Santé

Deux nouveaux traitements s'avèrent prometteurs pour lutter contre les infections sexuellement transmissibles

Temps de lecture : 5 min

Une étude française montre l'intérêt d'un vaccin et d'un antibiotique post-exposition pour prévenir le risque de gonorrhée, de syphilis et d'infections à chlamydia.

Les hommes cis gays, bis et pansexuels constituent la population la plus exposée à la gonorrhée, à la syphilis et à la chlamydia. | CDC via Unsplash
Les hommes cis gays, bis et pansexuels constituent la population la plus exposée à la gonorrhée, à la syphilis et à la chlamydia. | CDC via Unsplash

En France, les infections sexuellement transmissibles demeurent un vrai challenge en matière de santé publique. Entre 2019 et 2021, le nombre de personnes diagnostiquées positives à la chlamydia a augmenté de 9% et le nombre de gonococcies diagnostiquées dans les Centres gratuits d'information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) a grimpé de 12%. Si le nombre de syphilis est en légère baisse, la maladie concerne néanmoins plus de 6.000 personnes chaque année.

D'après les données de Santé publique France, ce sont les hommes cis gays, bis et pansexuels qui constituent la population la plus exposée à ces trois IST. Des données corroborées par l'OMS, selon laquelle ces infections bactériennes touchent plus particulièrement les jeunes, les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) et les minorités ethniques.

Souvent initialement asymptomatiques, ces infections ont, selon l'OMS, «une incidence profonde sur la santé. Si elles ne sont pas traitées, elles peuvent entraîner de graves conséquences, notamment des maladies neurologiques et cardiovasculaires, une infertilité, une grossesse extra-utérine, des mortinaissances et un risque accru de contracter le virus de l'immunodéficience humaine (VIH). Elles sont également associées à la stigmatisation et à la violence familiale, et affectent la qualité de vie.»

À ce jour, les moyens de s'en prémunir et d'éviter la transmission sont le préservatif, le dépistage régulier ainsi que la notification des partenaires. Il n'existe pas encore de vaccin faisant d'objet de recommandation de la part des autorités sanitaires, ni, comme c'est le cas pour le VIH, de prophylaxie pré-exposition (PrEP) ou traitement post-exposition. Mais cela va peut-être bientôt changer.

De bons résultats préliminaires

Dès l'automne 2022, nous avons appris –sans alors disposer des données chiffrées– les résultats très positifs de l'essai ANRS Doxyvac, mené par une équipe de recherche de l'AP-HP, d'Université Paris Cité, de l'Inserm et de Sorbonne Université en collaboration avec AIDES et Coalition PLUS.

Cet essai évaluait l'efficacité de la vaccination par le vaccin Bexsero sur le gonocoque et de la doxycycline en prévention post-exposition sur les IST chez des HSH –particulièrement exposés au risque d'IST– ayant présenté au moins une IST dans l'année précédant leur participation à l'étude.

Conduit depuis 2021 et prévu pour durer trois ans, l'essai s'était en fait terminé fin octobre 2022: les bons résultats préliminaires disponibles avaient conduit le comité indépendant de l'essai à recommander d'y mettre fin précocement et à mettre les traitements à disposition de tous les participants.

Lors de la 30e édition de la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportuniste de Seattle, qui s'est tenue en février, le Pr Jean-Michel Molina, chef du service de maladies infectieuses et tropicales à l'hôpital Saint-Louis et à l'hôpital Lariboisière et investigateur coordonnateur de l'étude, a pu en présenter les résultats détaillés.

L'essai Doxyvac a réuni 502 volontaires, répartis en quatre groupes par tirage au sort. Le premier a reçu le vaccin Bexsero et la doxycycline en traitement post-exposition après un rapport non protégé; le second, seulement le vaccin; le troisième, uniquement la doxycycline; et le quatrième, aucune de ces deux interventions.

La doxycycline contre la syphilis et la chlamydia

La doxycycline est un antibiotique communément prescrit, notamment pour traiter des IST. Dans les groupes qui ont reçu ce traitement en post-exposition, une réduction notable des infections syphilis (79% d'efficacité) et chlamydia (81% d'efficacité) a été constatée.

«Nous avons pu montrer que la doxycycline administrée dans les vingt-quatre à soixante-douze heures après un rapport à risque permettait de prévenir les infections à chlamydiae et la syphilis. Ces deux bactéries sont moins susceptibles de devenir résistantes à cet antibiotique d'ores et déjà largement prescrit pour leur traitement –même si évidemment, il nous faut rester vigilants, commente le Pr Molina. Cette doxycycline n'a en revanche qu'un effet modeste sur le gonocoque et ce n'est pas une surprise: nous savons que cette bactérie est fréquemment résistante à cet antibiotique.»

À ces résultats positifs sur une population HSH, il convient d'apporter une nuance: les études réalisées au Kenya n'ont pas retrouvé d'efficacité de la doxycycline en prophylaxie post-exposition (PEP) contre les infections à chlamydiae et le gonocoque chez des jeunes femmes prenant la PrEP en prévention du VIH.

Le Pr Molina explique: «Pour le gonocoque, c'est assez attendu car les souches présentes au Kenya sont connues pour être très résistantes à cet antibiotique. Concernant les infections à chlamydiae, il existe peut-être des raisons anatomiques et biologiques de diffusion de l'antibiotique, mais on peut également envisager qu'il y a eu une faible observance du traitement chez ces jeunes femmes.»

Prescrit en prévention post-exposition à raison de deux comprimés de 100 mg (chez les hommes cisgenres, donc), la doxycycline offre une couverture d'environ trois jours. Elle est en outre tout à fait compatible avec la PrEP, le traitement pré-exposition du VIH, de même qu'avec les autres antirétroviraux utilisés pour le traitement des personnes infectées par le VIH.

De plus, les effets indésirables à court terme de la doxycycline sont minimes, avec des troubles digestifs ou une photosensibilisation. «Nous ne connaissons pas encore les effets d'une prise régulière sur le moyen-long terme, notamment l'impact de cette prise sur le microbiote intestinal», signale néanmoins le Pr Molina.

Le vaccin Bexsero contre le gonocoque

Venons-en au vaccin Bexsero et à son action préventive contre le gonocoque. En France, le Bexsero a obtenu son autorisation sur le marché en France en 2013 et est recommandé chez les nourrissons et chez les personnes à risque pour la prévention des infections invasives à méningocoques du sérogroupe B, ainsi que pour les sujets contacts de cas sporadiques lorsqu'un foyer de méningite B se déclare. Il n'a pas d'effets indésirables spécifiques –si ce n'est une douleur temporaire au point d'injection et une éventuelle fatigue le lendemain de l'administration.

Dans l'essai Doxyvac, ce vaccin était testé pour la prévention de l'infection au gonocoque. Le Pr Molina explique ce repositionnement: «Les bactéries Neisseria meningitidis, responsable de la méningite B, et Neisseria gonorrhoeae, qui cause la gonorrhée, ont plusieurs antigènes communs. Et le vaccin Bexsero contient certains de ces antigènes communs aux deux bactéries. Sachant ceci, et du fait d'études observationnelles ayant retrouvé une possible protection vis-à-vis du gonocoque de personnes vaccinées par le vaccin contre la méningite B, nous avions de bonnes raisons de penser que le vaccin Bexsero serait efficace pour offrir un bon degré de protection vis-à-vis du gonocoque.»

Et c'est bien le cas, puisque dans les groupes qui ont reçu le vaccin, une réduction d'environ 50% de l'incidence des infections à gonocoque a été constatée. «On ne sait toutefois pas combien de temps dure cette protection», signale l'infectiologue. C'est la raison pour laquelle les participants à l'étude vont continuer d'être suivis jusqu'à la fin de l'année.

Pour le Pr Yazdan Yazdanpanah, directeur de l'ANRS, les résultats de l'essai Doxyvac constituent «une avancée majeure dans la lutte contre les IST. [Ils] devraient faire évoluer les recommandations nationales et internationales en matière de prévention contre ces maladies. Ce projet de recherche dans sa forme collaborative avec les associations AIDES et Coalition PLUS est particulièrement prometteur pour une future implémentation des recommandations.»

Pour autant, il s'agit de rester prudent et de considérer que lorsqu'ils seront utilisés dans le cadre de la prophylaxie des IST, le vaccin Bexsero et la doxycycline viendront compléter l'arsenal des moyens habituels de prévention, et non les remplacer: «L'efficacité constatée de la doxycycline en post-exposition et du Bexsero en prévention ne doit pas faire oublier l'importance du port du préservatif ainsi que d'un dépistage régulier (tous les trois mois) des infections sexuellement transmissibles chez les personnes exposées», insiste le Pr Molina.

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