En vérifiant récemment le coût de mon abonnement Netflix, j'ai découvert, à ma grande horreur, que je payais 20 dollars (17,99 euros en France) par mois! C'est le tarif le plus élevé proposé sur la plateforme. Mon précieux argent me permettait apparemment de bénéficier de l'«Ultra HD» (vous savez ce que c'est?) et de la possibilité de visionner sur quatre appareils à la fois (ce qui n'est pas près de m'arriver).
La révolution du streaming est la porte ouverte à toutes les dépravations, et quand on en arrive à claquer 140 dollars par an pour regarder des épisodes de The Mindy Project datant de la dernière décennie et des programmes de stand-up affligeants, l'heure est grave. Il fallait faire quelque chose. Depuis quelques mois, ma copine et moi vivons donc dans un foyer équipé de Netflix avec pub. Et j'ai le plaisir de vous annoncer que c'est la meilleure chose qui soit arrivée à notre salon. Nous ne reviendrons jamais en arrière.
C'est comme si Netflix s'était transformé en TNT
Netflix a lancé son nouveau programme économique –«Essentiel avec pub»– l'hiver dernier, alors que l'entreprise était confrontée à une chute de ses prévisions de croissance et à la perte de nombreux clients. Le forfait est proposé au prix modique de 7 dollars (5,99 euros) par mois, et lorsque vous mettez dans votre liste Stranger Things, The Crown ou Emily in Paris, vous savez que la diffusion sera brièvement interrompue par une publicité pour les assurances ou par une vidéo promotionnelle pour Audi. C'est comme si Netflix s'était transformé en TNT; il ne manque plus que le décodeur.
Pour les pionniers disruptifs du streaming partis à la conquête du net, la publicité a longtemps été l'ennemi. La raison d'être de Netflix –lorsque l'entreprise était au sommet de sa gloire, au début des années 2010– était de vous garantir un rendez-vous hebdomadaire ultra zen avec Mad Men, sans coupures sponsorisées par Gillette. On l'a oublié, mais il y a dix ans, regarder les neuf épisodes d'une saison de House of Cards dans un état de torpeur hypnotique qui pouvait durer de midi à minuit, c'était le must.
Réanimés par une publicité Louis Vuitton
Nous voici en 2023, et je peux dire en toute honnêteté que j'aimerais mieux mourir que renouer avec le binge-watching. Mon nouveau forfait Netflix m'a prouvé que la télévision a atteint son point de perfection dans les années 1990, lorsque les coupures publicitaires nous permettaient de nous lever du canapé toutes les huit minutes.
Un exemple concret: ce week-end, ma copine a donné le coup d'envoi de la dernière saison de Love Is Blind, l'un des programmes TV les plus démoniaques jamais imaginés. Avec son casting de trentenaires pathétiques qui se rencontrent dans des «capsules-prisons» sans fenêtre, la série illustre à merveille la manière dont Netflix a ajusté ses ambitions aux exigences du grand capital. Clairement, je déconseille de consommer cette série en une unique séance de totale immersion, car ce genre d'expérience hautement toxique pourrait avoir raison de votre cerveau.
Mais Netflix avec pub est notre salut. Les personnages font un truc horrible à l'écran, et avant que moi ou ma partenaire ne soyons aspirés avec eux dans un trou noir, nous sommes reconduits à l'air libre et réanimés par une publicité Louis Vuitton. À ce moment-là, le charme est rompu, et nous pouvons parler, manger un bout, aller aux toilettes et –surtout– décider si nous voulons vraiment continuer à regarder Love Is Blind. Quel cadeau!
Netflix a réhabilité une merveilleuse tradition familiale
Les publicités me semblent un complément idéal aux divertissements les plus stupides de Netflix. Elles tombent à pic au milieu de Séduction haute tension (une émission de télé-réalité qui met la lubricité de ses participants à l'épreuve) ou de Selling Sunset (une émission de télé-réalité centrée sur l'immobilier à Los Angeles, tout comme Vanderpump Rules est centrée sur le secteur de la restauration). Leur pertinence peut faiblir dans les rares cas où Netflix essaie encore de relever le niveau (Roma n'est pas vraiment le genre de programme qu'on aime voir interrompu par de la pub).
Mais franchement, je retrouve la joie ancestrale de ces soirées d'avant le streaming où vous zappiez sur VH1 [chaîne de télévision américaine, ndlr] et où vous finissiez par visionner les deux derniers tiers de Minority Report. Les coupures publicitaires font retomber la tension dramatique pendant que vous retournez prendre une bière à la cuisine. En ce sens, Netflix a réhabilité une merveilleuse tradition familiale: tout le monde se réunit devant la télé, généralement après le dîner, pour regarder L'Empire contre-attaque avec quelques spots publicitaires en prime.
Tout ce que j'espère, c'est que Netflix va continuer dans cette voie. Pourrions-nous avoir des teasers en plus des publicités? Peut-être un clip cryptique de quinze secondes avant la pub qui alerte sur les dommages psychiques que risque d'engendrer la prochaine séquence de Love Is Blind? Pourrions-nous avoir le casting de Stranger Things en surimpression d'une pub pour les chips Doritos? Ou peut-être un épisode très spécial de The Crown présenté par Dyson Airwrap (le meilleur fer à boucler)? Les possibilités sont infinies. Tout le monde doit opter pour «Essentiel avec pub» au plus tôt, avant que Netflix ne fasse passer cette offre-là aussi à 20 dollars par mois.