Société / Culture

Ces braquages inspirés par le cinéma et les séries

Temps de lecture : 6 min

Du cinéphile Rédoine Faïd –motivé par le septième art pour commettre ses braquages– aux récents plagiats de «La Casa de papel», les œuvres de fiction sont des sources d'inspiration pour les gangsters.

La série espagnole La Casa de papel, diffusée dans le monde entier sur Netflix depuis 2017, n'en finit plus d'inspirer de vrais braquages aux quatre coins de la planète, du Mexique à la Turquie, en passant même par la France. | Capture d'écran AuCiné via YouTube
La série espagnole La Casa de papel, diffusée dans le monde entier sur Netflix depuis 2017, n'en finit plus d'inspirer de vrais braquages aux quatre coins de la planète, du Mexique à la Turquie, en passant même par la France. | Capture d'écran AuCiné via YouTube

À l'image de la dernière série événement de Netflix, Kaléidoscope, de nombreuses fictions adaptent de vrais braquages à l'écran. Mais les cambrioleurs ne se privent pas non plus de piocher leurs idées dans les films et les séries. Les casses rocambolesques du septième art deviendraient-ils de véritables modes d'emploi pour des braqueurs en manque d'inspiration?

Rédoine Faïd, le braqueur qui se prenait pour un acteur

Rédoine Faïd ne s'en est jamais caché: le film Heat a inspiré l'un de ses premiers braquages. Dans ce thriller policier où Robert de Niro donne la réplique à Al Pacino, une équipe de gangsters attaque un fourgon blindé en plein cœur de Los Angeles avant que les choses ne tournent mal. Sorti en France en février 1996, le film fascine Rédoine Faïd.

Le criminel français, déjà impliqué dans plusieurs vols à main armée, s'en inspire largement pour son premier braquage d'un fourgon blindé, en juillet 1997 à Villepinte (Seine-Saint-Denis). «Moi, c'est en regardant Heat que j'ai appris. Je rêvais de me faire un fourgon, il m'a donné le mode d'emploi. [...] Je l'ai revu sept fois au cinéma et une centaine de fois en DVD, afin de disséquer la scène du braquage du fourgon, qui m'a servi pour ma première attaque de convoyeurs», confirmera-t-il d'ailleurs en octobre 2010, dans un entretien donné au magazine Le Point.

Affublés de masques de hockey, comme les acteurs dans le film réalisé par Michael Mann, Rédoine Faïd et ses complices appliquent minutieusement la même stratégie que leurs avatars de Heat. Leur voiture percute d'abord le fourgon blindé qui rentre au dépôt, tandis que deux camionnettes se placent derrière lui pour l'empêcher de s'enfuir. Quand les policiers arrivent, des coups de feu fusent. Le braqueur français est blessé mais parvient malgré tout à s'échapper. Il sera incarcéré l'année suivante.

En mars 2009, après dix ans de détention, Rédoine Faïd sort de prison mais n'oublie pas ses premières amours. Quelques mois après sa libération conditionnelle pour bonne conduite, lors d'une rencontre avec Michael Mann, organisée par la Cinémathèque française, le criminel lui déclare sa flamme et ne cache pas son admiration pour le cinéaste.

«Moi personnellement, je suis un ancien gangster, malheureusement, je ne m'en vante pas, confesse Rédoine Faïd à son idole, alors qu'il se trouve dans le public. Je viens de faire une dizaine d'années de prison. J'ai attaqué des fourgons blindés, des bijouteries, des banques. [...] Depuis vingt ans, je connais Michael Mann, je l'ai découvert avec “The Thief” [Le Solitaire, ndlr]. Et avec une bande de copains, on a regardé un peu ses films comme des reportages, comme des documentaires. [...] Je ne suis pas un autodidacte: j'avais un conseiller technique, un prof de fac, une sorte de mentor et il s'appelle Michael Mann. Ma question est simple: est-ce qu'il a conscience qu'il y a des gangsters qui puissent s'inspirer de son cinéma, puisque moi ça m'est arrivé?» Visiblement désarçonné –et ça se comprend–, le réalisateur états-unien élude alors la question, après un petit rire gêné:

Rédoine Faïd, grand criminel et cinéphile passionné? Dans l'exécution de ses (nombreux) autres larcins, il n'y pas qu'à Heat qu'il rend hommage. Reservoir Dogs, Point Break, Le Cercle rouge ou encore Sleepers: autant de films dont le bandit s'inspire allègrement. «C'est terrible à dire, mais nous avons été énormément influencés et inspirés par le cinéma, assume-t-il froidement lors de la promotion de son livre Braqueur – Des cités au grand banditisme, coécrit avec Jérôme Pierrat, en 2010. Quand on est voleur, on regarde plus facilement des films de gangsters que Pretty WomanDans son autobiographie, il va même jusqu'à tenir le septième art pour responsable: «Tu enlèves le cinéma, tu te retrouves avec 50% de délinquance en moins.»

Loin d'avoir raccroché, Rédoine Faïd poursuit par la suite les braquages de grande envergure, l'un causant la mort de la policière municipale Aurélie Fouquet en mai 2010, ainsi que les évasions spectaculaires dignes de scénarios hollywoodiens, dont la dernière de la prison de Réau (Seine-et-Marne) en hélicoptère en juillet 2018 –pour laquelle il devrait être jugé en fin d'année 2023. Il reste aujourd'hui incarcéré à l'isolement à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis (Essonne).

De plus en plus de bandits copient «La Casa de papel»

La série espagnole La Casa de papel, diffusée dans le monde entier sur la plateforme Netflix depuis 2017, n'en finit plus d'inspirer de vrais braquages aux quatre coins de la planète, du Mexique à la Turquie, en passant même par l'Hexagone. Dans le feuilleton télévisé, les plus remarquables malfaiteurs d'Espagne sont réunis pour accomplir le meilleur hold-up jamais réalisé. Le lieu: la Fabrique nationale de la monnaie et du timbre, à Madrid. L'objectif: y imprimer 2,4 milliards d'euros en petites coupures.

Un scénario qui a influencé des voleurs mexicains, en 2019. Visiblement séduits par le lieu du casse dans la série, les trois cambrioleurs s'introduisent en plein jour dans... la Casa de Moneda de México (la «Maison de la monnaie» de la capitale mexicaine) et y subtilisent 1.567 pièces d'or. Un butin d'une valeur de 2,5 millions de dollars, selon les médias locaux. Ce vol, d'une simplicité déconcertante –ils sont entrés par la porte principale du bâtiment–, rappelle également l'intrigue du show de Netflix.

Si la cible des malfrats de La Casa de papel semble donc être une source d'inspiration pour d'authentiques braqueurs, leur costume, lui aussi, marque manifestement les esprits. Dans la série, les personnages portent tous ces célèbres combinaisons rouges et des masques à l'effigie du peintre Salvador Dali. Une tenue reproduite par deux criminels français, en juillet 2018. Affublés du déguisement, ils dévalisent un magasin de Gétigné (Loire-Atlantique), près de Nantes, embarquant argent, bijoux et équipements multimédia, pour une valeur totale de 13.000 euros. Ils seront arrêtés quelques semaines plus tard.

Plus flagrant encore: en Turquie, en décembre 2018. Après avoir dérobé plus de 180.000 dollars d'objets électroniques dans différents magasins d'Istanbul, les cambrioleurs interpellés avouent avoir calqué leurs méfaits sur la série espagnole. Âgés de 13 à 20 ans, ils ont en effet utilisé le même type de masque, de gants et changé leurs chaussures après le vol. Au terme d'une course-poursuite à bord d'une voiture volée, ils ont été arrêtés par la police.

Très populaire dans le monde entier, l'intrigue du show n'a pas finie d'être copiée par des bandits de toutes nationalités. En 2020 encore, c'est au Brésil qu'un groupe de braqueurs pillent plusieurs banques. Pourchassés par la police, ils laissent derrière eux un sillon de billets, à l'image de la pluie de billets déversée sur Madrid dans un épisode bien connu des fans de la série.

D'abord sur grand écran, des subterfuges plagiés au détail près

Certains gangsters sont tellement admiratifs des films ou des séries de mafieux qu'ils les reproduisent scrupuleusement. C'est le cas d'un trio de braqueurs américains, influencés par le film The Town de Ben Affleck, sorti en septembre 2010 et racontant le casse audacieux d'une banque à Boston.

Moins de deux ans après, en février 2012, des malfaiteurs répètent ainsi en tous points les étapes du film, des accessoires aux techniques employées, cette fois-ci dans une banque de New York. Ils se procurent d'abord des masques en silicone, fabriqués par une entreprise spécialisée et proche de l'industrie du cinéma.

Ensuite, à l'instar des braqueurs de The Town, ils se déguisent en policiers avant de menacer l'une des employés de la banque, brandissant une photo de son domicile pour montrer leur détermination. Enfin, toujours en s'inspirant du film policier, les trois cambrioleurs arrosent le lieu de leur forfait d'eau de javel pour éviter que des traces ADN ne les incriminent. Après une fuite réussie et 200.000 dollars de butin en poche, ils sont finalement pistés, à cause de leurs grossières erreurs. Envoyer un mail de remerciement au fabricant de leurs masques, soulignant «un réalisme incroyable», n'était –semble-t-il– pas l'idée du siècle!

Une précision égalée par des braqueurs français, en 2012 toujours. Cette fois, c'est le film Snatch: Tu braques ou tu raques de Guy Ritchie, datant de 2000, qui est plagié par des criminels.

Déguisés en rabbins pour inspirer confiance aux propriétaires, avec un large chapeau noir et une fausse barbe, les trois jeunes hommes dévalisent des bijouteries dans le Val-de-Marne, exactement comme dans la scène d'ouverture de Snatch. Ils dérobent ainsi plus de 100.000 euros de bijoux. Après avoir été interpellé et mis en garde à vue, l'un des membres du gang reconnaît avoir pioché l'idée de ces braquages dans le fameux film policier.

Le braquage d'une banque de Los Angeles en septembre 2012, effectué en kidnappant la directrice de l'établissement et en l'obligeant à sortir de l'argent, semble également calqué sur Hollywood. Au moins deux films contiennent des scènes similaires à l'événement: Bandits et 30 Minutes maximum.

Une énième preuve que, si le cinéma s'inspire de la réalité pour échafauder ses scénarios de braquages, les cambrioleurs aussi trouvent leurs idées dans la fiction. Reste que les risques encourus ne sont pas les mêmes pour tous.

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