A l'occasion de la Coupe du monde, La vie des idées interroge la philosophe Isabelle Queval, qui s'intéresse de près au sport et au rapport au corps qu'il engendre. Celle-ci revient sur le rôle du sport, et du football en particulier, dans la société:
Un sport planétaire, un sport qui se pratique dans toutes les couches de population, sur les terrains, dans la rue, un sport dont les champions sont des stars surpayées érigées en icônes et qui suscite de tels processus d'identification de la part du public ne peut être isolé de la société et de ses problèmes (la violence, le racisme, les contrecoups de la crise économique etc.). Par là s'effondre sans doute l'idée, plus exactement le mythe d'une contre-société vertueuse que le sport incarnerait, d'un idéal de la démocratie mis à mal par les excès du football et de ses coulisses.
Elle estime que le sport «pur» n'existe pas, au sens où tout sport est nécessairement «traversé par ses contextes qu'il illustre en retour». Pour autant, le sport n'a pas de sens politique a priori: il se prête aux usages ou interprétations que les politiques lui accordent, même si d'après la philosophe, «le rôle central de la règle et les valeurs égalitaristes qu'on lui accorde le rapproche, néanmoins, de l'idéal démocratique qu'il figure».
Le sport met en scène une tension entre la démocratie (tous égaux derrière la ligne de départ) et l'aristocratie (un seul vainqueur à la fin):
Nous avons l'exemple du fonctionnement d'une méritocratie qui peut faire rêver, séduire, être instrumentalisée, en n'oubliant jamais que comme dans toute vision méritocratique, l'égalité de principe masque l'inégalité de fait.
Cette méritocratie suppose une transparence, une traçabilité des performances de chacun, remise en question par le dopage. Mais la philosophe rappelle que, tout comme il n'y a pas de sport pur, il n'y a pas non plus de sport naturel, au sens où tout sport est un croisement entre artifice et nature.
L'autre pendant de la méritocracie sportive est qu'elle suppose aussi une exclusion, en produisant des «classifications rigides, voire discriminantes: dominants et dominés, hommes et femmes —problème du cas Caster Semenya—, valides et handicapés, etc».
[Lire l'entretien sur La vie des idées.fr]
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Photo de une: Pose grega! / LPEstrela via Flickr CC License By