Parents & enfants / Société

Un enfant adulte est-il obligé d'aider ses parents dans le besoin?

Temps de lecture : 4 min

À moins d'abus ou de graves manquements au devoir parental, un enfant est soumis à l'obligation alimentaire envers son ascendant.

Officialisée par le Code civil, lors de sa promulgation en 1804, l'obligation alimentaire veut que les membres d'une famille s'entraident. | Tyler Nix via Unsplash
Officialisée par le Code civil, lors de sa promulgation en 1804, l'obligation alimentaire veut que les membres d'une famille s'entraident. | Tyler Nix via Unsplash

Quand un parent n'est plus en mesure d'assurer ses besoins, cette tâche revient à son ou ses enfants. C'est ce qu'on appelle l'obligation alimentaire. L'enfant majeur devient alors «l'obligé alimentaire» de son parent et doit subvenir à ses besoins en termes de nourriture, de logement, de vêtements, de soins médicaux, etc.

Pourquoi et comment cette aide est-elle attribuée? Un enfant est-il obligé de venir en aide à un parent en situation précaire? Zoom sur les conditions et exceptions de l'obligation familiale des enfants envers leurs ascendants.

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Un devoir d'entraide familiale

Officialisée par le Code civil, lors de sa promulgation en 1804, l'obligation alimentaire veut que les membres d'une famille s'entraident. Elle concerne les époux, les parents envers leurs enfants et réciproquement, les enfants –biologiques, reconnus et adoptés, mais aussi les beaux-enfants– envers leurs parents. «Cette règle était sans doute dans les mœurs avant d'être édictée par le Code civil. Le Code Napoléon n'a fait que codifier des lois orales et des coutumes qui existaient déjà, dont celle de l'entraide familiale», retrace Me Sophie Hagège, avocate spécialiste en droit de la famille et fondatrice du cabinet SH Avocat.

Afin d'être aidé par son enfant, un parent en difficulté doit obtenir un accord écrit et à l'amiable qui stipule les formes que prend la pension. Si aucun accord n'est possible, le parent doit adresser une demande par lettre recommandée au juge des affaires familiales du tribunal judiciaire et prouver qu'il est incapable de subvenir seul à ses besoins.

Il arrive d'ailleurs que l'obligation familiale ne soit pas demandée par les parents en difficulté, mais par les institutions qui les prennent en charge afin d'éponger leurs dettes. «Ce sont souvent les départements des établissements où sont placées les personnes âgées qui demandent aux enfants de verser une pension alimentaire à leurs parents, parce qu'ils ne sont plus en état de payer eux-mêmes, précise Sophie Hagège. Comme l'obligation familiale est d'ordre public, les institutions et départements peuvent y recourir.»

Logement, habillement, nourriture…

L'obligation familiale est attribuée selon les revenus et charges de l'enfant, et les revenus, charges et prestations sociales du parent dans le besoin. Si elle est surtout financière de nos jours, cette aide peut prendre la forme d'un hébergement à titre gratuit, d'une pension à l'Ehpad, de paniers de courses réguliers, etc.

Bien sûr, l'enfant sollicité doit disposer de suffisamment de ressources pour subvenir à ses propres besoins. «En cas de condamnation, on ne peut pas demander à un enfant de verser 300 euros par mois à son parent s'il vit du RSA», relativise la spécialiste des affaires familiales.

Par ailleurs, les dépenses de première nécessité (nourriture, vêtements, etc.) sont déductibles des revenus imposables, en échange de «la preuve que la pension a bien été versée et que son montant correspond aux besoins de celui qui la reçoit et aux ressources de celui qui la verse», détaille l'administration fiscale.

Lorsqu'elle est mise en place, l'obligation alimentaire est valable jusqu'au décès de la personne qui en bénéficie, à moins que la situation de cette dernière n'évolue favorablement et n'amène à une réévaluation de la pension. S'il ne verse pas la somme attribuée pendant plus de deux mois et manque à son obligation, l'enfant encourt une peine de deux ans de prison et de 15.000 euros d'amende pour le délit d'abandon de famille.

Une exception dite d'indignité

Dans certains cas spécifiques, un enfant peut être dispensé de l'obligation d'aider son ascendant. Devant un tribunal, seul l'article 207 du Code civil concernant l'indignité parentale permet d'esquiver l'obligation alimentaire. «Si le parent a eu des comportements inadaptés ou a gravement manqué à ses obligations envers son enfant, le juge peut décharger l'enfant de tout ou partie de la dette, résume Sophie Hagège. C'est ce que l'on appelle l'exception d'indignité. Cela recouvre le parent qui a laissé son enfant pour partir à l'autre bout du monde, celui qui a commis des violences sur son enfant, celui qui a fait subir des sévices à son enfant…» Autrement dit: pas de solidarité familiale pour un parent indigne.

L'exception d'indignité concerne les enfants dont un parent s'est vu retirer son autorité parentale, les enfants dont le parent n'a pas contribué à leur éducation ou à leur entretien, les enfants retirés de leur environnement familial avant leurs 12 ans ou encore ceux dont un parent est l'auteur de violences conjugales.

Or, fin 2018, Françoise Le Goff, une habitante du Maine-et-Loire, recevait un courrier du conseil départemental l'invitant à régler les frais d'Ehpad de son père, qui avait tué sa mère, trente-six ans plus tôt, en 1982. Au tribunal, la femme a invoqué l'article 207 pour se dédouaner de cette obligation, avant de lancer une pétition pour éviter aux personnes ayant vécu une enfance traumatisante de recevoir ce type de demande.

«La réception de cette lettre a eu un impact immédiat: tristesse, colère, solitude se sont emparés de nous, fratrie dispersée, marquée à jamais dans notre cœur et notre âme, dans nos relations. Les images de cette violence vécue dans notre enfance ont refait surface, nous fragilisant à nouveau», rapporte la fratrie Le Goff dans sa pétition. Celle-ci a recueilli plus de 29.000 signatures et milite pour un retrait des droits parentaux aux parents maltraitants, afin d'éviter aux enfants de mener un second combat des années plus tard... cette fois, contre l'obligation alimentaire.

L'aide d'un avocat peut être précieuse pour recourir à l'article 207 du Code civil. Contester l'obligation alimentaire nécessite d'effectuer une requête auprès du juge aux affaires familiales et d'apporter la preuve de l'indignité parentale à travers des témoignages. Quand bien même on ne souhaite pas invoquer l'exception d'indignité, l'avocat permet de mieux constituer et appréhender le dossier et de mettre en valeur les arguments de l'enfant.

Ainsi, en cas de mauvaise entente avec un parent, de rupture de contact ou d'autre litige qui ne relève pas d'un manquement grave à l'obligation parentale, l'enfant a l'obligation de venir en aide à son parent, peu importe les relations qu'ils entretiennent.

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