Certains restaurants offrent une expérience culinaire unique: manger dans l'obscurité totale. C'est le cas, par exemple, du Blinde Kuh à Zurich. Mais que se passe-t-il vraiment lorsqu'on ne voit pas ce qu'on mange? Le goût est-il différent, mange-t-on moins lorsqu'on n'a aucune idée de ce qui se trouve dans l'assiette? La BBC s'intéresse à la façon dont la dégustation à l'aveugle affecte nos sens.
Une étude a révélé que, sans la vision pour les guider, les gens pouvaient consommer bien plus de nourriture que d'ordinaire, sans même s'en rendre compte. Les participants ont mangé dans l'obscurité complète mais n'ont pas tous reçu la même chose. Certains d'entre eux se sont vu servir des portions classiques, les autres des portions bien plus larges. Une fois le repas terminé, tous les participants se sont rendus dans une salle éclairée, dans laquelle ils avaient la possibilité de choisir un dessert. Bien que les personnes ayant mangé des plus grosses portions aient consommé 36% de calories supplémentaires, elles ont ressenti la même sensation de faim et ont mangé tout autant de dessert que les autres. Ces données suggèrent que la vision de la nourriture détermine notre niveau de faim.
Veronique Greenwood, journaliste qui a expérimenté un repas chez Blinde Kuh pour la BBC, explique que le restaurant devient peu à peu silencieux. Si plusieurs personnes réagissent mal face au noir total et se mettent à paniquer, d'autres se sentent au contraire plutôt bien. Ce type d'établissement ressemble fort aux caissons de privation sensorielle utilisés par les psychologues dans l'étude des sensations. Les réactions dépendent de chacun: certains individus vivent mal le manque de stimulation, tandis que d'autres trouvent ça très apaisant.
Le temps passe vite quand on déguste
La journaliste assure ne pas avoir ressenti de changement au niveau de ses goûts: ils ne lui paraissent pas plus aiguisés dans le noir. La seule véritable différence réside selon elle dans la texture des aliments. Lorsqu'on rencontre un morceau bien croustillant dans notre cuillère, difficile de ne pas croire avoir affaire à un insecte atterri là par mégarde! Il faut quelques secondes pour reprendre ses esprits, analyser les goûts, et réaliser qu'il s'agit en fait d'un dessert sucré et croustillant.
Un avantage un peu plus surprenant semble également ressortir de l'expérience: le fait de pouvoir manger sans se préoccuper de sa tenue ou du comportement à adopter. Avec ces tracas en moins, tout ce qui compte, c'est la dégustation.
Après le repas, la notion du temps est complètement chamboulée. Sans avoir pu accéder à son téléphone portable ou à sa montre, difficile de se repérer. Alors que Greenwood pensait avoir passé quarante-cinq minutes dans le restaurant, elle s'est rendu compte que deux heures s'étaient en fait écoulées. Une chose est sûre: manger dans le noir ne modifie peut-être pas le goût, mais l'expérience ne laisse pas de marbre.