Pour exercer davantage d'influence sur sa jeunesse, la République islamique d'Iran compte maintenant sur les jeux vidéo, rapporte Wired. Et notamment sur le tout récent Commander of the Resistance: Amerli Battle, où le joueur incarne Qassem Soleimani, général majeur des gardiens de la révolution islamique, mort en 2020 lors d'une attaque de drone américain en Irak.
Influencer par le jeu
En Iran, ce militaire est une figure controversée, accusé de nombreux assassinats ciblés ainsi que de manquements aux droits humains. En janvier 2022, une statue à son effigie a d'ailleurs été brûlée. Mais l'objectif du jeu est, au contraire, de faire apparaître Soleimani en héros et de créer son mythe. Et pour cela, le régime compte sur la relance de son industrie vidéoludique.
«Les jeux de propagande représentent la manière de penser que le gouvernement veut imposer à la jeunesse, confirme à Wired un ancien développeur iranien ayant travaillé sur des produits similaires. La présentation du général dans le jeu est en total décalage avec ce que pensent vraiment les Iraniens. L'État veut changer l'opinion publique grâce aux jeux vidéo.»
Un secteur dominé par le régime
Si la révolution islamique de 1979 a conduit au bannissement de toute technologie à usage personnel, à partir des années 1990, celle-ci a fait son retour. Le tout premier jeu vidéo entièrement iranien date de 1995, et il attire rapidement l'intérêt de l'État, qui voit cette technologie non plus comme un outil qui corrompt mais comme un outil qui peut lui servir.
Les premiers jeux dans lesquels on combat les ennemis de l'Iran font leur apparition, et pendant les années 2000, l'industrie du jeu vidéo en Iran est florissante. En 2007 est même créée la Fondation iranienne des jeux informatiques et vidéo, qui va soutenir les développeurs indépendants –tant que leurs jeux ne contredisent pas l'État.
Mais cet âge d'or des jeux vidéo iraniens connaît une fin brutale en 2014, quand la société américaine Electronic Arts sort Battlefield 3. Dans ce jeu de tir à la première personne, des soldats américains combattent des soldats iraniens, présentés comme les antagonistes. Cette représentation provoque la colère de l'Iran, qui l'interdit dans tout le pays. L'événement met un grand coup de frein à tout le secteur.
Les développeurs sont de moins en moins soutenus par l'État et les licences d'exploitation deviennent extrêmement dures à obtenir. Finalement, le secteur est dominé par le régime et les développeurs indépendants ne créent plus ou quittent le pays afin de pouvoir le faire.
Militaire et développeur
Dans le monde des jeux de propagande, une figure se détache depuis la fin des années 2010: Mahdi Jafari Jozani. Membre du Bassidj, organisation paramilitaire chargée de la sécurité intérieure, il a lancé trois jeux entre 2020 et 2022: Ambassador of Love, Moktar: the season of rebellion et enfin Commander of the resistance.
Ces trois jeux représentent l'Iran selon la volonté du régime, c'est-à-dire comme une théocratie entourée d'ennemis, et proposent tous une version révisionniste de l'histoire iranienne. De quoi embrigader un peu plus les jeunes esprits.