si, en cas de problème de santé, il s'engagerait à adopter la démarche de transparence désormais systématiquement mise en œuvre aux Etats-Unis par tous les responsables politiques de haut niveau, le futur président de la République répondait par l'affirmative; à la condition toutefois que les informations divulguées soient circonscrites à la question médicale soulevée. Les Français, déclarait-il alors «n'ont pas (...) besoin d'avoir accès à l'ensemble [du] dossier médical dans les moindres détails. Si je suis élu, je m'engage à publier un bulletin de santé dès mon entrée en fonction, au moins deux fois par an ensuite, et plus si l'évolution de mon état de santé devait le justifier».

Qu’en fut-il? Un premier publié cinq jours après l’élection établit en substance que l’élu était apte à exercer ses fonctions. Puis en janvier 2008, on apprenait que le président de la République avait été hospitalisé du 21 au 22 octobre 2007 à l'hôpital du Val-de-Grâce pour une angine à staphylocoques dorés initialement mal prise en charge et compliquée d'un phlegmon à la gorge. Une incision du phlegmon avait alors été pratiquée et un traitement par antibiotiques d'une quinzaine de jours institué. Cette hospitalisation (qui avait alors coïncidé avec l'annonce publique du divorce de Nicolas d'avec son épouse Cécilia) avait été tenue secrète. Pourquoi?

Janvier 2008 : Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée expliqua sur Canal+ qu'il ne fallait voir là qu'une affaire anecdotique : séjour hospitalier à l'hôpital qui n'avait duré que quelques heures; fonctions présidentielles remplies; voyage d’Etat au Maroc assuré etc. Claude Guéant croyait alors pouvoir annoncer que le prochain bulletin de santé du président de la République serait publié en mai 2008. Il ajoutait que le chef de l'Etat avait choisi un rythme annuel (et non plus semestriel) de publication. Il ajoutait enfin que sa santé était «suffisamment bonne pour qu'il n'y ait pas de suivi quotidien».

Promesse non tenue

Qui oserait dire le contraire? Reste, au total, que les engagements présidentiels n'ont pas été tenus. Seuls deux bulletins de santé ont, à ce jour, été véritablement publiés: celui du lendemain de l'élection de mai 2007 et un autre le 3 juillet 2009 faisant état d'examens cardio-vasculaires et sanguins «qui se sont révélés normaux». Il ne fait aucun doute que les multiples conseillers en communication présidentielle ont postulé que la médiatisation régulière de l'hyperactivité physique du chef de l'Etat permettrait de faire utilement l'économie de la publication promise de bulletins de santé semestriels. Mais depuis un an tel n'est plus, désormais le cas, le paradoxe voulant que ce soit précisément cette activité physique pratiquée qui soit à l'origine d'un accident.

La «transparence» du président de la République française sur sa «santé», sur son aptitude à «remplir sa fonction»? C’est déjà bien vieille affaire; d’autant plus vieille qu’elle renvoie directement aux «deux corps» -l’organique et le sacré- des Rois de France et à la sacralisation non dite de la fonction présidentielle. De Gaulle exerça les pleins pouvoirs en parfaite possession de ses moyens: la question ne se posa pas. On réussit –non sans mal- à faire croire qu’on pouvait l’ignorer sous Georges Pompidou. Valéry Giscard d’Estaing en fit la promesse souveraine avant d’oublier ses engagements. François Mitterrand promit puis organisa le mensonge durant près de deux septennats. Jacques Chirac ne promit rien et s’y tint. Nicolas Sarkozy ne trahit pas: il ne fait que poursuivre, à sa manière, une décidemment bien triste tradition de la Vème République.

Jean-Yves Nau

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