Depuis des années, les Américains réclament la réévaluation du yuan. Et tout le monde croit que c'est chose faite depuis l'annonce par la Banque populaire de Chine (PBOC) de l'assouplissement de sa politique de change. Elle informe vouloir «continuer à soutenir la réforme du mécanisme du taux de change du Renminbi et de renforcer la souplesse du taux de change du RMB». Une décision qui tombe à pic, juste avant le sommet du G20 à Toronto des 26 et 27 juin. Mais, cet engagement vers plus de souplesse signifie-t-il une appréciation réelle du yuan face au dollar? Rien n'est moins sur...
Ce qui est formidable avec la Chine, c'est sa capacité à noyer le poisson. Plus les autorités chinoises communiquent, moins on est sur de savoir où elles veulent en venir... et chacun y va de sa propre interprétation. Ainsi, Dominique Strauss-Khan, décèle dans ces dernières déclarations un «geste très encourageant». Et d'expliquer: «Un renminbi plus fort est conforme aux conclusions du processus d'évaluation mutuelle du G20 devant être présentées à Toronto.» La réévaluation du yuan vis-à-vis du dollar ne fait donc aucun doute aux yeux du directeur général du FMI (Fonds monétaire international). Pour d'autres, les autorités chinoises les ont pris de court. «La récente dépréciation de l'Euro laissait penser que le timing pour la réappréciation du yuan allait être décalé», analyse Guy Longueville, chef économiste chez BNP Paribas. Mais tout le monde s'accorde à penser que si réévaluation du yuan il y a, elle sera graduelle et contenue.
De la poudre aux yeux
Les Chinois sont très attachés à l'«ultra-compétitivité» de leur monnaie au grand dam des occidentaux. Les experts prévoient une hausse très échelonnée et modérée de l'ordre de 1 à 2% d'ici la fin de l'année, pas de quoi assurer le rééquilibrage des échanges commerciaux. Les américains risquent d'être déçus. Pour Antoine Brunet, économiste spécialiste de la Chine chez AB Markets, «la banque populaire de Chine joue sur les mots. Les Chinois veulent conserver à tout prix la compétitivité de leur monnaie contre Europe et contre Etats-Unis. Leur intérêt demeure de réévaluer le moins possible leur monnaie. Leur insistance sur la flexibilité de leur monnaie vis à vis d'un panier de monnaies signifie que le yuan pourrait monter mais aussi baisser contre dollar.»
Et d'ajouter, «Les Américains ont essayé en mars une confrontation multidimensionnelle (ventes d'armes à Taiwan, rencontre Obama-Dalai Lama, Affaire Google) pour extraire une réévaluation du yuan mais les Chinois leur ont tordu le bras le 1er avril en leur rappelant qu'ils restaient leurs créanciers.» Le rapport de force a changé. Les Etats-Unis ont dû remballer l'artillerie lourde pour éviter la menace chinoise de vendre massivement les bons du trésor américain.
Tant que les Chinois auront des dollars à recycler, ils n'accepteront pas de dévaloriser leur trésor de guerre. Ils n'ont pas intérêt à voir se réduire la valeur de leurs actifs. Les pressions du côté des américains ne changeront pas grand-chose à leur volonté d'assurer la stabilité de leur réserve de change et la compétitivité de leur monnaie dans le commerce mondial.
Et l'euro dans tout ça?
L'Europe est le premier partenaire commercial de la Chine, et les Européens n'ont de cesse de réclamer aux autorités chinoises de définir la parité du Renminbi par rapport à un panier de monnaies incluant l'euro et non plus exclusivement par rapport au dollar. Or, les ajustements du taux de change jusqu'à présent ont bien montré l'ancrage du Renminbi au billet vert. De mi-2005 jusqu'à mi-2008, le yuan s'est apprécié de 21% par rapport au billet vert.
Aujourd'hui, la Chine pourrait vouloir se montrer pragmatique. Selon l'économiste d'AB Markets, «la Chine déteste la dépréciation de l'euro et s'y opposera». Elle ne voudra certainement pas en rajouter avec une réévaluation de sa devise par rapport au dollar qui ne ferait que dégrader la compétitivité du yuan en zone euro. Toutefois, les dernières déclarations des autorités chinoises laissent apparaître leurs doutes et inquiétudes sur la crédibilité de la monnaie unique. «Au plus fort de la crise alors qu'un certain nombre de devises se dépréciaient par rapport au dollar, la stabilité du taux de change du Renminbi a permis non seulement d'atténuer les effets négatifs de la crise mais a permis de relancer la croissance de l'Asie et du reste du monde, démontrant ainsi les efforts de la Chine pour soutenir le rééquilibrage économique global.»
La banque populaire de Chine se présente comme exemplaire, elle maîtrise sa politique de taux de change «pour le bien de tous». L'émergence de l'économie chinoise redistribue les cartes. La Chine est le seul aujourd'hui à pouvoir défier les Etats-Unis. Et dans cette bataille, l'Europe et sa monnaie font peine à voir.
Stéphanie Villers
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Photo: Une employée de banque compte une liasse de yuans. Stringer Shanghai / Reuters