Société / Culture

Marcel Petiot, tueur en série sous l'Occupation

Temps de lecture : 2 min

Surnommé «Docteur Satan», il n'a jamais confessé ses crimes. Marcel Petiot a pourtant profité de l'opacité de la période pour assassiner des dizaines de personnes.

Le docteur Marcel Petiot photographié après son arrestation, en 1944. | Guise via Wikimedia Commons
Le docteur Marcel Petiot photographié après son arrestation, en 1944. | Guise via Wikimedia Commons

Comme une chape de plomb, le silence est tombé sur la vieille bâtisse du 21, rue Le Sueur. Alertées par des voisins, les brigades de pompiers se sont relayées pendant des heures afin de maîtriser le feu qui s'était déclaré, le 11 mars 1944, dans la cave de cet immeuble parisien à l'abandon.

Mais c'est en visitant les décombres fumants qu'ils ont percé le secret de cet endroit: au sous-sol, les enquêteurs ont mis au jour les restes calcinés d'une dizaine de personnes, d'autres dépouilles rongées par la chaux vive, ainsi qu'une quantité inquiétante de vêtements. La maison en flammes est une scène de crime.

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L'assassin habite au 21

La chasse à l'homme est lancée. L'occupant de la bâtisse est un homme énigmatique, médecin de son état, qui s'appelle Marcel Petiot. Issu de la bourgeoisie bourguignonne, il s'est installé dans la capitale en 1933 en faisant le vœu de soigner les pauvres et les déshérités. Le docteur a gardé le silence sur un passé trouble, jalonné d'arnaques et de séjours en hôpital psychiatrique (il serait atteint de «psychose mélancolique», ce qui lui vaut d'être réformé des effectifs de la Seconde Guerre mondiale).

Après la découverte du charnier dans le sous-sol de sa propriété, en mars 1944, la police lance immédiatement un mandat de recherche à son encontre. Mais Petiot reste introuvable. Il s'est dissimulé dans les rangs des Forces françaises de l'intérieur (FFI) sous l'identité du «capitaine Valéry», en réalité inventée de toutes pièces. En cette période troublée par la guerre, les bombardements et les déportations, les agissements d'un seul homme peuvent passer inaperçus: et le maquis reste, en plus d'un excellent alibi, la meilleure des planques.

Marcel Petiot ne trompe pas longtemps la vigilance des autorités. Le 31 octobre 1944, alors que le spectre de la défaite allemande étend son ombre sur la capitale, il est appréhendé près d'une station de métro par l'inspecteur Henri Soutif. Il faudra attendre l'apaisement du conflit pour que débute, le 18 mars 1946, l'instruction de «l'un des plus grands procès de l'histoire criminelle»ainsi que l'a titré Le Figaro la veille– par la cour d'assises de la Seine. L'engouement médiatique rappelle celui qui, une guerre mondiale plus tôt, entourait l'affaire Landru.

«Ça ne va pas être beau!»

Dans ce dossier, l'accusé est soupçonné de vingt-sept assassinats. Circonstance aggravante, en cette période abîmée par le traumatisme des crimes contre l'humanité: parmi ses victimes se trouvent douze personnes de confession juive qu'il prétendait aider à passer en Argentine afin d'échapper à la Gestapo… Mais au lieu de leur ouvrir le chemin de l'exil, le docteur, prétextant leur injecter un vaccin, les empoisonnait dans une chambre à gaz de sa confection (et assistait à leur agonie par l'intermédiaire d'un judas aménagé dans la porte). Par une coïncidence morbide, la méthode d'exécution du docteur Petiot copiait les procédés en vigueur dans les camps d'extermination nazis.

Malgré les preuves accablantes, l'accusé n'aura de cesse de clamer son innocence, prétextant avoir agi au service de la France en se débarrassant de soixante-trois ennemis du régime –rien que des soldats allemands, des espions ou des collaborateurs de Vichy. Mais il se montre incapable de justifier pourquoi, parmi les affaires des «traîtres» découvertes dans sa cave, on a retrouvé un pyjama d'enfant.

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On retiendra finalement vingt-quatre meurtres avec préméditation, faute de témoignages ou d'indices plus substantiels. Après trois heures d'une délibération très attendue, Marcel Petiot est condamné à la guillotine. La sentence est exécutée le 25 mai. Maître Floriot, son avocat, l'accompagne au seuil de l'échafaud. C'est alors que, se retournant vers l'assistance, un sourire pendu au coin aux lèvres, le monstre prononça ses dernières paroles: «Ça ne va pas être beau!»

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