Société / Monde

Dallas Humber, icône néonazie et muse des terroristes suprémacistes

Temps de lecture : 3 min

Elle est à l'origine du collectif qui, sur Telegram, célèbre les auteurs d'attentats racistes, homophobes et antisémites, et incite ses membres à passer eux aussi à l'action.

Dans le collectif Terrorgram, chaque terroriste suprémaciste est mis sur un piédestal. | Maxim Hopman via Unsplash
Dans le collectif Terrorgram, chaque terroriste suprémaciste est mis sur un piédestal. | Maxim Hopman via Unsplash

Le 12 octobre 2022, le Slovaque Juraj Krajčík ouvrait le feu dans un bar essentiellement fréquenté par la communauté LGBT+ de la ville de Bratislava, tuant deux personnes et en blessant une troisième. Après avoir pris le temps de tweeter qu'il ne regrettait absolument pas son geste, le jeune homme âgé de 19 ans, fils d'un politicien d'extrême droite, s'est donné la mort.

Sur le réseau social, Krajčík avait également publié un lien vers un manifeste de soixante-cinq pages, dans lequel il appelait au génocide des personnes queer, juives et noires. En fin de document, il exprimait tout particulièrement sa gratitude envers la communauté numérique qui lui avait permis de s'épanouir: le collectif Terrorgram. Ce groupe de propagande néonazie utilise l'appli de messagerie cryptée Telegram pour célébrer les terroristes d'extrême droite. Selon le HuffPost, c'est la première fois que Terrorgram était cité par un auteur d'attentat –mais il est à craindre que ce ne soit pas la dernière.

Jusqu'ici, on ignorait qui se cachait derrière la création de ce groupe. Mais des investigations ont permis de remonter jusqu'à Dallas Erin Humber, femme âgée de 33 ans, résidant dans la ville californienne de Sacramento. Fer de lance du collectif, elle est également l'autrice de plusieurs livres audio et documentaires à la gloire des terroristes suprémacistes, ces derniers étant qualifiés de «saints» dans les productions en question –un terme également employé par Juraj Krajčík dans le document posté avant son suicide.

Le HuffPost a tenté d'enquêter sur Dallas Humber, dont le métier n'est pas clairement identifié, mais qui semble enchaîner les activités pour gagner sa vie (de vendeuse d'objets d'arts à représentante en sextoys). La trentenaire fréquente le milieu néonazi depuis son adolescence: on a retrouvé des traces de sa présence sur différentes communautés en ligne, ainsi qu'un blog créé en 2003, dans lequel elle rendait notamment hommage à Adolf Hitler et à son dauphin Rudolf Hess.

«Fan art» antisémite

Passionnée de dessin et d'animation, elle aimait également publier des portraits de ses idoles, le tout dans un style proche de celui de certains mangas ou films d'animation japonais. Le HuffPost publie –entre autres– un dessin représentant le nazi Josef Mengele, posant sous des traits aussi kawaii que possible devant les portes du camp d'Auschwitz. Ou comment repousser les limites de l'abjection.

D'après les éléments dénichés au fil de l'enquête, Humber aurait connu une radicalisation fulgurante et aurait multiplié les identités pour mieux étendre son influence. Parmi ses pseudos: «pretty dictator», «the Lolita of the Far Right» et désormais «miss Gorehound» («la jolie dictatrice», «la lolita d'extrême droite» et «l'accro aux films gore»).

À l'âge adulte, elle a continué à mettre en ligne des dessins inspirés par l'Allemagne nazie, mais cette fois sous un angle «ero guro», mouvement artistique japonais mêlant grotesque et érotisme. Parmi ses publications les plus récentes et les plus tristement marquantes, on trouve aussi une fanfiction se déroulant dans un camp de la mort, autour de la relation torride d'un couple de nazis. Toujours plus loin.

D'une communauté l'autre

Fin 2019, elle a basculé vers Telegram, qui lui a d'abord servi à partager ses productions avec sa communauté –car ses aficionados étaient apparemment nombreux. Depuis, le groupe a changé de nature et d'objectif: place au collectif Terrorgram, où il est permis de mettre chaque terroriste raciste sur un piédestal, de le canoniser en ligne, et d'exhorter les membres à s'organiser pour commettre d'autres actes à leur tour.

Dallas Humber peut-elle être inquiétée par les autorités américaines, et si oui, pour quels motifs? Rien n'est sûr, explique le HuffPost. Il ne semble pas si simple de démontrer qu'elle ait directement incité d'autres personnes à commettre des actes racistes, homophobes ou antisémites. Ses encouragements peuvent-ils être considérés par la justice comme réellement menaçants? Vue à travers le prisme du droit américain, la question reste pleine d'incertitudes.

Dans d'autres pays, les choses seraient sans doute plus aisées. Au Royaume-Uni, par exemple, le suprémaciste blanc Daniel Harris, 19 ans, a récemment été condamné à onze ans de réclusion pour avoir produit des vidéos ayant incité les terroristes de Buffalo et de Colorado Springs à passer à l'acte. Il appelait notamment à «l'extermination totale des sous-humains, une fois pour toutes».

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