Politique

Personne n'en parle, mais les législatives partielles du 16 avril ont des choses à nous apprendre

Temps de lecture : 5 min

Les trois députés des Français établis hors de France dont l'élection avait été invalidée (une candidate Renaissance, un LR et un EELV) ont finalement conservé leur siège.

Sans enjeux politiques considérables, ces trois scrutins représentaient tout de même un test de résilience pour les macronistes dans un cas au moins: celui d'Éléonore Caroit (Renaissance) dans la circonscription regroupant les pays d'Amérique latine et des Caraïbes. | Element5 Digital via Pexels
Sans enjeux politiques considérables, ces trois scrutins représentaient tout de même un test de résilience pour les macronistes dans un cas au moins: celui d'Éléonore Caroit (Renaissance) dans la circonscription regroupant les pays d'Amérique latine et des Caraïbes. | Element5 Digital via Pexels

Elles n'ont pas beaucoup attiré l'attention, ces trois élections législatives partielles qui concernaient les Françaises et Français établis hors de France. Elles ont en tout cas fait couler beaucoup moins d'encre que le scrutin qui s'est tenu dans l'Ariège le 2 avril et qui avait vu Bénédicte Taurine, députée sortante de La France insoumise (LFI) et représentante de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), se faire battre par Martine Froger, suspendue du Parti socialiste (PS) et opposée à la Nupes.

Mais si ces dernières législatives partielles, dont le second tour s'est déroulé le 16 avril, ont moins passionné les médias, c'est peut-être à tort. Les trois députés sortants dont l'élection avait été invalidée par le Conseil constitutionnel –une femme de la majorité présidentielle (Éléonore Caroit, dans la deuxième circonscription) et deux hommes de l'opposition (Meyer Habib, apparenté Les Républicains, dans la huitième circonscription et Karim Ben Cheïkh, candidat de la Nupes dans la neuvième)– ont été réélus sans difficulté.

Il est probable que si les résultats avaient été différents, dans un contexte social défavorable au président de la République, ils auraient été abondamment commentés. Mais sans enjeux politiques considérables, ces trois scrutins représentaient tout de même un test de résilience pour les macronistes dans un cas au moins: celui d'Éléonore Caroit (Renaissance) dans la circonscription regroupant les pays d'Amérique latine et des Caraïbes.

Il s'agissait aussi d'un test de bonne tenue ou d'effondrement dans les deux autres: celle du pourtour méditerranéen (la huitième) et celle du Maghreb et de l'Afrique de l'Ouest (la neuvième). Ces consultations pouvaient également servir de mesure de la contestation anti-Macron après la réforme des retraites.

Des taux de participation catastrophiques

D'ordinaire peu attractives, ces consultations des Français établis à l'étranger n'ont pas dérogé à la règle, avec des taux de participation catastrophiques oscillant, au second tour, entre 10,2% et 12,6%. Ils étaient du même ordre au premier tour (entre 10,2% et 11,9%).

Dans la circonscription d'Amérique latine, Éléonore Caroit conserve le siège qu'elle avait décroché en juin 2022 avec 57,4% des suffrages exprimés face à Christian Rodriguez (LFI). Constatant des «dysfonctionnements» dans la mise en œuvre des votes électroniques (absence de mot de passe pour la connexion à la plateforme permettant le vote en ligne), les sages de la rue de Montpensier avaient invalidé le résultat du scrutin dans cette deuxième circonscription des Français de l'étranger.

Dix mois après, les deux finalistes se retrouvaient en compagnie de huit autres protagonistes au premier tour, et se sont de nouveau affrontés au second. Chilien naturalisé français, Christian Rodriguez pouvait espérer bénéficier d'un vote sanction lié au rejet de la réforme des retraites. Il faut croire que les électeurs français d'Amérique latine n'ont pas été sensibles à cet argument: Éléonore Caroit a été réélue avec 62,4% des voix, soit cinq points de plus qu'en juin dernier. Le taux de participation a atteint 12,6% contre 16,2% en 2022.

Le candidat LFI a été devancé à Caracas (Venezuela), La Havane (Cuba), Mexico (Mexique) et dans deux villes sur quatre du Brésil (Rio de Janeiro et São Paulo). Un résultat notable quand on se souvient que ces pays ou leurs dirigeants sont des modèles ou des figures tutélaires pour Jean-Luc Mélenchon. À part Brasilia et Recife (Brésil), le Guatemala, La Paz (Bolivie) et Montevideo (Uruguay), Éléonore Caroit l'a emporté dans tous les pays sud-américains de la circonscription.

Meyer Habib, l'homme qui doit sa victoire à l'électorat d'Israël

Dans la huitième circonscription, Meyer Habib, député sortant apparenté Les Républicains (LR) –il était de l'Union des démocrates et indépendants (UDI) sous la précédente législature–, a été réélu avec quelque 54% des suffrages exprimés face à Deborah Abisror-de Lieme (Renaissance), candidate contre qui il avait déjà obtenu 50,5% des voix en 2022. Le taux de participation est de 11,8%, contre 13,9% dix mois auparavant.

Le Conseil constitutionnel avait invalidé l'élection de l'ancien centriste en pointant «des irrégularités et des manœuvres de nature à altérer la sincérité du scrutin». Meyer Habib, visé par ce constat, fait par ailleurs l'objet d'une enquête pour soupçons de «détournement de fonds publics».

Mais le plus remarquable dans cette victoire est la répartition des voix entre les différents États concernés. En effet, Meyer Habib ne l'emporte qu'en Israël et est battu dans les cinq autres pays: Chypre, la Grèce, l'Italie, Malte et la Turquie. La circonscription concerne aussi les territoires palestiniens, Saint-Marin et le Vatican, mais les résultats y sont marginaux (deux votants à Ramallah, dont un bulletin blanc) ou inexistants.

Meyer Habib, connu pour son positionnement très marqué à droite, doit sa victoire au poids d'Israël dans cette circonscription du pourtour de la Méditerranée: le pays regroupe 60,3% de l'ensemble de l'électorat, soit 83.388 électeurs inscrits sur un total de 138.245. Le candidat LR totalise 5.926 voix dans les villes de Haïfa, Jérusalem et Tel-Aviv (sur 7.746 suffrages exprimés dans ces trois cités), soit un score de 76,5% et une avance de 4.106 voix sur son adversaire.

Dans l'autre camp, Deborah Abisror-de Lieme l'a emporté dans tous les autres États de la circonscription qui, ensemble, pèsent donc pour 39,7% de l'électorat français. Elle a devancé son adversaire en Italie (Florence, Milan, Naples, Rome), en Grèce (Athènes, Thessalonique), en Turquie (Ankara, Istanbul), à Chypre (Nicosie) et à Malte (La Valette), y recueillant 5.062 voix (70,2% des 7.211 suffrages exprimés), contre 2.149 pour son adversaire de droite –mais son avance n'était que de 2.913 suffrages.

Neuf circonscriptions sur onze pour la majorité présidentielle

Le troisième scrutin partiel concernait la neuvième circonscription des Français de l'étranger, celle du Maghreb et de l'Afrique de l'Ouest. Comme dans les deux autres, la participation y a été très faible (10,2% au second tour, contre 18,1% en juin 2022). Le député sortant, Karim Ben Cheïkh, candidat Europe Écologie-Les Verts (EELV-Nupes), a retrouvé son siège. Il l'a largement emporté (67,7%) sur Caroline Traverse, la candidate Renaissance.

Son élection avait été invalidée pour les mêmes raisons que celle d'Éléonore Caroit dans la circonscription d'Amérique latine (des dysfonctionnements informatiques). Sauf à Agadir et Marrakech, où les scores sont plus serrés, le candidat écologiste a nettement dominé sa rivale dans toutes les villes de centralisation des résultats des seize pays de la circonscription.

Au terme de ces dernières élections, la majorité présidentielle détient neuf des onze circonscriptions des Français résidant à l'étranger (huit pour Renaissance, une pour le Mouvement démocrate), les deux dernières revenant donc à EELV (la neuvième) et à LR (la huitième).

Par rapport aux élections législatives de 2017, la majorité présidentielle a perdu une circonscription au profit des écologistes. En 2012, date du premier vote des Français de l'étranger dans des circonscriptions dédiées, le PS en avait décroché sept –il n'en détient plus aucune–, l'UMP (formation qui a précédé LR) deux, EELV une.

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