Alexandre Vincendet, député du Rhône (Les Républicains), a déposé une proposition de loi offrant la possibilité «à nos concitoyens d'inhumer leurs animaux de compagnie au sein de leur caveau au cimetière». La présidente du groupe Rassemblement national, Marine Le Pen, ouvertement soucieuse des droits des animaux, se dit prête à la soutenir. Cette proposition fait par ailleurs écho à celle présentée début février 2022 par vingt-sept députés, dont l'ex-élu Loïc Dombreval (Renaissance), président du groupe d'étude parlementaire «condition animale».
Une telle loi permettrait à toute personne en exprimant clairement la volonté, «lors de son inhumation dans un cimetière communal, de faire entreposer à ses côtés, au sein de son cercueil, avant la mise en bière, l'urne cinéraire de ses animaux» et «de pouvoir faire placer ses cendres auprès de celles de ses animaux de compagnie dans un cimetière animalier».
La présence de l'animal ne sera pas indiquée sur le monument funéraire, mais au moyen d'«une plaque ou d'un dispositif amovible». Rien de tout cela n'est, pour le moment, possible légalement: le droit français l'interdit formellement (qu'il s'agisse d'un chat, d'un chien ou de «tout animal détenu ou destiné à être détenu par l'homme pour son agrément»).
Une interdiction hypocrite
Selon un sondage IFOP pour Woopets publié fin octobre, 68% des 2.005 personnes questionnées étaient favorables à une loi autorisant à être inhumé avec son animal de compagnie. Ce pourcentage monte à 79% pour les 1.036 Français (soit la moitié de l'échantillon interrogé) possédant actuellement au moins un animal domestique. Puisqu'il s'agit de la même proportion que dans la population générale –un foyer sur deux héberge au moins un animal–, on peut imaginer de nombreuses dernières volontés allant dans ce sens dans un avenir proche.
À vrai dire, ce type de demande est déjà souvent formulé. Et même s'il n'est pas légalement possible de se faire enterrer avec son compagnon, «compte tenu du fait qu'il est possible de placer des objets personnel dans le cercueil d'un défunt, il arrive régulièrement que la législation soit, sous le manteau, contournée» pour que les cendres d'un bien-aimé chat ou chien rejoignent malgré tout le corps de leur humain. De fait, cette interdiction est souvent perçue comme une «hypocrisie».
Toujours selon l'enquête IFOP, seulement 45% des personnes possédant actuellement un animal de compagnie expriment toutefois l'intention d'être enterrées avec celui-ci. Cet écart dans les réponses n'est pas expliqué. Peut-être que l'absence de possibilités actuelles empêche de nombreuses personnes d'inclure cette disposition dans leurs directives anticipées.
Une loi peut-être pas si légale
Actuellement, même après avoir passé les quinze meilleures années de sa vie aux côtés de notre compagnon et qu'il avait le statut d'un véritable membre de la famille, il faut faire sépultures séparées. C'est une question de «respect, dignité et décence» fixée par le code civil depuis la «jurisprudence Félix».
Félix est un doberman décédé en février 1959. Ses propriétaires, le couple Blois, l'avaient d'abord fait inhumer dans le caveau familial (humain, donc) à Artigues-de-Lussac (Gironde), avec l'accord discret du maire et l'intervention du fossoyeur communal. Mais rien ne demeure éternellement secret.
«Les choses en étaient là quand s'émut l'opinion publique... et quand, chaque nuit, fut déposé un os sur la tombe de marbre du chien disparu», rapportait à l'époque le journal local Sud Ouest. Hommage ou contestation? Personne ne le saura, mais le scandale a éclaté. Ennuyé, le maire a donc décidé de revenir sur sa décision et les Blois ont été sommés d'exhumer Félix hors du périmètre mortuaire humain. Ce qu'ils ont refusé, déclenchant plusieurs années conflictuelles jusqu'à ce que le Conseil d'État du 17 avril 1963 définisse la notion de dignité des morts.
Serait garanti le respect dû
aux défunts, «car aucune atteinte
à l'intégrité des corps humains
et des cendres humaines ou animales ne serait permise», rappelle
la proposition de loi.
Aujourd'hui, on peut questionner ce principe de dignité exigeant la séparation des espèces. En quoi faire cimetière commun entre humains et animaux, comme dans le cas de Félix et de la famille Blois, serait-il irrespectueux envers nos morts? La proposition de loi déposée par Loïc Dombreval et ses collègues rappelle ainsi que sont garantis le respect dû aux défunts, «car aucune atteinte à l'intégrité des corps humains et des cendres humaines ou animales ne serait permise», ainsi que la décence, «car c'est une volonté croissante de nos concitoyens de reposer auprès de leurs animaux».
Son argument majeur est un rappel de l'article 433-21-1 du code pénal indiquant que «toute personne qui donne aux funérailles un caractère contraire à la volonté du défunt ou à une décision judiciaire, volonté ou décision dont elle a connaissance, sera punie de six mois d'emprisonnement et de 7.500 euros d'amende». En clair, la loi en l'état ne serait donc pas si légale, puisqu'elle empêche délibérément certaines personnes d'être inhumées avec leur animal, quand bien même il s'agit de leur vœu le plus cher et formulé en toute lucidité face à l'inévitable de la mort. C'est une interprétation quelque peu audacieuse, mais tout à fait pertinente.
Tout reste à inventer
Si la France change sa législation en faveur de cette requête, elle ne sera pas le premier pays à le faire. Les personnes défendant la proposition de loi s'appuient sur les exemples britannique, allemand et suisse, avec quelques spécificités. Ainsi, dans le canton de Zurich, en Suisse, ce sont les cimetières humains qui ont ouvert leurs portes aux cendres animales il y a déjà une dizaine d'années, tandis que dans celui de Bâle, humains et animaux se retrouvent au cimetière animalier depuis 2013. De quoi avoir matière à réfléchir pour mettre en œuvre ce projet en France.
Qui des cimetières humains (publics) ou animaliers (privés, à l'exception du cimetière des chiens d'Asnières-sur-Seine) feront de la place en premier pour accueillir des sépultures mixtes, sachant que les deux cas de figure sont envisagés? Tout est possible et à inventer.