Russell Crowe a eu son heure de gloire. En 1999, il faisait partie de la dizaine d'acteurs émergents dont on parlait à Hollywood. Cet Australien né en Nouvelle-Zélande talentueux était connu des cinéphiles, mais encore suffisamment obscur pour se trouver relégué au dernier plan sur l'affiche de L.A. Confidential (1997).
À la fin de l'année 2000, il était devenu une immense star, un héros de films d'action, doté d'un véritable tempérament d'acteur et capable de se transformer à volonté. Il a été la vedette d'un énorme succès au box-office où il apparaissait en toge et en sandales, et a également incarné un scientifique courageux qui a dénoncé Big Tobacco (les grandes entreprises mondiales de l'industrie du tabac).
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Il pouvait être tour à tour costaud ou cérébral, invulnérable ou blessé. Il sera nommé trois fois de suite aux Oscars dans la catégorie du meilleur acteur, le genre d'exploit réservé à des artistes de la stature de Jack Nicholson ou Meryl Streep. Son comportement de bad boy était légendaire et son charme si puissant qu'il a fait capoter le mariage de Meg Ryan, la «chérie de l'Amérique».
Ces jours-ci, Russell Crowe revient dans L'Exorciste du Vatican, un film d'horreur de bas étage dans lequel il roule en Vespa et affronte Satan dans un château espagnol plongé dans l'obscurité. Le film est sorti dans les salles obscures françaises le mercredi 10 mai.
Récemment, ses seuls rôles ayant suscité un tant soit peu d'intérêt ont été des caméos dans des films de super-héros: on l'a vu incarner le père de Superman dans Justice League de Zack Snyder ou encore Zeus, dans une interprétation parodique et autoréférentielle, dans Thor: Love and Thunder.
La vente aux enchères organisée en avril 2018 pour financer son divorce et à des fins caritatives (et le suspensoir qu'il a porté dans De l'ombre à la lumière et acheté par John Oliver) a été plus médiatisée que des films aussi dispensables qu'Enragé (2020), The Greatest Beer Run Ever (2022), Prizefighter: The Life of Jem Belcher (2022) –sans oublier le film qu'il a réalisé en 2022, Poker Face, qui a fait 1,7 million de dollars de recettes en une semaine dans les salles de cinéma, avant d'être distribué en vidéo à la demande.
Des tâtonnements en tous genres avant de sortir de la confidentialité
Il fut un temps où Russell Crowe avait la cote. Au point non seulement d'amener un studio à produire une épopée sur l'arche de Noé (2014) –une idée tellement bête que Troy McClure, le personnage acteur des Simpsons, l'avait eue avant– mais aussi d'en tirer une manne de 360 millions de dollars avec un succès mondial.
Aujourd'hui, il doit se contenter d'une production comme L'Exorciste du Vatican, un film de série B correct, qui a terminé derrière Super Mario Bros. le film lors de son week-end de sortie en salles. Que s'est-il passé? En revenant sur cette période bénie de deux ans au tournant du millénaire, on mesure l'ampleur et la rapidité de l'ascension de Russell Crowe, mais on entrevoit aussi comment il pourrait retrouver son statut de star.
Le succès de Russell Crowe ne s'est pas produit du jour au lendemain. Il avait une trentaine d'années lorsque son premier film américain est sorti, après une quinzaine d'années de tâtonnements: tournée en Australie dans le rôle d'Eddie dans The Rocky Horror Show, DJ dans un club d'Auckland appelé King Creole's, tournage de vidéos promotionnelles pour l'agence publique australienne en charge du dédommagement des accidents du travail. Sous le nom de «Russ Le Roq», il a aussi enregistré plusieurs chansons de style rockabilly, dont une chansonnette intitulée «I Just Wanna Be Like Marlon Brando».
Hollywood s'est intéressé à lui pour les deux prestations très différentes qu'il a données dans deux films australiens, lesquels ont remporté un succès modéré au niveau international. Dans Romper Stomper (1992), il incarne le leader d'un groupe néo-nazi de Melbourne, une brute au regard exorbité. C'est un rôle dénué de subtilité, dans un film dont l'énergie provient essentiellement d'une mise en scène survoltée. Russell Crowe a remporté l'équivalent de l'Oscar australien du meilleur acteur aux AACTA Awards en 1992. Mais à mon avis, la première performance qui a vraiment révélé son potentiel est celle qui lui a valu le prix du meilleur second rôle l'année précédente.
Dans Proof (1991), une comédie dramatique déjantée réalisée par Jocelyn Moorhouse, Russell Crowe incarne l'ami taiseux et observateur du héros aveugle et méfiant, joué par Hugo Weaving. Il est sympathique, généreux et intelligent, et si l'on ajoute à cela son charisme dans Romper Stomper, on comprend pourquoi Hollywood lui a ouvert les bras.
Au début de sa carrière en studio, Russell Crowe a joué des rôles qui semblent indiquer la perplexité des réalisateurs. On lui fait jouer le personnage le plus ennuyeux dans Mort ou vif (1995) de Sam Raimi (sur ordre de Sharon Stone) et le méchant créé par intelligence artificielle dans Programmé pour tuer (1995), un film de science-fiction fait pour Denzel Washington.
Ce n'est qu'avec L.A. Confidential (1997) qu'un réalisateur hollywoodien, Curtis Hanson, lui donne un rôle à sa mesure. Russell Crowe y incarne Bud White, un policier sur les nerfs qui s'éprend de la call-girl interprétée par Kim Basinger. La prestation de Russell Crowe en gros dur au cœur tendre a été éclipsée par le succès de Guy Pearce, Kevin Spacey et surtout Kim Basinger, mais à bien des égards, le chemin de Bud White vers la clarté est au centre du film.
Une confirmation à coups de glaive
Puis vint 1999 et Révélations de Michael Mann. Dans le rôle de Jeffrey Wigand, le scientifique qui dénonce les fabricants de cigarettes, Russell Crowe est conflictuel et orageux, courageux et en colère, calculateur en même temps qu'impulsif. Par-dessus tout, Jeffrey Wigand est intelligent: même pris au dépourvu, il cherche toujours la bonne solution. C'est cette intelligence que Michael Mann porte à l'écran, cette intelligence dont fait preuve Russell Crowe dans ses scènes face à Al Pacino, qui joue Lowell Bergman, le producteur escroc du magazine télévisé 60 Minutes.
Bien que Russell Crowe ait un quart de siècle de moins qu'Al Pacino, Jeffrey Wigand semble être l'égal de Lowell Bergman, et pas seulement à cause des quinze kilos qu'aurait pris Russell Crowe, ni de la perruque argentée, ni du maquillage censé le vieillir. Ils sont tous les deux parfaitement crédibles en hommes aguerris, explosifs et compliqués, défenseurs acharnés d'idéaux qui les poussent à faire des choix difficiles.
Après Révélations, Russell Crowe a voyagé en Angleterre, au Maroc et à Malte pour tourner Gladiator (2000) de Ridley Scott pour DreamWorks. Le tournage lui-même a pris la forme d'une arène de gladiateurs, une épreuve à haut niveau d'enjeu et de tension. Russell Crowe devait porter un film dont le budget s'élevait à quelque 100 millions de dollars –un film qui, au début du tournage, n'avait pratiquement pas de scénario– sur ses épaules musclées (il avait perdu les 15 kilos superflus de Jeffrey Wigand, un exploit qui a beaucoup fait parler à l'époque).
Entouré, et observé, par des centaines d'acteurs et de collaborateurs sur le plateau du film le plus cher jamais produit par DreamWorks, Russell Crowe a été contraint d'inventer son personnage et même une grande partie de son dialogue au pied levé. Il a affirmé avoir écrit le discours de Maximus sur sa vie paisible dans une ferme espagnole, en s'inspirant de sa propre nostalgie de l'Australie. Même «Force et honneur», la devise de Maximus, est une adaptation de la devise latine de son lycée de Sydney.
«Je suis le plus grand acteur du monde et je peux me débrouiller pour que même un texte nul ait l'air bon.»
Il s'en est brillamment sorti, notamment, en se dépassant, en s'appropriant l'incroyable assurance –si ce n'est l'arrogance– de Maximus. «Une large part de ce qui tient à mon caractère soi-disant “explosif”, vous savez, est liée à cette expérience», a-t-il déclaré plus tard. Russell Crowe pouvait être «exigeant et capricieux» sur le plateau, selon des témoignages de l'époque.
Il détestait son partenaire Oliver Reed et s'est disputé avec Ridley Scott sur la question de savoir si Maximus, surnommé «l'Espagnol», devait avoir l'accent espagnol (c'est Ridley Scott qui a gagné: «Je ne voulais pas qu'il dise “Barthelona”.») «Votre texte est nul», a balancé Russell Crowe au coscénariste William Nicholson, engagé pour inventer de nouvelles scènes quelques jours avant le tournage. «Mais je suis le plus grand acteur du monde et je peux me débrouiller pour que même un texte nul ait l'air bon», a poursuivi la star australienne.
Et ça a marché: «Le plus drôle, c'est que c'est vrai», confie William Nicholson près de deux décennies après. Russell Crowe est un titan dans Gladiator, son engagement total rend même les moments les plus stupides de ce péplum tout à fait convaincants. Sur le champ de bataille, c'est un meneur d'hommes, aimé de ses troupes; dans les moments plus calmes, on sent qu'il a le cœur brisé par le massacre de sa famille; dans les scènes de combat au Colisée, il est magnétique, inspirant un groupe désorganisé d'esclaves à vaincre leurs adversaires et à humilier l'empereur qui l'a trahi. On a beau avoir conscience de l'ineptie du spectacle, on ne peut quitter l'acteur des yeux.
«L'Échange», échec commercial et liaison fatale pour Meg Ryan
Entre le tournage de Gladiator en 1999 et sa sortie l'année suivante, la notoriété de Russell Crowe –et le battage médiatique– avait atteint un seuil critique. En mars 2000, Russell Crowe avait été nommé pour l'Oscar du meilleur acteur pour Révélations (il a perdu face à Kevin Spacey dans American Beauty) et faisait régulièrement les choux gras de la presse à sensation pour ses frasques.
Pour ne citer qu'une altercation représentative: une bagarre au petit matin en novembre 1999 devant un bar de la Gold Coast en Australie a donné lieu plus tard à un procès pour chantage. Le site dédié au cinéma Ain't It Cool News, très influent à l'époque, s'est emballé pour Gladiator, publiant une série d'articles élogieux sur les projections tests. «Est-il métaphysiquement possible qu'un film fasse un tel effet?», pouvait-on lire sur le site, avec à l'appui un commentaire disant que «ce film ENVOIE DU BOIS» («it KICKS MAJOR ASS!»).
Juste avant la première de Gladiator, Russell Crowe était en Équateur pour tourner L'Échange (2000), un film centré sur une histoire d'enlèvement réalisé par Taylor Hackford, avec également Meg Ryan. Selon William Prochnau, le journaliste dont l'article paru dans Vanity Fair a inspiré le film, Russell Crowe (Terry Thorne dans le film) avait désormais la réputation d'être «un fauteur de troubles, un bagarreur et un type difficile». Lorsque Gladiator a cassé la baraque dès le mois de mai, rapportant 35 millions de dollars lors de son premier week-end en salles, Russell Crowe est retourné en Équateur après une tournée médiatique de neuf jours, devenu entretemps «une nouvelle superstar».
Le problème de L'Échange n'était pas le scénario –bien que le scénario de Tony Gilroy ne soit pas son meilleur, il tient largement la route– mais le tournage chaotique. William Prochnau évoque des pluies torrentielles, des coulées de boue, un coup d'État manqué et deux éruptions volcaniques distinctes. Taylor Hackford était lui aussi sujet à des éruptions. William Prochnau décrit un moment choquant où le réalisateur, furieux contre une jeune actrice péruvienne qui avait raté une scène de gifle, lui a «montré comment faire», précisément en la giflant.
Au milieu de la tourmente, Russell Crowe a semblé garder son sang-froid. Il a loué un théâtre à Quito pour montrer Gladiator à toute l'équipe, puis s'est approprié le bar voisin pour le reste de la nuit. À l'abri des regards, il s'est rapproché de sa partenaire à l'écran, Meg Ryan, qui vivait alors un mariage houleux avec Dennis Quaid, dont la fidélité laissait à désirer.
Taylor Hackford a affirmé n'avoir pas remarqué le début de liaison entre Meg Ryan et Russell Crowe durant l'essentiel du tournage. Mais au cours de l'été, lorsque l'équipe s'est rendue à Londres pour continuer à tourner, Meg Ryan a annoncé sa séparation avec Dennis Quaid et la presse people a rapporté que les stars de L'Échange étaient sorties bras dessus, bras dessous d'une projection de Mission: Impossible 2.
On a du mal à imaginer aujourd'hui l'emballement médiatique suscité par cette liaison. Le couple a fait la couverture de tous les tabloïds et occupé la première place dans l'émission «Entertainment Tonight» pendant tout l'été 2000. En septembre, L'Échange était, pour la plupart des fans de cinéma, indissociable de la romance des deux stars. Voici ce qu'a écrit Gillian Flynn dans la recension cinématographique de l'automne, dans les colonnes du magazine Entertainment Weekly:
«À moins d'avoir passé l'été dernier les yeux bandés dans une cave, vous connaissez l'intrigue de L'Échange, non? C'est l'histoire de cette adorable star de cinéma blonde qui a fait un heureux mariage hollywoodien avec un acteur sexy. Elle s'envole pour l'Équateur pour y tourner un film et craque pour ce type, un macho dans le genre de Richard Burton. Son mariage n'y résistera pas. Les tabloïds se déchaînent. Le drame!»
L'Échange a été un échec commercial, échec que Taylor Hackford a imputé à ses stars qui auraient refusé la plupart des interviews, mais que la profession et de nombreux spectateurs ont imputé à Meg Ryan. Elle a parlé de cette liaison comme du moment où elle est tombée en disgrâce. Cet épisode a porté un coup fatal à sa carrière.
Pendant ce temps, Russell Crowe remportait l'Oscar du meilleur acteur pour son rôle dans Gladiator et tournait le film qui lui vaudrait sa troisième nomination consécutive aux Oscars, Un homme d'exception (2001).
Deux décennies chaotiques
Tout comme son ascension vers la célébrité, la descente de Russell Crowe vers les marges a mis un moment à se concrétiser, mais est ensuite allée très vite. Pendant une quinzaine d'années après le succès d'Un homme d'exception (Oscar du meilleur film), il a joué dans des films du même genre. Certains d'entre eux étaient aussi bons, voire meilleurs, que ceux qui ont fait sa notoriété. Aujourd'hui encore et vingt ans après sa sortie, des spectateurs redécouvrent les joies de Master and Commander: De l'autre côté du monde (2003).
D'autres appartenaient à la catégorie des films médiocres qui se trompent sur les attentes du public, comme L'Échange en son temps. Trois d'entre eux ont permis à Russell Crowe de renouer avec Ridley Scott, bien qu'ils n'aient jamais retrouvé la magie de Gladiator.
Mais leur point commun, c'est qu'il s'agissait du genre de films que, d'année en année, les studios ont eu de moins en moins d'intérêt à produire. On peut voir en Russell Crowe une sorte de porte-drapeau des films sans franchise à budget moyen. Et même si sa chance était en train de tourner, il avait un meilleur palmarès que beaucoup d'acteurs qui essayaient de sauver ces productions de studio héritées du XXe siècle.
American Gangster (2007), Mensonges d'État (2008), Noé (2014): aucun de ces films n'a mis le feu au box-office, mais ils ont tous été lucratifs. Robin des Bois (2010) et Les Misérables (2012) ont même rapporté quelques centaines de millions de dollars chacun. Mais chaque année, dans une production pléthorique largement basée sur des adaptations, des remakes et la prédominance des super-héros, il y avait de moins en moins d'occasions d'utiliser les talents spécifiques de Russell Crowe.
Même si sa carrière n'a pas sombré comme celle de Meg Ryan après L'Échange, il faut noter aussi que son image publique a souffert –en partie, je pense, parce que pendant des années, Russell Crowe a tellement craint la presse que sa réticence à jouer le jeu est devenue évidente. Il avait vu ce dont les médias étaient capables.
Il a essayé de manipuler les journalistes australiens, allant jusqu'à offrir un salaire à un rédacteur de renom pour qu'il incite des confrères à promouvoir ses peu concluantes tentatives dans la musique rock. L'auteur en question, Jack Marx, a plus tard raconté l'histoire dans un remarquable article du Sydney Morning Herald, intitulé «J'étais le larbin de Russell Crowe».
Lorsqu'en juin 2005, il a été arrêté à New York pour avoir lancé un téléphone au visage du concierge d'un hôtel, Russell Crowe a reproché à celui-ci et à la police, mais aussi aux médias, d'avoir fait de lui une cible. Il s'est plaint à Jack Marx d'avoir l'impression de se promener «avec une cible de fléchettes sur le cul».
Lorsqu'un fan lui a demandé de signer, à l'intention de sa mère, un exemplaire d'un livre qui lui était consacré, il a répondu dans un tweet (qui compte parmi mes tweets de célébrité préférés de tous les temps): «Faut que ce soit dit, biographie de mes deux non autorisée, pleine de conneries, d'approximations et d'ordures tirées des journaux. Dis bonjour à ta mère.»
@MarisaBlake Sorry to tell you, unauthorized bullshit biography full of rubbish,assumption and shit from newspapers. Say hey to your mum
— Russell Crowe (@russellcrowe) January 12, 2013
Les huit ou neuf dernières années ont été cruelles pour les spectateurs qui ont un jour aimé Russell Crowe. Il a joué dans un très bon film, le buddy movie The Nice Guys (2016) –on sous-estime le talent comique de Russell Crowe–, mais qui a fait un flop.
Il a fait une tentative pour monter dans le train des films à franchise: La Momie (2017) de Tom Cruise, censé être l'entrée de Russell Crowe dans le Dark Universe, qui a échoué. Il a fait une prestation honorable dans la série diffusée sur Showtime, The Loudest Voice (2019), où il jouait un sulfureux Roger Ailes [prédateur sexuel et fondateur de la chaîne Fox News, ndlr].
Il a réalisé deux films, apparemment des projets qui lui tenaient à cœur, mais qui ne sont pas particulièrement réussis. Dans un récent sondage demandant aux spectateurs quels acteurs ils seraient le plus susceptibles de voir au cinéma, il ne figure même pas dans le top 20.
Russell Crowe surjoue, mais il n'a rien perdu de son talent
L'Exorciste du Vatican est l'un des seuls types de films pour public averti que le public est encore prêt à aller voir –les films d'horreur– et, à bien des égards, le rôle de Russell Crowe tire parti de ses qualités. Le père Gabriele Amorth est drôle, courageux et audacieux. Son intelligence sournoise se manifeste lorsqu'il déjoue les démons (dont la nature reste à préciser), qui ont pris possession du corps de ses patients. Russell Crowe a même l'occasion de parler italien, et en l'entendant forcer son accent, je me suis souvenu qu'il essayait de convaincre Ridley Scott de le laisser dire tranquillement «Barthelona».
Russell Crowe semble également avoir collaboré de bonne grâce à la promotion du film. On l'a vu donner des interviews tout à fait charmantes, la plupart depuis sa maison en Australie –comme ce podcast pris au hasard, ou cette intervention dans l'émission de radio de Dan Le Batard, où il se fout gentiment des questions interminables de celui-ci.
À 21 ans, Russell Crowe chantait qu'il voulait être comme Marlon Brando. Pendant deux ans, au tournant du millénaire, il l'a été. Même lorsqu'il a joué le rôle du père de Superman, il se prenait pour Marlon Brando. Mais à la fin de sa carrière, l'acteur légendaire a enchaîné des films comme Don Juan DeMarco (1994) et L'Île du docteur Moreau (1996). Même si j'ai pris beaucoup de plaisir à regarder L'Exorciste du Vatican, je pense que Russell Crowe peut viser plus haut.
Parce que le fait est que Russell Crowe surjoue, à la manière du Marlon Brando de la fin, dans L'Exorciste du Vatican –parfois délicieusement, mais il surjoue. Il en allait de même pour sa performance, drôle mais stupide, dans Thor: Love and Thunder. Remarquez, je suis heureux qu'il s'amuse sur un plateau de tournage (ça paraît beaucoup plus sain qu'être exigeant et colérique).
Mais après avoir revu les films de sa brève période de gloire, marqués par une intensité et un naturalisme assumé, j'espère qu'un grand réalisateur trouvera le moyen d'employer Russell Crowe, comme Michael Mann, Ridley Scott et même Taylor Hackford l'ont fait.
Jeffrey Wigand, Maximus et le négociateur Terry Thorne, malgré les différences de traitement cinématographique, étaient des hommes tiraillés entre leurs impulsions et leurs convictions les plus farouches, et qui se frayaient un chemin à travers leurs histoires avec une grâce physique et un intellect toujours sur le qui-vive. Quel bonheur ce serait si Hollywood produisait à nouveau le genre de films qui requièrent pareils talents.