Culture

«How to have sex» raconte les premières expériences sexuelles ratées

Temps de lecture : 3 min

Ce film offre le récit rare et plein de finesse d'une «première fois» qui ne se déroule pas comme prévu.

La jeune actrice Mia McKenna Bruce livre dans ces scènes très silencieuses une performance impressionnante. | Nikolopoulos Nikos
La jeune actrice Mia McKenna Bruce livre dans ces scènes très silencieuses une performance impressionnante. | Nikolopoulos Nikos

«Pendant la préparation et le tournage, j'ai réalisé en parlant avec les femmes autour de moi que tout le monde avait vécu d'une manière ou d'une autre ce que Tara vit dans le film.» Voici comment la jeune cinéaste britannique Molly Manning Walker a présenté son premier film, lors de son avant-première au Festival de Cannes 2023.

Il y a des expériences sexuelles sur lesquelles il est parfois difficile de mettre des mots. Avec How to have sex, très beau récit sélectionné dans la section Un Certain Regard, Molly Manning Walker a réussi à les mettre en images.

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter quotidienne de Slate.fr et ne ratez plus aucun article!

Je m'abonne

Trois amies lycéennes partent fêter la fin de leurs examens en Grèce, dans une station balnéaire envahie par les jeunes touristes anglais. Au programme: beuveries, sexe et nuits blanches sur la plage. Sauf que Tara (Mia McKenna Bruce) est encore vierge. Alors que ses copines ne cessent de la taquiner ou l'incitent à porter des tenues plus aguicheuses, elle espère profiter du voyage pour se débarrasser de sa virginité. Lorsque les jeunes femmes croisent un autre groupe, composé de deux garçons et une fille, un jeu de séduction se met vite en place entre les adolescents.

Portrait de jeunesse

À Cannes, les critiques britanniques ont rapidement affirmé reconnaître une expérience très spécifique à la jeunesse de leur pays, adepte du binge-drinking, du shit-talking et des vacances trash dans des pays pas chers. Mais il n'y a pas besoin d'avoir grandi de l'autre côté de la Manche pour admirer la finesse d'observation dont fait preuve Molly Manning Walker. Quiconque a déjà fait la fête à un âge un peu trop jeune, ou redouté l'entrée semée d'embûches dans la vie sexuelle, pourra se reconnaître dans le portrait doux-amer que dresse How to have sex.

Sans aucun jugement, la cinéaste décrit la période charnière que traversent ses jeunes personnages, désireuses de plaire mais encore fermement accrochées à leur innocence. Avec ses scènes de boîte de nuit plus vraies que nature, le film retranscrit avec justesse les soirées trop alcoolisées où tout semble possible mais où la mauvaise rencontre n'est jamais loin. Tout comme la jalousie pernicieuse entre amies, ou la difficulté à exprimer clairement des sentiments sur lesquels on n'a pas encore de prise.

L'insouciance des jeunes filles sera bien assez vite obscurcie par la perspective des études supérieures, un avenir auquel toutes ne sont pas nécessairement promises: quand Paige s'imagine déjà dans l'université de ses rêves, Tara sait qu'elle a raté ses examens et n'aura pas les mêmes options pour son futur.

Mettre les mots

Académiquement comme sexuellement, Tara se sent à la marge. Pour beaucoup de jeunes filles, l'entrée dans la vie sexuelle est moins une question de plaisir que d'obligation: un rite de passage, parfois précipité par la peur d'être «la dernière». Tara n'a même pas 18 ans, mais vit comme une honte le fait d'être encore vierge alors que ses amies ont déjà sauté le pas. Alors qu'elle se prend d'affection pour Badger, le clown du groupe, ses copines l'encouragent à plutôt se tourner vers Paddy, un jeune homme séducteur et plus sûr de lui. À la moitié du film, sans véritable attirance pour lui, la jeune femme se retrouve seule sur la plage avec Paddy et passe à l'acte sous son insistance.

Molly Manning Walker choisit de ne pas montrer la première expérience de Tara, et de simplement l'évoquer par de courts flashbacks. Mais il suffit de lire les expressions de la jeune fille le lendemain pour comprendre que sa «première fois» n'avait rien d'idéal. Alors que ses amies la pressent pour en savoir plus, et lui demandent si elle compte recoucher avec Paddy, Tara grimace, contourne le sujet, incapable de formuler ce qui lui est arrivé. Le film reste ambigu sur le déroulement exact de la rencontre, et la jeune actrice Mia McKenna Bruce livre dans ces scènes très silencieuses une performance impressionnante, permettant de comprendre l'ambivalence de Tara, et le mal-être qui grandit en elle sans qu'elle parvienne à le nommer.

How to have sex, qui cherche à raconter la pression sexuelle exercée sur les jeunes, croque avec autant de talent ses personnages masculins que féminins. Shaun Thomas est notamment remarquable dans le rôle de Badger, pour qui Tara développe un léger crush. Derrière ses airs benêts, le jeune homme fait preuve d'une douceur dévastatrice lorsqu'il comprend ce que la jeune fille a subi –et refuse de se conformer aux exigences de virilité toxique de son ami Paddy. Plus tard, le film abordera plus frontalement encore la notion de consentement, avec une scène de viol brève mais difficile à regarder.

Alors que les jeunes personnages multiplient les malentendus, les coups de pression amicaux et les non-dits, le film laisse son intrigue se développer organiquement, et bâtit très patiemment une émotion qui finira par surgir sans crier gare. Derrière son apparence de «petit film» sur une virée en vacances, How to have sex immortalise avec fraîcheur et délicatesse une expérience qui, malgré son aspect universel, n'est encore que trop rarement racontée.

Newsletters

Médée, Antigone, Méduse... La mythologie grecque est pleine de femmes badass

Médée, Antigone, Méduse... La mythologie grecque est pleine de femmes badass

Fortes et tenaces, les figures féminines des récits antiques n'hésitent pas à se dresser contre les injustices et à tenir tête aux rois ou aux divinités masculines.

Le jeu vidéo «Prince of Persia» cache une histoire de famille

Le jeu vidéo «Prince of Persia» cache une histoire de famille

Dans «Replay», son premier roman graphique réalisé en solo, le créateur de jeux vidéo Jordan Mechner retrace une histoire qui relie des aquarelles d'Hitler, l'Apple II, l'exil de son grand-père autrichien en 1938 et le célèbre jeu vidéo.

Trente-huit ans après la première fois, j'ai revu The Cure en concert

Trente-huit ans après la première fois, j'ai revu The Cure en concert

[BLOG You Will Never Hate Alone] Je n'aurais peut-être pas dû. La musique était trop forte et le sentiment de la vie passée, trop intense.

Podcasts Grands Formats Séries
Slate Studio