Monde / Culture

Les crânes de cristal aztèques, une totale supercherie

Temps de lecture : 2 min

C'est à un antiquaire français que l'on doit cette vaste arnaque qui semble toujours fonctionner.

Dans les années 1990, une anthropologue nommée Jane Walsh a commencé à entrevoir une gigantesque entourloupe. | Capture d'écran History via YouTube
Dans les années 1990, une anthropologue nommée Jane Walsh a commencé à entrevoir une gigantesque entourloupe. | Capture d'écran History via YouTube

Les légendes liées aux crânes de cristal aztèques ne datent pas d'hier, et ne doivent rien à Hollywood. Les scénaristes du dernier Indiana Jones (en attendant le prochain) n'ont rien inventé: depuis bien longtemps se transmettent des histoires faisant état des pouvoirs mystiques de ces étranges reliques.

On peut voir ces crânes de cristal dans plusieurs musées autour du monde, mais leur présence dans ces lieux culturels peut légitimement questionner. Dans les années 1990, une anthropologue nommée Jane Walsh a en effet commencé à entrevoir une gigantesque entourloupe. Un crâne fraîchement arrivé au siège de la célèbre Smithsonian Institution, où elle travaillait, lui avait mis la puce à l'oreille.

«Il était trop gros, mal proportionné, les dents et les tempes n'étaient pas normales; en plus il semblait trop rond, comme si on l'avait trop poli», peut-on lire dans l'ouvrage coécrit par Jane Walsh et son collègue Brett Topping. Un livre dont le titre annonce la couleur, puisque son titre peut se traduire par «L'homme qui a inventé les crânes de cristal aztèques: les aventures d'Eugène Boban».

Les doutes émis sur ce crâne-ci donnèrent envie à l'anthropologue d'aller observer de plus près les autres crânes de cristal disponibles autour de la planète, et lui permirent du même coup d'allonger sa liste d'interrogations et de confirmer ses suspicions. Les points communs entre les différents exemplaires étaient nombreux, et les similarités présentées étaient pour le moins étranges.

Faux et usage de faux

Il ne fallut que quelques analyses pour réaliser que ces crânes ne dataient pas du tout de la civilisation aztèque, qu'ils avaient été sculptés –sans doute au XIXe siècle– à l'aide d'outils modernes, et que la matière première ne provenait pas du Mexique, mais du Brésil. Poursuivant ses recherches, Jane Walsh se rendit d'ailleurs compte qu'elle n'était pas la première à établir que les crânes de cristal exposés çà et là n'avaient en fait rien à voir avec l'Empire aztèque, lequel s'est achevé en 1521.

Dans les années 1950, un géologue nommé William Foshag, était en effet arrivé aux mêmes conclusions. Il était même parvenu à identifier l'auteur de la supercherie: un dénommé Eugène Boban, antiquaire français basé à Mexico. Des écrits montrent en effet que Boban, dès 1886, a tenté de vendre des crânes de cristal à différentes institutions, souvent avec réussite. À cette période, les fausses antiquités commençaient tout juste à pulluler, et le Français n'a vraisemblablement pas hésité à s'engouffrer dans la brèche.

Si Eugène Boban a aussi bien réussi son coup, c'est parce qu'il est parvenu à se forger une réputation d'expert en antiquités mexicaines. Les musées locaux, qui commençaient à réaliser que les faux étaient monnaie courante et qu'il allait falloir se mettre à authentifier les pièces avant de les exposer, furent nombreux à faire appel à lui. C'est ainsi qu'il put être juge et partie, refourguant des faux tout en assurant aux institutions qu'ils ne l'étaient pas.

Les zones d'ombre restent nombreuses, et notamment celle-ci: on ne sait toujours pas qui a fabriqué les fameux crânes de cristal. Jane Walsh pense en tout cas qu'Eugène Boban les aurait achetés au Mexique, dans des églises chrétiennes, avant de les revendre. Un joli coup, l'antiquaire français jouant sur le fait que les Aztèques, et avant eux les Mayas et les Olmèques, utilisaient les crânes en tant qu'ornements.

Bien que la supercherie Boban ait été révélée, des musées continuent à exposer les crânes de cristal sans dire explicitement qu'ils ne doivent rien aux Aztèques. C'est le cas du British Museum, qui se contente simplement d'indiquer la provenance de l'article qu'il expose et son mode de fabrication, et n'a visiblement aucune envie d'enlever cette si jolie pièce de sa collection.

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