Cet article est publié en partenariat avec Quora, plateforme sur laquelle les internautes peuvent poser des questions et où d'autres, spécialistes du sujet, leur répondent.
La question du jour: «Quelle était la punition romaine pour l'adultère?»
La réponse d'Alexandre Sombardier:
L'histoire de Rome étant longue, je ne répondrai donc que pour une partie de cette dernière.
Mais à partir du principat d'Auguste et selon les termes de la Lex Iulia de adulteriis coercendis (Loi julienne de répression de l'adultère datant de 18 av. J.-C.), l'adultère est défini comme un crime public, un crime très sérieux. Auparavant l'offense représentée par l'adultère était considérée comme tout aussi grave, mais restait essentiellement régulée dans l'espace privé de la familia.
Quoi qu'il en soit, la définition de l'adultère chez les Romains n'est pas la même que celle que nous lui donnons.
Il y avait adultère principalement quand une femme mariée avait des relations sexuelles avec un autre homme que son mari. Un homme marié ayant des relations sexuelles avec une femme non mariée ou un garçon serait plutôt passible d'être accusé de «stuprum» (qui est à l'origine de notre «stupre» et qui est lié à la notion d'infamie). Il s'agit là d'un comportement sexuel répréhensible par la loi et infamant, mais ce n'est pas légalement de l'adultère.
Les peines pour le stuprum –confiscation de certains biens, bannissement limité («relegatio»), voire châtiment corporel– étaient moins sévères que pour l'adultère. Enfin, notons aussi que si un homme marié avait des relations avec une prostituée dûment enregistrée auprès des autorités, une concubine de rang inférieur, un ou une affranchie, voire un homme (majeur) ou encore un ou une esclave (qu'il s'agisse de sa propriété ou celle d'un autre), ce n'était pas de l'adultère.
Exil et exécutions
Ces précisions établies, revenons aux procédures et peines encourues en cas d'adultère. Et là, ça ne rigole pas. Dura lex sed lex…
Pour résumer :
- Si flagrant délit, le couple coupable d'adultère pouvait être exécuté sur place par le père de la femme concernée. Par contre, ne tuer qu'un fautif exposait le père à des poursuites pour homicide. Si le patriarche retenait ses coups et épargnait les deux, il faisait ensuite traduire les fautifs devant la justice.
- En cas de flagrant délit, le mari bafoué pouvait tuer sa femme, mais pas l'amant, du moins si ce dernier n'était pas d'un rang supérieur à lui. Cela dit, il était précisé qu'en cas d'exécution de l'amant, le mari devait être traité sans violence.
- Si le mari ne divorçait pas d'une épouse reconnue comme adultère, il encourait le risque d'être poursuivi pour proxénétisme.
- Le mari avait soixante jours pour traduire sa femme en justice quand elle était accusée d'adultère.
- Les parties reconnues comme coupables étaient exilées (sur une île, différente pour chaque fautif), ce qui s'accompagnait pour la femme de la perte de la moitié de sa dot et d'un tiers de ses biens. L'exil insulaire n'avait rien de confortable et s'apparentait plus ou moins à un régime carcéral.
- L'homme reconnu coupable perdait lui la moitié de ses biens.
Affaires privées
Cela dit, remettons les choses dans leur contexte et précisons quelques points. Déjà, si cette loi a été promulguée (puis confirmée régulièrement au cours des siècles), il est possible que l'adultère ait été une pratique si ce n'est courante, du moins régulière. On peut imaginer que la volonté de légiférer sur ce point visait à éviter non seulement des cycles de violences domestiques endémiques, mais aussi à réprimer des comportements qui selon les contextes n'étaient pas réprimés correctement (aux yeux du législateur). On peut aussi se poser la question de l'application de cette loi.
Quoi qu'il en soit, le nœud de la question n'était pas moral. Le problème était qu'un adultère remettait en cause la fonction de stabilisateur social, d'outil de régulation de la reproduction et de courroie de transmission du patrimoine de la familia. Bref l'adultère était une atteinte à la stabilité sociale, et par extension à celle de l'État.
L'empereur, qui se présentait alors comme le restaurateur des bonnes mœurs, n'était pas un exemple en la matière.
À noter qu'à la suite de cette loi, perçue comme un changement marquant, l'adultère dans les milieux influents put devenir une affaire politique. La puissance publique se mêlait d'affaires jusque-là réglées essentiellement en privé. L'art du temps, la littérature et la poésie au premier chef reflétèrent cet état de fait. Certains artistes (comme Ovide par exemple) ne goûtaient guère que les autorités se mêlent ainsi des histoires de fesses entre adultes consentants.
Il faut dire que l'empereur, qui se présentait alors comme le restaurateur des bonnes mœurs, n'était pas un exemple en la matière. Malgré tout son amour pour sa dernière épouse, Livia, il semble bien qu'il lui ait été infidèle (en partie pour des raisons d'État: les coucheries comme les mariages impériaux, sont très souvent des affaires politiques). Mais surtout, sa fille Julia défraya la chronique par sa vie sentimentale agitée. Après des années de rumeurs, elle fut contrainte à l'exil insulaire, l'empereur ayant dû appliquer lui-même la loi qu'il avait fait promulguer…