Société

Le baiser sous le gui, une histoire de domination et de consentement

Temps de lecture : 2 min

Cette tradition datant du XVIIIe siècle n'est pas née dans des conditions anodines.

La tradition a été créée par des servants et des servantes, et ce sont leurs patrons qui ont fini par se l'approprier. | Paul Zoetemeijer via Unsplash
La tradition a été créée par des servants et des servantes, et ce sont leurs patrons qui ont fini par se l'approprier. | Paul Zoetemeijer via Unsplash

En 2017, quelques semaines avant les fêtes, un compte Twitter de la police irlandaise postait cet avertissement: «Ce soir, si vous percutez cette personne spéciale sous le gui, souvenez-vous que sans consentement, c'est du viol.» La phrase a beaucoup fait réagir, tant pour son emploi du mot «viol» que pour sa façon de sous-entendre que sous la fameuse couronne de gui, il s'échangeait parfois plus que des baisers.

On peut contester la tournure ou le vocabulaire employé, mais comme le rappelle Jezebel, ce message (posté quelques semaines après la montée en puissance de #MeToo, hashtag créé en 2006 par Tarana Burke puis devenu un phénomène mondial en 2017) est cependant empreint de vérité. À l'origine, le fait de s'embrasser sous le gui est une coutume anglo-saxonne datant du XVIIIe siècle, dont les riches propriétaires ont souvent profité pour imposer à leurs servantes des contacts non désirés. Plusieurs centaines d'années après, le problème reste similaire.

Plus précisément, la tradition a été créée par des employé·es de maison, et ce sont leurs patrons qui ont fini par se l'approprier. Plutôt que d'interdir à leurs servants et servantes de s'embrasser sous le gui, ils décidèrent de s'inclure dans le jeu, de gré ou de force –et surtout de force. Pas étonnant que, dès les années 1830, un certain Charles Dickens décrive dans Les Aventures de Monsieur Pickwick une coutume plus appréciée par les hommes que par les femmes, permettant aux uns de pouvoir profiter des autres en leur imposant leur désir.

Changer la société

Pour Jezebel, l'irruption de cette tradition a néanmoins contribué à modifier le rapport de la société anglaise au désir et à l'intimité –et à donner la possibilité aux jeunes couples d'exprimer davantage leurs sentiments et leur épanouissement, y compris en public. Le gui a permis de démocratiser le baiser. C'est un peu grâce à lui que, de nos jours, et même en Angleterre, des amoureux et amoureuses se bécotent sur les bancs publics.

L'histoire du gui est pleine de richesses: selon Time, il permettait aussi à certains couples clandestins de passer quelques instants l'un·e près de l'autre en toute quiétude –et aux jeunes femmes prises au piège d'un mariage de pouvoir se rapprocher d'autres personnes que leur mari. Une façon d'adresser un pied de nez à la société, et de se sentir vivre pleinement pendant au moins quelques instants.

La tradition reste bien plus forte dans certains pays que dans d'autres –en France, elle ne semble pas pratiquée dans une majorité de foyers. Mais comme tant d'autres lieux, les quelques centimètres carrés qui se trouvent sous la couronne de gui sont aussi le théâtre potentiel de mille situations éminemment politiques, où les règles fondamentales ailleurs doivent également prévaloir. À commencer par le consentement.

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