Cet article est publié en partenariat avec Quora, plateforme sur laquelle les internautes peuvent poser des questions et où d'autres, spécialistes du sujet, leur répondent.
La question du jour: «Pourquoi le missile hypersonique russe Kinjal n'a-t-il pas été capable de détruire des centres névralgiques en Ukraine?»
La réponse de Nino Antoine:
Très bonne question. Il me semble que le missile Kinjal transporte une tonne de charge utile: c'est donc beaucoup en charge conventionnelle, mais pas suffisamment puissant pour détruire n'importe quelle cible. Mais qu'a-t-il de nouveau?
Rappelons-le, il existe deux grandes familles de missiles.
D'abord, il y a les balistiques et les balistiques intercontinentaux (ICBM). Ce sont des missiles qui se comportent comme une balle tirée à 45 degrés: ils montent, puis voyagent à 1.000 km d'altitude, pour redescendre à Mach 20 (vingt fois la vitesse du son). Ils transportent généralement six charges nucléaires, qui peuvent chacune se diriger à un endroit différent. On ne peut les arrêter que lorsqu'ils montent, et ils sont largement hypersoniques au sens propre du terme.
Ensuite, il y a les missiles de croisière qui, eux, transportent des charges plus conventionnelles. Ils volent bien plus bas et leurs trajectoires ne sont pas prévisibles. Malheureusement, ils ne sont pas très rapides. C'est là que l'on parle d'armes hypersoniques.
Ils volent cinq fois plus vite que le son, donc ne changent pas vraiment la puissance de frappe. Il est certes plus difficile de les intercepter, mais pour le moment, les missiles de croisière subsoniques suffisent. Bref, on peut voir que le Kinjal ne change quasiment rien à la donne, et encore moins au niveau de la puissance de feu car il coûte horriblement cher (10 millions de dollars le missile) –d'autant plus pour un produit encore sujet à des problèmes.
Bref, par pitié, ne dites plus «missiles hypersoniques» mais «missiles de croisière hypersoniques»! De fait, Vladimir Poutine a réussi à faire croire à tout le monde que son arme était révolutionnaire alors que… pas vraiment!