Culture

À voir (ou pas) sur Netflix: des romcoms, des films oscarisables, et un affreux remake de film français

Temps de lecture : 6 min

Vous avez le choix.

Lauren London et Jonah Hill dans You People de Kenya Barris (2023). | Capture d'écran Netflix via YouTube
Lauren London et Jonah Hill dans You People de Kenya Barris (2023). | Capture d'écran Netflix via YouTube

Sur Netflix, les nouveautés ciné se font parfois rares, et il arrive aussi que des films peu mis en avant échappent un temps à nos radars avant de surgir soudain de nulle part. Dans cette sélection, deux films qu'on pourra qualifier de comédies romantiques (même si, dans le cas de You People, c'est relativement réducteur), mais aussi deux sorties de fin 2022 qui pourraient bien faire parler d'elles aux Oscars. Et pour finir, une fois n'est pas coutume, un remake de film français à éviter absolument, photocopie sans style ni cervelle.

«You people», devine qui vient s'aimer

En 1967, Sidney Poitier entrait dans la légende avec Devine qui vient dîner..., l'un des premiers films à aborder le sujet du mariage interracial en racontant l'histoire d'une jeune femme blanche qui présente son fiancé noir à ses parents. À l'époque, ce genre d'union était illégal dans certains États américains. Autre époque, autre contexte, mais problématiques voisines avec You people, récit de la rencontre amoureuse entre un homme blanc de confession juive et une femme noire et musulmane.

Lui, c'est Jonah Hill, coauteur du scénario avec le réalisateur Kenya Barris. Elle, c'est Lauren London, prodigieuse actrice dont la carrière mériterait d'exploser. Leur duo constitue le ciment d'un mix entre comédie romantique et satire sociale sur fond d'appropriation culturelle. La foire d'empoigne est quasiment permanente. Il faut dire que lui anime un podcast sur la culture hip-hop, et que ses parents en font trop dans le genre «notre future belle-fille est noire et on est trop fiers» –tandis que son père à elle aurait vraiment préféré qu'elle épouse un musulman noir.

Le casting, assez génial (Julia Louis-Dreyfus, David Duchovny, Eddie Murphy et Nia Long dans le rôle des parents), aide le film à gagner autant en ampleur et en drôlerie. Et même si le soufflé retombe un peu en cours de route en collant de trop près aux passages obligés de la romcom, You People n'en reste pas moins un divertissement intelligent, savamment ancré dans son époque, et truffé de moments franchement délicieux.

«Toi chez moi et vice versa», nuits blanches sans Seattle

Comme il a fait parler de lui en raison du manque apparent d'alchimie entre Reese Witherspoon et Ashton Kutcher lors du photocall de sa première projection –des clés de compréhension ont été apportées depuis–, on oublierait presque que Toi chez moi et vice versa (Your place or mine en VO) est un film, un vrai. Disponible depuis le 10 février sur Netflix, il possède un agréable petit goût de nineties qui le rend hyper fréquentable –à défaut d'être franchement mémorable.

De la part d'Aline Brosh McKenna, cocréatrice de la formidable série Crazy Ex-Girlfriend, on aurait certes pu s'attendre à plus corrosif ou plus frappadingue. Mais la réalisatrice et scénariste semble totalement assumer le classicisme de son postulat, quelque part entre Nuits blanches à Seattle et The Holiday: Witherspoon et Kutcher y incarnent en effet deux BFF de longue date, elle à Los Angeles et lui à New York, qui décident d'échanger leurs appartements pendant une semaine.

Le tandem passera donc le plus clair du film à échanger à distance, par téléphone ou en visio, le temps de découvrir que les kilomètres et les années n'ont absolument pas altéré l'amour que chacun·e porte à l'autre. L'issue ne fait guère de doute (mais allez savoir), et Aline Brosh McKenna déroule une partition assez élégante, et plutôt marrante, autour de quelques archétypes: le businessman solitaire qui aurait voulu être un artiste, et la mère poule qui a renoncé à un avenir professionnel potentiellement brillant pour se consacrer à sa famille.

«Bardo, fausse chronique de quelques vérités», rien que pour nos yeux

Après avoir reçu deux années de suite l'Oscar du meilleur réalisateur (pour The Revenant en 2015 et Birdman en 2016), Alejandro González Iñárritu avait quasiment disparu des radars, si ce n'est pour son incursion dans le monde de la réalité virtuelle avec l'acclamé Carne y arena. Son retour au long-métrage, survenu fin 2022 avec Bardo, s'est déroulé sur Netflix, dans une indifférence quasi générale. Le film s'en tire tout de même avec une nomination aux prochains Oscars, dont la cérémonie aura lieu le 12 mars, pour la photographie signée par le grand Darius Khondji.

Cette nomination est loin d'être volée, puisque l'image est la reine du film. Iñárritu et Khondji (Seven, Amour, Delicatessen) signent une suite de tableaux, certains très découpés et d'autres en plan-séquence, pour retracer le parcours existentiel d'un journaliste mexicain acclamé par (presque) tous mais peinant à faire le bilan de sa vie. Une trajectoire qui intéresse finalement assez peu, sans doute parce que l'acteur Daniel Giménez Cacho, aussi juste soit-il, est absorbé par le dispositif grandiloquent du film.

Au fond Bardo ressemble à l'expérimentation d'une nouvelle drogue: les montées euphoriques alternent avec les creux plombants. Volontairement très disparate, le film lorgne autant vers Paolo Sorrentino que vers Terrence Malick –y a-t-il alliage plus curieux?– tout en rappelant Birdman par endroits. Iñárritu multiplie les images cocasses ou perturbantes, dont beaucoup à propos d'un nouveau-né (lequel rentre littéralement à l'intérieur de sa mère, ressort quelques temps plus tard durant un cunnilingus, puis est rejeté à l'eau tel un petit poisson). Si le cerveau est dubitatif, l'œil reste néanmoins intrigué de part en part.

«À l'Ouest, rien de nouveau», tranchées de vie

«Je ne voyais pas ça comme ça», reconnaît rapidement un jeune soldat allemand tout en écopant l'eau des tranchées avec son casque. Un bon résumé de cette troisième adaptation du célèbre livre d'Erich Maria Remarque, qui décrit les horreurs de la guerre à travers le regard du soldat Bäumer, né en 1899, à partir du moment où il s'engage –avec ferveur– dans l'armée allemande.

Il s'agit ici de montrer une nouvelle fois que la guerre est toujours moins glorieuse que l'idée que peuvent s'en faire les plus naïfs, aveuglés par leur patriotisme et par la propagande. Et que survivre n'est possible qu'en laissant l'empathie et le sentimentalisme de côté. Chez Remarque, la prise de conscience s'opère sans concession, et le film réalisé par l'Allemand Edward Berger lui est plutôt fidèle dans l'esprit –à quelques menus détails près. Sans renouveler les codes du genre –la mise en scène est appliquée mais elle manque de génie–, À l'Ouest, rien de nouveau remplit sa fonction.

Est-ce dû à un lobbying intensif pratiqué par Netflix, ou par les réelles qualités du film? En tout cas celui-ci a récolté neuf nominations aux Oscars, ce qui le place sur le podium entre Everything everywhere All At Once et Les Banshees d'Inisherin. Après son triomphe aux BAFTA (meilleur film, meilleure réalisation, meilleur scénario, meilleur film étranger, entre autres récompenses), À l'Ouest, rien de nouveau pourrait permettre à Netflix de ramener quelques nouvelles statuettes à la maison. Verdict le 12 mars.

«7 femmes», et zéro intérêt

Début 2002, François Ozon consacrait son cinquième long-métrage –il en a réalisé dix-sept autres depuis– à l'adaptation d'une pièce de théâtre datant de 1958. Au programme de 8 femmes: un huis clos dramatique sur fond de suspense criminel (laquelle des huit a tué l'homme de la maison?), agrémenté de numéros chantés permettant à chacune des interprètes (Catherine Deneuve, Fanny Ardant, Virginie Ledoyen, Firmine Richard, Danielle Darrieux, Ludivine Sagnier, Emmanuelle Béart, Isabelle Huppert) de tirer leur épingle du jeu –sauf Isabelle Huppert.

Bien qu'un peu vain, ce Cluedo musical avait plus d'un atout: il donnait lieu à des affrontements inédits entre des légendes du cinéma français, et sa direction artistique soignée –une habitude chez Ozon– le rendait assez délicieux à regarder. Bien mal en a pris au réalisateur Alessandro Genovesi, qui s'est mis en tête d'en signer un remake se déroulant dans l'Italie des années 1930. Il n'y a ici que sept femmes parce que deux personnages ont fusionné (la bonne et la gouvernante). Mais c'est hélas loin d'être le seul élément manquant.

Laid comme un pou, surjoué par des actrices qui semblent plus grimées que maquillées, et surtout débarrassé des morceaux musicaux qui faisaient le charme du film de François Ozon, 7 femmes ne fait que surfer paresseusement sur la vague des whodunits en espace clos. Les fans d'À couteaux tirés et Glass Onion ne seront pas dupes très longtemps: l'enquête proposée ici est exécutée à un rythme lénifiant (pourtant le film dure moins d'une heure et demie) et sans génie –mais alors vraiment aucun. Pas de Benoît Blanc ici, ni de fin originale –strictement la même que celle d'Ozon.

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