Santé / Sciences

Saurions-nous mieux réagir face à une nouvelle pandémie?

Temps de lecture : 6 min

La crise du Covid-19 aura permis de mettre en lumière certaines erreurs de gestion, mais aussi quelques phases bien négociées, dont il faut tirer autant d'enseignements que possible.

Les autorités et institutions sanitaires françaises savent mieux guérir que prévenir. | Parastoo Maleki via Unsplash
Les autorités et institutions sanitaires françaises savent mieux guérir que prévenir. | Parastoo Maleki via Unsplash

Imaginez que demain, un nouveau péril pandémique émerge. S'il est impossible de prédire sa nature exacte, il n'en reste pas moins qu'à l'aune de l'expérience Covid, on peut se demander si nous serions prêts à riposter, individuellement et collectivement.

Répondre à cette question suppose d'établir un bilan de ce qui a été fait précédemment, et notamment dans les premiers mois de la récente crise sanitaire. C'est un exercice compliqué: même en étant critique des actions du gouvernement, il est impossible de dire que sa gestion initiale de la crise a été une catastrophe absolue. On lui attribuerait volontiers une mention assez bien.

Les autorités françaises ont eu le mérite, à l'instar des autres pays européens, de réagir avec un confinement strict d'un mois et demi. Or, si elle s'imposait –faute de vaccins et face à l'urgence–, cette mesure radicale n'aurait jamais été envisagée quelques mois auparavant. Et la population, que l'on aurait pu craindre récalcitrante, a finalement suivi sans trop de réticences.

C'était la «guerre», pour reprendre l'expression du président Macron lors de son intervention du 16 mars 2020. Tout s'est mis en place très rapidement, et ce malgré une forme de déni initial –on se rappellera du même président se rendant au théâtre dix jours auparavant pour inciter la population française à sortir malgré le coronavirus. On garde aussi en mémoire la date du 15 mars, et le maintien somme toute irresponsable du premier tour des élections municipales, qui a vraisemblablement causé plusieurs décès.

Mais dès le 17, les autorités ont sonné l'heure de la riposte face à une menace qui leur était jusque-là inconnue. On les sait désormais affûtées pour réagir de manière martiale face à une crise de grande ampleur. En outre, si la réponse a été radicale, elle a été proportionnée à la menace, mais aussi adaptée à la compréhension que les autorités ont de leur population. On voit assez nettement la différence en Europe, entre les pays latins (où l'obligation a été de mise) et les pays plus nordiques ou plus protestants comme la Suisse ou l'Allemagne (où c'est l'incitation qui a été privilégiée).

EPI en stock

Les autorités françaises auraient-elles pu mieux anticiper? Difficile à dire. Sans doute aurait-il fallu une meilleure gestion du stock de masques en amont plutôt que d'envoyer les soignants au front sans protection –on pense notamment aux médecins de ville ainsi qu'aux infirmières libérales, qui ont payé un lourd tribut au Covid faute de moyens de protection.

On aurait aussi aimé davantage de transparence au lieu d'une communication autour du fait que les masques ne servent à rien en population générale, servant de cache-misère à la pénurie d'équipements de protection individuelle (EPI). Reste que question anticipation, le gouvernement ne disposait pas de tous les indicateurs de veille sanitaire qui ont été développés très rapidement ensuite, ni d'ailleurs de tests R-PCR (et encore moins antigéniques) permettant de mener à bien cette veille.

Il est possible que désormais, et d'ailleurs nous l'avons vu avec l'épidémie de Monkeypox, les réflexes basiques de veille sanitaire soient acquis, même si celle-ci n'est pas aujourd'hui optimale pour le Covid-19. La veille pourrait en effet être améliorée en prenant exemple notamment sur le Royaume-Uni, et en développant une surveillance basée sur un échantillonnage de la population. Cela pourrait être d'ailleurs fort utile en cas d'émergence d'une autre épidémie, pour surveiller par exemple le développement de symptômes atypiques chez les individus.

Pour en revenir aux masques, il faut noter que la pénurie initiale a montré la très grande capacité de la population à faire preuve d'inventivité et de solidarité pour se protéger et pallier le manque –on se rappellera des tutoriels en ligne pour coudre des masques en tissu… Retrouverons-nous ce type de réflexes face à une autre maladie émergente? Impossible d'en avoir la certitude, mais nous en sommes capables et nous ne devons pas oublier cette faculté.

Au niveau institutionnel, il est probable que la leçon ait été tirée au moins en partie, car il existe maintenant un groupe de travail dédié à la question au sein du Haut Conseil de la santé publique. Mais là, prudence, car si nouveau virus il y a, nous n'avons aucune idée de son mode de transmission –aéroportée ou non.

Gérer les flux

Un autre aspect majeur pour répondre efficacement aux premiers instants d'une crise sanitaire est la capacité des hôpitaux à absorber de nouveaux malades. Sur ce point, la situation était et reste extrêmement tendue, et il est certain qu'un afflux majeur de patients en un laps de temps court serait une catastrophe pour un système de soins en train d'imploser. C'est un vrai point noir (et d'interrogation) auquel on espère sans trop y croire que le quatrième Plan national santé environnement (PNSE) saura répondre.

Il faut également parler de la vaccination, et d'abord de la production des vaccins, qui n'a été ni française ni même européenne –ce qui nous maintient dans une forme de dépendance vis-à-vis notamment des États-Unis. En outre, on pourra déplorer le relatif échec du Covax qui, de doses manquantes en dons insuffisants, n'a pas eu la puissance escomptée, et n'est pas parvenu à ses objectifs de vaccination massive à travers le monde.

La campagne de vaccination doit également être évoquée. Si bien sûr on aurait aimé des doses pour tout le monde et tout de suite, il faut reconnaître que sur les premiers temps de la campagne, il y a eu un bel engouement à se faire vacciner et à vacciner. Un point cependant demande discussion: la part du débat démocratique. En effet, la solution choisie par le gouvernement a été de ne pas rendre la vaccination obligatoire –sauf à certaines professions–, mais de créer un pass sanitaire poussant à la vaccination.

Le temps de la science n'est pas le temps de l'urgence épidémique.

On peut regretter qu'il n'y ait pas eu de véritable débat éclairé sur ces aspects plus politiques. Bien sûr, pour qu'un débat puisse exister, il aurait fallu une totale transparence et de la pédagogie sur l'efficacité des vaccins et sur leurs effets indésirables. Le gouvernement, dans son désir de vacciner en masse et dans sa sous-estimation des antivax les plus radicaux, est passé à côté de cette mission.

Pour autant, chercheurs et médecins ont pu faire entendre leurs voix, et différents journalistes se sont efforcés de vulgariser au plus juste en suivant le consensus scientifique. La démocratie en temps de crise est imparfaite, et c'est un aspect qui devra être reconsidéré en cas de nouvelle épidémie.

Après la vaccination, les traitements. L'épisode hydroxychloroquine aura sans doute aidé à mieux comprendre comment fonctionne la recherche, et à ne pas céder aux arguments d'autorité. On sait que le temps de la science n'est pas le temps de l'urgence épidémique, et c'est une réalité difficile à accepter lorsque des milliers de gens sont gravement malades et décèdent. Nous avons appris (et pris) cette réalité de plein fouet.

Gare au manque

La crise du Covid a également mis en lumière les carences qui conduisent à des pénuries de médicaments. Sommes-nous mieux armés aujourd'hui? Pas sûr. Les tensions restent nombreuses, même si des dispositions ont été prises –comme le décret entré en application en septembre 2021 contraignant les laboratoires qui commercialisent un médicament d'intérêt thérapeutique majeur (MITM) à constituer un stock de sécurité minimal de deux mois réservé aux patients traités sur le territoire français.

Ces tensions sont notamment liées à notre dépendance avec les pays étrangers pour la fabrication et l'approvisionnement. Alors, et même sans savoir quels symptômes pourrait provoquer un nouveau virus responsable d'une épidémie, on peut redouter une situation dans laquelle un antidouleur et antipyrétique aussi banal que le paracétamol viendrait à manquer, et où des antibiotiques à large spectre, permettant de lutter contre les surinfections, feraient défaut.

Nous pouvons faire mieux, particulièrement en matière de transparence, de pédagogie et de prévention.

Enfin, si nos autorités sont bonnes pour réagir massivement face à une crise, et si l'anticipation n'est pas pleinement leur fort, la question de la prévention laisse largement à désirer. Ce n'est pas une découverte: les autorités et institutions sanitaires françaises savent mieux guérir que prévenir.

Si l'on peut évoquer la prévention des facteurs de risque à développer des formes graves des infections (prévention des maladies cardiovasculaires, du diabète...), on peut penser aussi la prévention à un niveau plus collectif. Lorsque l'obligation du port du masque dans les lieux publics clos a été levée, force est de reconnaître que le gouvernement ne s'est pas donné les moyens de compenser ce manque de protection en renforçant la vigilance quant à la qualité de l'air.

Pour aller plus loin, on peut aussi évoquer la relative inaction face au péril climatique, ainsi que le désintérêt pour les questions de «One health», qui constituent pourtant un moyen phare pour prévenir bien en amont l'émergence de zoonoses.

Alors, oui, sans doute aujourd'hui serions-nous mieux armés pour réagir à une nouvelle épidémie, du fait de réflexes pris lors de la crise du Covid et parce que nous savons désormais que les scénarios catastrophe peuvent se réaliser. Mais nous pouvons faire mieux, particulièrement en matière de transparence, de pédagogie et de prévention.

Newsletters

Pourquoi le trouble bipolaire est si difficile à diagnostiquer chez les ados

Pourquoi le trouble bipolaire est si difficile à diagnostiquer chez les ados

Caractérisé par une alternance d'épisodes dépressifs et (hypo)maniaques, il toucherait près de 2,5% de la population.

Les maladies mentales font grimper en flèche l'âge biologique

Les maladies mentales font grimper en flèche l'âge biologique

Les troubles psychiques perturbent les marqueurs sanguins d'un individu.

Porter des baskets au quotidien, est-ce mauvais pour la santé?

Porter des baskets au quotidien, est-ce mauvais pour la santé?

Mauvaise posture, entorses, tendinites... De plus en plus portées, les sneakers ont la réputation de nuire à nos pieds –et pas que.

Podcasts Grands Formats Séries
Slate Studio