C'est sur le «droit à l'oubli» qu'Eliminalia a bâti son business depuis 2013. L'entreprise espagnole, qui se propose d'«éliminer le passé» de ses clients, des particuliers comme des entreprises, a récemment fait l'objet de révélations portées par le consortium de journalistes Forbidden Stories, dans le cadre d'une enquête mondiale sur la désinformation baptisée «Story Killers».
Un cache de 50.000 fichiers internes à l'entreprise, qui montre comment la société a travaillé pour une multitude de clients dans le monde entier, a surtout permis de mettre en lumière les pratiques douteuses de cette dernière en matière d'«élimination des données personnelles».
Si une partie des personnes ayant eu recours aux services d'Eliminalia l'a fait pour effacer d'internet les traces d'épisodes embarrassants ou traumatisants, au nom de la protection des données personnelles et du droit à la suppression d'informations portant atteinte à la réputation, il apparaît que la société a également proposé ses services à des clients accusés ou condamnés pour des infractions pénales, notamment des trafiquants de drogue, des fraudeurs, des petits délinquants, et au moins un délinquant sexuel.
Produire des faux en masse
Eliminalia indique sur son site obtenir la plupart de ses résultats en mobilisant le «droit à l'oubli» garanti par l'Union européenne, qui peut également s'appliquer à des criminels dans certains cas.
Mais le «nettoyage» pratiqué par la société espagnole s'accompagne dans certains cas d'un arsenal de pratiques contraires à l'éthique voire illégales, allant de l'usurpation d'identité d'un tiers (comme celle de médias) au dépôt de fausses plaintes relatives aux droits d'auteur auprès de moteurs de recherche comme Google, en passant par la publication massive d'articles de spam sur des sujets de divertissement comme les chihuahuas, les voitures ou les règles du foot, mais qui comportent le nom de certains clients, et visent à noyer les authentiques articles négatifs où celui-ci aurait pu figurer, en truquant les référencements.
Parmi les clients d'Eliminalia, on retrouve notamment une banque suisse, accusée d'avoir enfreint la réglementation sur le blanchiment d'argent, ou un magnat turc de la biotechnologie, accusé d'avoir engagé un tueur à gages pour assassiner deux rivaux. Les services de la boîte, qui se monnayent habituellement à quelques milliers d'euros, ont pu être facturés jusqu'à 100.000 euros dans certains cas.