Il y a des chiffres qui poussent davantage à l'optimisme que d'autres. Celui de l'évolution globale du nombre de suicides, décrypté par Wired, en fait partie. Entre 2000 et 2016, il a en effet chuté de 33%, et cette tendance semble apparemment se poursuivre. Mais tous les pays ne sont pas à égalité devant le suicide, et il est intéressant de se pencher sur ces disparités importantes.
Il convient de prendre chaque chiffre avec des pincettes, souligne Wired, car certains pays peuvent avoir tendance à fournir des statistiques se situant en-dessous de la réalité –en raison de difficultés à collecter correctement les informations, ou encore d'un sentiment de honte particulièrement présent dans certains pays très religieux.
Si l'on en croit les données fournies, les deux pays les plus peuplés du monde, à savoir l'Inde et la Chine, ont vu leurs taux de suicide respectifs plonger considérablement depuis quelques décennies. Entre 1990 et 2016, la baisse serait de 15% en Inde et de plus de 60% en Chine.
L'interdiction des pesticides, une mesure phare
En ce qui concerne Pékin, les spécialistes estiment que le chiffre, qui peut sembler trop beau pour être vrai, est crédible. Il s'expliquerait par le fait que l'économie florissante de la Chine mène à une urbanisation rapide de la population, d'où un accès plus compliqué aux pesticides, avant tout présents en milieu rural. Or ce type de produit est très utilisé par les populations pauvres pour se suicider, notamment par les jeunes femmes vivant dans les zones rurales.
Wired constate que dans plusieurs pays d'Asie, l'interdiction ou la limitation des pesticides les plus dangereux a eu un effet bœuf sur le taux de suicide. Le cas le plus frappant est celui du Sri Lanka, pays du monde où l'on se suicide le plus, mais où les chiffres ont chuté de 70% depuis 1995, année où les principaux pesticides ont été bannis. Même constat au Bangladesh, où des mesures similaires ont permis de faire reculer les suicides de 65%.
Ailleurs, ce sont des mesures liées au contrôle des armes à feu, à une diminution de la taille des tablettes de médicaments, ou encore à la sécurisation des fenêtres des immeubles, qui auront eu un effet positif. Et si cela fonctionne, c'est parce que le suicide est rarement un acte prémédité. Dans la plupart des cas, la durée qui s'écoule entre la décision de se donner la mort et l'acte lui-même est inférieure à cinq minutes. D'où le fait que certaines mesures pouvant sembler simplistes ont en fait un impact conséquent.
En outre, la proportion de personnes effectuant une deuxième tentative après un premier essai n'ayant pas abouti n'est que de 7%. Il est donc véritablement possible de sauver des vies en empêchant concrètement quelqu'un de se supprimer à un instant t. Mais la lutte contre le suicide ne doit évidemment pas se contenter de cela, et intégrer notamment un suivi de la santé mentale des personnes potentiellement suicidaires.
Hétérogène
Les suicides ne sont pas uniformément répartis. Selon l'Organisation mondiale de la santé, 80% d'entre eux ont lieu dans des pays où les revenus sont faibles ou moyens, et où la population est la plus dense. En revanche, c'est là où les salaires sont les plus élevés que le taux de suicides par rapport au nombre d'habitants est le plus élevé. Et si le suicide est en net recul dans la plupart des pays du globe, il a au contraire tendance à grimper, parfois fortement, dans certains autres –Jamaïque, Zimbabwe, Corée du Sud, Cameroun.
Quant aux États-Unis, ils font figure d'exception, puisqu'après un long déclin qui s'est poursuivi jusque dans les années 1990, le taux de suicides s'est remis à augmenter sur le territoire américain. Entre 2000 et 2018, il a bondi de 35%, faisant du suicide la seconde cause de mort chez les 10-14 ans et les 20-34 ans. Il ne faut pas aller chercher bien loin pour comprendre ce qui se produit dans le pays: l'accès aux armes à feu y est extrêmement simple, et la moitié des morts qu'elles occasionnent chaque année sont des suicides.
Rien qu'en 2021, plus de 26.000 personnes se sont suicidées par arme à feu aux États-Unis, pour un total de 48.000 suicides commis. Et une étude menée État par État confirme que ceux dans lesquels la possession d'armes est la moins réglementée sont ceux où les Américains se suicident le plus.
L'ONU ne compte pas en rester là: parmi ses dix-sept Objectifs de développement durable, on trouve la réduction de la quantité de suicide d'environ un tiers entre 2015 et 2030, ce que Wired estime être de l'ordre du vœu pieux. Car après plusieurs décennies au cours desquelles il a été possible, par des mesures parfois basiques, d'enrayer la dynamique suicidaire de certaines populations, il sera difficile de poursuivre le combat contre le suicide à ce rythme.