Politique

Comment Emmanuel Macron pourrait-il tenir jusqu'à 2027?

Temps de lecture : 3 min

Le président fête ce lundi le premier anniversaire de sa réélection. Mais bien seul avec ses bougies, il apparaît déjà à bout de souffle.

Emmanuel Macron lors d'une visite d'école élémentaire à Ganges (Hérault), le 20 avril 2023. | Daniel Cole / POOL / AFP
Emmanuel Macron lors d'une visite d'école élémentaire à Ganges (Hérault), le 20 avril 2023. | Daniel Cole / POOL / AFP
Certes, si la politique est l'art de l'exécution, alors le bilan est exemplaire. Le gouvernement est parvenu à ses fins. La réforme des retraites est promulguée. La motion de censure évitée. Mais à quel prix?

Le champ politique ressemble à ceci: une force centrale fébrile, sur la défensive, assiégée sans relâche par la Nupes et le RN; tous deux persuadés de s'affronter en 2027, dans un duel sur les cendres du macronisme.

Quid des forces intermédiaires? Un no man's land. Les partis dits «de gouvernement», LR et le PS, végètent. Le centre-gauche et le centre-droit ont été aspirés dans le macronisme. Et les réfractaires à cette OPA ont été soigneusement éliminés. Là encore l'«exécution», dans les deux sens du terme.

Or, voici désormais que le chef de l'État s'étonne de ne plus trouver d'interlocuteurs «raisonnables» pour bâtir des compromis!

On «ne croule pas sous des candidatures de partage de responsabilités», a-t-il pesté lors de son récent déplacement à Muttersholtz, en Alsace. En écrasant les forces modérées, en instituant son face-à-face contre les extrêmes et les populismes, il a lui-même créé le vide qu'il déplore à présent.

Jamais un parfum de fin de règne ne sembla si précoce

Les Républicains et le centre-gauche, revanchards de ce président triomphant qui leur fit les poches électorales, refusent de se porter à son secours.

Emmanuel Macron brandit la réforme des institutions pour trouver un nouveau souffle: «Est-ce bien le moment?» balaye Gérard Larcher. Le président du Sénat ajoute, cruel, dans une interview au Parisien: «Si on interroge les Français sur leurs préoccupations, je doute qu'ils répondent: “Réforme de la Cour de justice de la République, réforme du Conseil supérieur de la magistrature ou proportionnelle à l'Assemblée nationale.” J'entends plutôt parler d'inflation et de crise des services publics.» Le message est limpide: ne comptez pas sur notre aide pour vous tirer d'affaire.

À ce stade, l'exécutif donne l'impression d'être trop puissant pour rester immobile, mais trop faible pour avancer.

Cette usure du pouvoir est profonde, mais elle n'est pas étonnante. Elle tient à la lassitude d'un deuxième mandat présidentiel. Celui de François Mitterrand fut peu à peu recouvert d'une atmosphère crépusculaire (défaite historique des socialistes aux législatives de 1993). La dernière partie du règne de Jacques Chirac fut piétinée par la bataille des ambitieux (Sarkozy, Villepin, Alliot-Marie). Mais jamais un parfum de fin de règne ne sembla si précoce.

L'anti-macronisme est si apprécié que chacun en veut sa ration

À cet isolement de l'exécutif, répond un affaiblissement des oppositions.

Malgré leurs rodomontades, elles ne maîtrisent pas grand-chose dans la contestation. Le calendrier et les modalités de la mobilisation sont restés dans les mains de l'intersyndicale unie. Les «casserolades» ont été lancées par des groupes de citoyens, aidés par le mimétisme et l'émulation des réseaux sociaux. La France insoumise tente de s'associer au mouvement, avec l'idée d'être «pour tout ce qui est contre», comme lors de la révolte des «gilets jaunes».

Les partis d'opposition sont contraints d'accompagner un mouvement qu'ils ne maîtrisent pas, ou si peu. «Puisque ces mystères nous dépassent, feignons d'en être l'organisateur», selon la formule de Cocteau.

Faute d'avoir pu faire échec au macronisme au sein du Parlement, LFI tente désormais de capter la colère. Y compris en inventant des citations pour nuire à la majorité, comme l'a fait le député Bastien Lachaud:

Par les temps qui courent, l'anti-macronisme est une denrée si appréciée que chacun en veut sa ration, fût-elle frelatée.

Soucieuse de ne pas apparaître à la traîne de la contestation, LFI ne dit rien contre les procédés les plus contestables: coupures d'électricité ciblées, dégradations de permanences de parlementaires Renaissance... Un jeu dangereux, que risquent d'ailleurs de subir les amis de Jean-Luc Mélenchon s'ils arrivent demain au pouvoir.

Cette surenchère s'explique aussi par l'effacement du rôle du Parlement. Contraints par le 49.3 et le 47.1, les députés d'opposition n'ont pas pu, pas su faire tomber la réforme au sein de l'hémicycle. D'où le doute sur leurs moyens d'action. Comment peser? «Il n'y plus la dramaturgie du vote de la loi, l'unité de lieu de l'Assemblée», souligne le député PS/Nupes Jérôme Guedj auprès du Monde. Donc, ajoute-t-il, «plus de prise» politique.

Comme si l'affrontement démocratique se déroulait désormais sur les places de villages, de part et d'autre d'un cordon de CRS, lors d'une visite ministérielle couverte par le tintamarre des casseroles.

Comme si l'exécutif n'avait plus vraiment le pouvoir, comme si l'opposition n'avait plus vraiment le contre-pouvoir.

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