«Quand je me couche, je les vois; les compagnons que j'ai perdus, comment je les ai sortis de là, sans membres, comment ils sont morts dans mes bras.» C'est ce que Dmytro, un soldat ukrainien, raconte à la BBC.
Après quinze mois sur le front dans la région de Donetsk en Ukraine, Dmytro prend désormais sa santé mentale en main. Il se soigne dans un centre de repos au nord du pays. L'année dernière, environ 2.000 soldats y sont venus pour des consultations et des séances de physiothérapie. Le personnel du centre insiste: il s'agit bien d'un lieu de repos et non pas de réadaptation. La plupart d'entre eux retournent sur le front par la suite. D'après le centre, l'Ukraine essaierait au mieux d'aider ses militaires à tenir jusqu'au bout.
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«On souffrira des conséquences toute notre vie», affirme Dmytro, les yeux humides. Sa femme, Tetiana, avoue que son mari a changé, et pas seulement physiquement. Pavlo, un pilote de drone qui profite d'une pause dans le centre, admet qu'il a du mal à dormir et qu'il se sent perdu. «Parfois, on ne sait pas de quoi parler avec nos confrères, parce que nos intérêts ont changé, révèle-t-il. Je ne veux pas leur raconter tout ce que je vois. Quelque chose a changé, et s'est même cassé.»
Son rôle sur le front l'expose à un certain nombre d'horreurs que les autres ne voient pas. Il se retrouve désormais dans un no man's land psychologique. «Tous les jours sur le front, je veux rentrer chez moi. Mais lorsque je suis à la maison, j'ai ce sentiment étrange de vouloir retourner auprès de mes camarades.»
Un plan national pour la santé mentale
Le personnel du centre pense qu'il faudra jusqu'à vingt ans pour réhabiliter mentalement la population ukrainienne après la guerre. Yana Ukrayinska, qui travaille au ministère de la Santé, explique que le pays s'apprête à fournir une aide psychologique pour un citoyen sur deux. «On se prépare à offrir un soutien psychologique à environ quinze millions d'Ukrainiens, annonce-t-elle à la BBC. Nous espérons ne pas en avoir besoin, mais nous sommes convaincus qu'il faut être prêts.»
L'invasion russe a forcé des millions d'habitants à quitter leur foyer, leur famille. Ils ont été confrontés à la violence et à la perte de tous leurs biens. Les spécialistes affirment que les troubles mentaux les plus courants actuellement sont le stress et l'anxiété, mais ils pensent que le trouble de stress post-traumatique prendra une réelle ampleur dans quelques années.
La première dame, Olena Zelenska, a récemment lancé un programme national de santé mentale. Seulement, le pays étant en pénurie de thérapeutes, il met l'accent sur le self-care. Certains thérapeutes n'hésitent pas à se rendre à des ateliers de thérapie corporelle, qui consiste à partager ses sentiments avant d'explorer le toucher et le mouvement en groupe. «C'est très important pour moi de rester en forme afin d'avoir les ressources nécessaires pour aider les autres», confie Inna, thérapeute.
Le poids du conflit ne se limite pas aux tranchées. Les gens sont tous liés à la guerre d'innombrables façons, peu importe où ils se trouvent.