Depuis samedi, le Nord-Ouest du continent américain ressemble à une fournaise. On se croirait en plein mois d'août et les records de température tombent les uns après les autres. Moi-même, j'écris cette chronique à poil dans mon salon, cerclé par une batterie de ventilateurs en tout genre. Quant au baromètre, il ne sait plus où donner de la tête: vingt-six degrés dans la maison, trente au dehors.
Pour moi qui exècre la chaleur, c'est comme un avant-goût de l'enfer. Je n'ai goût à rien. Des maux de tête me vrillent le cerveau quand il n'est pas le siège de pensées suicidaires. Avec deux mois d'avance, j'ai sorti mon climatiseur. Il trône dans le salon, énorme, si bruyant que je l'utilise à peine. Soudain, le joli mois de mai s'est mis à ressembler à un film d'épouvante. Au nord, des incendies font rage. Encore un peu et l'eau nous sera rationnée.
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Mais dans quel monde vit-on? Qui aurait pu imaginer qu'un jour, le Canada soit éprouvé par des températures pareilles? Le Canada! Le pays des ours polaires est en train de devenir une oasis pour chameaux. Bientôt, on se baladera tous en djellaba, un keffieh sur la tête. Maudit soit le réchauffement climatique. Où devrais-je m'exiler pour connaître à longueur de saison des températures clémentes, propices à mon génie créatif? Au Groenland? Sur la Lune? Encore plus loin?
Si je le pouvais, je vivrais toute l'année dans mon frigidaire. Comment est-il possible de réfléchir, d'écrire, d'être au monde quand les températures s'affolent de la sorte, lorsqu'au milieu du mois de mai, je passe plus de temps sous ma douche que devant mon bureau? Le monde court à sa perte. Un ou deux degrés de plus par siècle aura comme conséquence de voir le niveau des océans s'élever mais sachez-le, il ne sera pas le seul, la courbe de la connerie connaîtra aussi une progression similaire. Et, elle aussi, sera irréversible.
Si j'avais 20 ans aujourd'hui, je me pendrais sans tarder. Qu'attendre d'un monde où presque du jour au lendemain, on passe de quinze degrés à trente et vice-versa? Où l'on s'endort vêtu de son pyjama de saison pour se réveiller en nage, au bord de l'asphyxie? Où l'on se retrouve au milieu du printemps à user de la crème solaire comme si l'été était déjà parmi nous? Où l'on dévore des glaces là où d'habitude on se contente d'un verre d'eau fraîche? Où on ne peut jamais sortir sans son bermuda tant d'une heure à l'autre les températures fluctuent?
Il ne faut pas combattre le réchauffement climatique, il faut le renverser. Qu'il devienne un refroidissement climatique. Un retour à l'ère glaciaire, voilà ce dont je rêve. Qu'on décarbone tellement l'économie que des froids polaires s'immiscent au cœur de l'été triomphant. Que des plages se transforment en patinoire. Que les océans deviennent des mers de glace. Qu'ils pleuvent des glaçons. Que les canons des pompiers crachent de la chaleur pour mieux attendrir les forêts percées de gel.
Le problème du réchauffement climatique, c'est son intermittence. Tenez, là, si on était un jour d'élection, je voterais avec allégresse pour Sandrine Rousseau–c'est dire à quel point la chaleur m'abîme. Je dirais oui à tout. À la fermeture du trafic aérien. À la suppression des bains, des barbecues, de tout ce qui dégrade, de près ou de loin, l'environnement. Oui à la décroissance, à l'écriture inclusive, à l'émasculation de la virilité. Je me couperais même les couilles pour améliorer la qualité de l'air et offrir aux générations à venir un monde vivable.
En attendant, entre le début de cette chronique et sa fin, il fait plus chaud de deux degrés. Le Canada est une escroquerie. J'aurais dû rester en France. J'ai vu qu'on y annonçait des températures à la baisse. On parle même d'un phénomène dit «de la goutte froide». J'ignore ce que c'est mais rien que d'entendre cette expression, j'ai comme un début d'érection. La goutte froide! Oh oui, prends-moi, là, maintenant, goutte froide adorée. Sois sans pitié avec moi. Frappe-moi de ton joug intraitable. Accorde-moi une dégelée mémorable. Pénètre-moi par tous les pores de ma peau jusqu'à me consumer de ta froideur.
Bon, c'était à prévoir, je suis atteint de délirium tremens.
Vite, à la douche.
J'étouffe!
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