Société / Économie

Des drones, un porte-avions... Ce que l'armée française va faire de son budget inédit

Temps de lecture : 4 min

L'enveloppe de 413 milliards d'euros doit permettre d'atteindre le seuil des 2% du PIB en budget défense réclamé par l'OTAN.

Pour conserver son rang dans le club très fermé des puissances nucléaires, la France lance un nouveau programme de recherche, qui vise à se doter d'une troisième génération de sous-marins nucléaires lanceurs d'engins. | Rama via Wikimedia Commons
Pour conserver son rang dans le club très fermé des puissances nucléaires, la France lance un nouveau programme de recherche, qui vise à se doter d'une troisième génération de sous-marins nucléaires lanceurs d'engins. | Rama via Wikimedia Commons

«Il faut passer d'une logique de réparation à une logique de reconstruction», souhaitait Emmanuel Macron lors de ses derniers vœux aux armées, le 20 janvier dernier, sur la base aérienne de Mont-de-Marsan (Landes). Plus d'un an après le retour de la guerre en Europe, le cap est fixé. Et les armées basculent bel et bien dans une nouvelle ère.

Mardi 4 avril, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a présenté le contenu de la nouvelle loi de programmation militaire, à l'issue d'un conseil des ministres. L'enveloppe de 413 milliards d'euros, contre 295 milliards pour la loi précédente, doit permettre d'atteindre le seuil des 2% du PIB en budget défense, comme le réclame l'OTAN.

L'effort est inédit. Mais «il n'y a rien de trop», relativisait Sébastien Lecornu lors d'une conférence de presse. D'ailleurs, l'effet d'inflation est estimé à 30 milliards d'euros. Soit environ 7% des 413 milliards, selon les prévisions expliquées par le ministre fin février lors d'une audition au Sénat.

Priorité à la dissuasion nucléaire et au cyberespace

En dépit de certains renoncements, voici les axes de développement majeurs: la dissuasion nucléaire, la construction d'un nouveau porte-avions, la massification en matériels et soldats, ainsi que l'investissement dans le cyberespace. «Un des enjeux centraux est d'entrer dans l'ère du quantique et de l'intelligence artificielle», nous explique Jean-Michel Jacques, rapporteur du projet de loi de programmation militaire à l'Assemblée nationale. «Les capacités des satellites et des fusées vont être démultipliées. Et nous allons avoir besoin de l'espace afin de mener des actions en profondeur», ajoute le député du Morbihan (Ensemble).

Concernant l'importante part du budget consacrée à la dissuasion nucléaire, un rapport des sénateurs Cédric Perrin et Jean-Marc Todeschini sur les enseignements de la guerre en Ukraine indique que cela «ne doit pas être notre ligne Maginot». «Nous ne sommes dépendants d'aucune autre puissance», a néanmoins rappelé le ministre des Armées mardi. Pour conserver son rang dans le club très fermé des puissances nucléaires, la France lance ainsi un nouveau programme de recherche, lequel vise à se doter d'une troisième génération de sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE 3G).

«Le SNLE restera longtemps un outil d'une très forte crédibilité. Un ennemi qui voudrait décapiter le pays par des frappes préemptives ne pourrait éviter une riposte du fond de l'océan», expliquait l'amiral Pierre Vandier lors d'une audition à huis clos, le 11 janvier 2023, devant la commission de la défense et des forces armées de l'Assemblée nationale. «L'indiscrétion acoustique d'un SNLE en Atlantique, c'est la surface d'une balle de tennis comparée aux 124.000 m2 du palais Bourbon et de toutes ses annexes.»

Concernant les navires de surface, les ambitions ont par contre été revues à la baisse. La marine recevra, d'ici à 2030, trois frégates de défense et d'intervention au lieu de cinq initialement prévues, sept patrouilleurs hauturiers au lieu de dix et trois bâtiments ravitailleurs de forces sur quatre.

Gros sous et gros porte-avions

Autre annonce de taille: la construction du porte-avions nouvelle génération (PANG), qui représente «100.000 tonnes de diplomatie flottante» selon la formule de Henry Kissinger, l'ancien conseiller du président américain Richard Nixon. Plus imposant que le Charles de Gaulle actuellement en service, ce nouveau monstre d'acier doit être inauguré en 2038.

Toujours à propulsion nucléaire, il devrait bénéficier d'une meilleure durée de vie et coûter plus de 5 milliards d'euros. Il pourra transporter jusqu'à 2.000 marins et 300 avions de chasse comme le Rafale. Ou le Mirage 2000 qui continuera à être utilisé, contrairement à la promesse du «tout Rafale» formulée par le président de la République le 20 janvier dernier.

Conçu à la fin des années 1970 et spécialisé dans l'attaque au sol, ce modèle a été de toutes les opérations extérieures françaises. Il sera encore une fois encore modernisé. En somme, l'armée de l'air disposera en théorie de 226 appareils en 2030, contre 177 en 2023. Absent de cette loi de programmation militaire, l'avion de chasse européen du futur, le SCAF, est censé remplacer le Rafale d'ici à 2040.

Plus d'hommes, plus de missiles

Qui dit économie de guerre dit également massification des armées, à la fois en matière d'hommes et de munitions. «Macron ne s'est pas servi du budget des armées comme d'une variable d'ajustement. Mais l'impact de la loi sera forcément contenu, car le rétablissement de stocks de munitions et le renouvellement de matériel seront privilégiés», explique le colonel Peer de Jong, ancien aide de camp des présidents Chirac et Mitterrand.

Selon des analyses de l'armée de terre relayées par L'Opinion en octobre dernier, la France ne pourrait actuellement tenir qu'un front de 80 kilomètres en cas «d'engagement majeur de haute intensité». Si ces chiffres sont à relativiser, les armées françaises ne sont bel et bien pas taillées pour un conflit meurtrier comme celui en Ukraine. Pour pallier ces insuffisances, 16 milliards d'euros vont être alloués à l'achat de munitions. «Cela se fera au travers d'un système de fabrication censé être plus souverain», précise le député Jean-Michel Jacques.

Des missiles SOL-R vont être produits, ou encore des canons Caesar, comme ceux que la France a livré à l'Ukraine. Un nouveau modèle de cette pièce d'artillerie phare va être fabriqué à Bourges par l'entreprise Nexter. De plus, 6.500 soldats et 20.000 réservistes doivent rejoindre les rangs.

L'armée de terre gagne 3.000 drones (mais perd des blindés)

Mais selon plusieurs analystes, l'armée de terre est la grande perdante de cette loi de programmation militaire. Les troupes devront en effet compter avec une centaine de Jaguar en moins, un engin blindé de reconnaissance et de combat. Des livraisons de plusieurs centaines de blindés Griffon et Serval ont aussi été décalées à post-2030. «Il n'y a pas renoncement mais un étalement sur le temps long», nuance Jean-Michel Jacques.

En cas de besoin, les soldats pourront toutefois continuer à utiliser de vieux véhicules rustiques comme les VAB et AMX 10RC, qui ont déjà été de toutes les opérations extérieures. Dans le domaine aérien, l'armée de terre à néanmoins été entendue. Elle va être équipée d'environ 3.000 drones. À l'approche des Jeux olympiques, la question sensible de la lutte antidrone avait révélé une faiblesse du dispositif militaire français. Ces engins devraient donc être utilisés à l'été 2024 pour surveiller la compétition.

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