Si les dinosaures fascinent par leur gigantisme, leurs noms aussi restent gravés dans les mémoires. Diplodocus, tyrannosaure, velociraptor… Les célèbres patronymes de ces reptiles permettent de les identifier immédiatement. Pourtant, si l'on connaît les principaux, il demeure des centaines de dinosaures méconnus et autant de noms pour les qualifier. À ce jour, près de 700 espèces auraient été nommées, certaines selon des rituels classiques et d'autres de manière un peu plus fantaisiste.
Dis-moi ton nom, je te dirai qui tu es
La majorité des noms des dinosaures sont dus à leur apparence. À l'image même du terme de «dinosaure», proposé en 1842 par le paléontologue britannique Richard Owen et signifiant en grec ancien «lézard terriblement grand», ces reptiles géants ont été commodément classés selon leurs caractéristiques anatomiques.
Le tricératops doit par exemple son appellation à la forme particulière de son crâne, le plus large de tous les dinosaures connus. Son nom signifie ainsi «tête à trois cornes», du fait du trio d'excroissances situé sur sa tête –deux en haut du front et l'une plus petite sur le nez.
Le diplodocus, lui aussi, tire son nom d'une spécificité physique mais, surprise, ce n'est pas d'après son long cou qu'il a été baptisé. Formé à partir du grec diplous («double») et docos («poutre»), son nom fait en réalité référence à la structure de sa queue, constituée d'os doubles.
Les patronymes de dinosaures fabriqués de cette manière sont nombreux: on citera par exemple le spinosaure («lézard épineux»), qui possède une grande crête d'épines sur le dos, le stégosaure («lézard toité»), dont les plaques dorsales forment une sorte de toit, mais aussi le dilophosaure («lézard à deux crêtes»), qui doit son nom à la paire de crêtes osseuses allant de ses yeux à ses narines.
Chaque année, les paléontologues déterrent des dizaines de dinosaures inconnus, à qui il faut bien trouver un nom.
L'autre grand type d'appellation des dinosaures se base sur leurs compétences ou leurs capacités physiques. Ainsi, le célèbre T-Rex doit son nom à son statut de prédateur ultime. C'est en effet le diminutif de tyrannosaurus rex, traduit par «roi des lézards tyrans», du fait de la taille imposante du reptile (jusqu'à 15 mètres de long tout de même) et de ses griffes et dents particulièrement acérées.
Le nom du velociraptor, quant à lui, vient des mots latins velox («rapide») et raptor («voleur»), en référence à l'agilité dont le reptile fait preuve pour attraper ses proies. Ce coureur bipède au régime carnivore disposait en effet d'une morphologie particulièrement avantageuse pour courir à toute vitesse (jusqu'à 60 km/h).
Références géographiques et hommages
Reste que chaque année, les paléontologues déterrent des dizaines de dinosaures inconnus, qu'il faut bien baptiser. Avec en moyenne quarante-cinq nouvelles espèces découvertes tous les ans, le rythme d'exhumation de ces fossiles impose ainsi aux chercheurs de trouver d'autres mécanismes d'appellation.
L'un d'eux consiste à utiliser le lieu de la découverte dans le patronyme. L'albertosaure, dont la traduction signifie «lézard de l'Alberta», est un dinosaure trouvé dans la province canadienne du même nom. Il ne faut parfois pas chercher plus loin. Autre exemple avec l'argentinosaurus huinculensis, littéralement «lézard d'Argentine de Huincul», en référence au pays et à la ville d'origine du fossile.
Le wendiceratops est baptisé d'après la chasseuse de reptiles Wendy Sloboda, qui en découvre le fossile en 2010 au Canada.
Le patagotitan mayorum a lui aussi été nommé en référence au lieu de sa découverte en 2017, en Patagonie argentine. La taille et le poids de l'animal, comparés à ceux d'un titan (il mesure 37 mètres de long et pèse 70 tonnes), complète son nom qui signifie ainsi «titan de Patagonie». Mais qu'en est-il de l'épithète mayorum, accolé au nom principal du dinosaure? Il s'agit en fait d'un hommage à la famille Mayo, propriétaire du ranch où le fossile fut exhumé.
Car à travers la dénomination des reptiles que l'on découvre, il est également courant de rendre des hommages. L'appellation du gastonia, dinosaure herbivore au corps couvert d'une cuirasse d'épines, célèbre ainsi son premier découvreur, Robert Gaston.
Le wendiceratops est lui baptisé d'après la chasseuse de reptiles Wendy Sloboda, qui en découvre le fossile au Canada, en 2010. «Personne ne le mérite plus qu'elle. C'est une légende, l'une des meilleures chercheuses de dinosaures au monde», avait justifié David Evans, superviseur des recherches sur les dinosaures au Musée royal de l'Ontario, à propos de cette photographe de profession qui a désormais «son» dinosaure tatoué sur l'avant-bras.
En 2017 encore, un groupe de chercheurs franco-belges authentifie une nouvelle espèce de dinosaure herbivore, vieux de 74 millions d'années. Le fossile, déterré sur un site proche de Marseille, reçoit ainsi le nom de matheronodon provincialis, en l'honneur du paléontologue marseillais Philippe Matheron, mort en 1899 et premier à avoir mis au jour de nombreux fossiles de dinosaures dans la région.
Ce dinosaure se nomme donc «dents de Matheron de Provence», le suffixe -odon signifiant «dents» en grec ancien et le terme provincialis rappelant la Provence. Son nom cumule ainsi une spécificité physique (des dents atypiques), un hommage à son découvreur et même une référence au lieu où il a été trouvé.
Harry Potter, Marvel et autres facéties
De façon plus originale, certains de ces grands reptiles sont nommés au gré de la fantaisie des chercheurs. L'irritator reste l'un des plus amusants. Excédés par l'état dans lequel ils ont retrouvé un fossile, très dégradé par les contrebandiers qui le possédaient, des chercheurs britanniques décidaient alors de figer dans son nom leur irritation, le baptisant ainsi.
Le gasosaurus, quant à lui, semblerait presque être issu d'un canular. Ce dinosaure est découvert en 1985 par une compagnie pétrolière, à l'occasion d'un forage dans la province chinoise de Sichuan. Le «lézard du gaz» est né.
Les loufoqueries sont alors lancées: exemples avec le qantassaurus, nommé d'après la compagnie aérienne australienne Qantas Airways qui a aidé à sa découverte; le gojirasaurus baptisé d'après Godzilla, le monstre sacré du cinéma; le bienosaurus crichtonii, en hommage à Michael Crichton, l'auteur de Jurassic Park...
Le thanos simonattoi sort de l'imagination de deux chercheurs brésiliens fans de Marvel.
La culture représente en effet la plus grande source d'inspiration des scientifiques pour nommer les fossiles de dinosaures nouvellement exhumés. Le cinéma hollywoodien, en particulier, est un grand pourvoyeur de noms pour nos grands reptiles en quête d'identité.
Ainsi, le bambiraptor ou «Bambi voleur» désigne un petit dinosaure carnivore utilisant ses dents et ses griffes pour capturer ses proies –on est bien loin du faon de chez Disney. Plusieurs théories existent sur l'origine de la dénomination de ce reptile à plumes: sa petite taille ou son jeune âge ont pu motiver la référence à Bambi, comme dans le dessin animé. Certains affirment au contraire que le nom du dinosaure n'est pas lié au film, mais qu'il tient son origine du mot italien «bambino», signifiant «enfant».
Ce qui est certain, c'est que le thanos simonattoi sort bien de l'imagination de deux chercheurs brésiliens fans de Marvel. En étudiant les ossements de ce fossile, les scientifiques trouvent alors un point commun entre ce prédateur carnivore et le méchant des films Avengers prénommé Thanos: ils obtiennent la victoire en tuant.
Un dernier exemple pour la route avec le dracorex hogwartsia. Ce dinosaure est ainsi dénommé en hommage à la saga Harry Potter, «Hogwarts» étant le nom anglais de l'école Poudlard. Il est donc baptisé le «roi-dragon de Poudlard» en référence à son crâne piqueté de pointes, évoquant l'apparence des dragons de la saga.
J.K. Rowling, l'autrice des aventures du sorcier, s'est déclarée «absolument ravie de penser que Poudlard a marqué le monde fascinant des dinosaures», mentionnant «l'honneur le plus inattendu, de loin, depuis la publication de Harry Potter».
Les dinosaures n'ont pas fini de nous surprendre. Aujourd'hui, de plus en plus de ces animaux disparus sont découverts en Chine ou en Afrique et adoptent ainsi de nouvelles terminologies. L'inébranlable suffixe -sauros, désignant le lézard en grec ancien et constituant la base de la majorité des noms de dinosaures, tend désormais à être remplacé par -long, «dragon» en chinois. Le guanlong, «dragon couronné», le yinlong, «dragon caché» ou encore le dilong, «dragon empereur» sont ainsi autant de dinosaures nouvellement découverts.