Monde / Économie

Malgré la guerre, la reconstruction de l'Ukraine devient une opportunité économique

Temps de lecture : 4 min

Organisé à Varsovie, le salon «Rebuild Ukraine» a joué les entremetteurs entre autorités locales et prestataires étrangers, dont des français.

Le mardi 7 février 2023, des employés du bâtiment travaillent sur le site d'un immeuble résidentiel démoli, à Hostomel en Ukraine. Fin février 2022, cette ville située dans la banlieue nord-ouest de Kiev a été transformée en champ de bataille au début de l'invasion de la Russie en Ukraine, alors que les forces russes ont tenté en vain de s'emparer de la capitale. | Roman Pilipey / Getty Images Europe / AFP
Le mardi 7 février 2023, des employés du bâtiment travaillent sur le site d'un immeuble résidentiel démoli, à Hostomel en Ukraine. Fin février 2022, cette ville située dans la banlieue nord-ouest de Kiev a été transformée en champ de bataille au début de l'invasion de la Russie en Ukraine, alors que les forces russes ont tenté en vain de s'emparer de la capitale. | Roman Pilipey / Getty Images Europe / AFP

À Varsovie (Pologne).

Le démarrage du salon «Rebuild Ukraine» évoque un improbable salmigondis. En ce matin du mercredi 15 février, dans le centre d'expositions Warsaw Expo XXI, situé dans le quartier ouest (Wola) de Varsovie, tout en autoroutes urbaines, barres de béton et courants d'air, une file interminable serpente lentement –très lentement– dans le hall d'entrée. À son extrémité, se situe le guichet permettant de récupérer les badges, sésame indispensable pour accéder au «village», où sont représentées une vingtaine d'agglomérations ukrainiennes. Les entrepreneurs ayant jeté l'éponge dans la queue l'apprendront à leurs dépens. Peu après, la conférence de presse inaugurale commencera avec quarante-cinq minutes de retard.

Organisé par la société ukrainienne Premier Expo les 15 et 16 février, «Rebuild Ukraine» veut permettre aux municipalités du pays, dont certaines sont toujours occupées par la Russie, de trouver des prestataires locaux et étrangers capables de les aider dans la reconstruction de leurs territoires détruits par la guerre. Une dizaine d'entreprises françaises sont présentes sur le pavillon géré par Business France, l'agence étatique chargée d'aider les sociétés françaises à se développer à l'international. D'autres assurent une présence plus discrète.

Rebâtir Marioupol «comme Varsovie ou Dresde»

«À Marioupol, 90% des immeubles d'habitation, 60% des maisons et l'intégralité des transports publics sont détruits. Nous allons avoir besoin de restaurer l'accès à l'eau, à l'électricité, au gaz, et de reconstruire des logements pour pouvoir accueillir les déplacés lorsqu'ils vont revenir. Le montant des dommages est estimé à 14,5 milliards de dollars. Mais la ville sera rebâtie comme Varsovie ou Dresde ont été rebâties après la Seconde Guerre mondiale», nous déclare l'élu du conseil municipal de Marioupol, Andrii Feda, cheveux ras, chemise blanche et veste à carreaux.

Andrii Feda aimerait aussi que la France renforce son soutien à la reconstruction de l'Ukraine –un message récurrent chez les municipalités ukrainiennes– alors que sa ville négocie actuellement avec la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et la Banque européenne d'investissement (BEI), pour financer sa future reconstruction. Sachant que Marioupol demeure à ce jour sous occupation russe et que les travaux ne pourront commencer que quand l'armée ukrainienne l'aura reprise.

«Contrairement à d'autres villes ukrainiennes [qui ont été anéanties rapidement par la Russie, ndlr], Kherson est détruite petit à petit, méthodiquement, par l'armée russe, qui nous bombarde en permanence depuis ses positions, qui sont à environ 700 mètres de la bordure de la ville. Nous avons besoin de 34,1 millions de dollars pour l'accès à l'eau potable et de 2,3 millions pour restaurer le réseau de transports», détaille Halyna Luhova, carré blond, lunettes et uniforme kaki, à la tête de l'administration civilo-militaire de Kherson.

La France impliquée, mais pas leader

Plusieurs entreprises françaises sont déjà présentes en Ukraine –la plupart depuis les années 1990– et mobilisées sur la reconstruction. Neo Eco, une société nordiste experte de la réutilisation des gravats pour la construction, a ainsi été chargée par la ville de Hostomel (située près de Boutcha et Irpin, dans la banlieue de Kiev) de déconstruire un immeuble d'habitation endommagé. Le contrat a rapidement évolué pour que s'y rajoute la construction de plus de 400 logements.

De grands groupes d'ingénierie français, tels que Egis et Beten International, s'activent eux aussi sur les chantiers de réhabilitation aux quatre coins de l'Ukraine. Les grands groupes de BTP français restent quant à eux à l'écart, pour le moment.

Toutefois, comme nous avons pu le constater sur place, le «pavillon France» faisait quelque peu pâle figure à côté d'autres stands nationaux, en particulier l'immense pavillon allemand, qui occupait facilement un quart de la surface du salon. Sur le «village» où sont représentées une vingtaine de collectivités ukrainiennes, les Allemands et les Italiens apparaissent particulièrement nombreux. Dans une moindre mesure, les Polonais, Danois et Sud-Coréens se montrent aussi proactifs. Les États-Unis, principal soutien militaire de Kiev, ne sont évidemment pas en reste.

La prise de conscience semble toutefois amorcée à l'Élysée. Paris réfléchit à nommer un envoyé spécial chargé de la reconstruction en Ukraine et à créer un outil financier permettant aux autorités françaises de mieux la financer.

Le Medef International apparaît également de plus en plus en mobilisé sur la question. Après avoir emmené des entreprises rencontrer plusieurs ministres ukrainiens la semaine dernière, il organise une réunion sur la reconstruction en présence de plusieurs responsables de la banque publique Ukreximbank, ce mercredi 22 février.

Un futur empli de doutes

Mais au-delà des besoins urgents, les municipalités ukrainiennes voient déjà plus loin. Elles portent d'ambitieux projets de réaménagements urbains et veulent stimuler les investissements étrangers sur leurs territoires, même si la guerre n'est pas encore terminée et que ces nouvelles constructions pourraient très bien terminer sous des obus ou des bombes russes.

«La reconstruction ne va pas attendre la fin de la guerre. Il est important que les entreprises françaises se positionnent déjà, qu'elles disposent d'une visibilité sur les besoins, les opportunités, les chaînes de décision et les différents financements disponibles», analyse Clarisse Roussel, cheffe de projet chez Business France.

Interrogées sur ces projets à plus long terme, les entreprises françaises se montrent logiquement plus frileuses. D'autant que les incertitudes en matière de financement apparaissent encore plus marquées que sur les projets de reconstruction d'urgence. Et que les récentes conférences sur la reconstruction en Ukraine ont laissé transparaître des tensions entre la présidence ukrainienne et les autorités locales concernant la réhabilitation du pays.

Newsletters

Poutine s'est tiré une balle (nucléaire) dans le pied

Poutine s'est tiré une balle (nucléaire) dans le pied

Le président russe a annoncé qu'il allait stocker des armes nucléaires chez son voisin biélorusse, stratégie qui au mieux ne servira à rien, au pire se retournera contre lui.

Violence armée aux États-Unis: quand la NRA s'engageait pour la régulation du port d'armes

Violence armée aux États-Unis: quand la NRA s'engageait pour la régulation du port d'armes

La tuerie de Nashville relance l'éternel débat de l'accès aux armes. Contrairement à ce qu'on croit, l'opinion américaine n'a pas toujours été pro-armes.

Un an après l'occupation russe, Boutcha et Irpin se reconstruisent

Un an après l'occupation russe, Boutcha et Irpin se reconstruisent

Podcasts Grands Formats Séries
Slate Studio