Il suffit d'entrer dans un restaurant McDonald's et de se balader pour le constater: sur les tables, il y a pléthore de burgers, des frites à foison, un tas de Happy Meals. Mais pas grand monde qui commande une salade au pays de Ronald.
Pourtant, ils existent, ces téméraires consommateurs de verdure. Et si leur choix reste un mystère pour vous, c'est souvent d'une logique implacable pour eux: «Je prends toujours la salade au McDo, c'est la seule chose que “j'aime”, ou plutôt que je digère ici. Je n'apprécie pas les burgers, ils sont très indigestes et les frites sont trop grasses», explique Isabelle, 57 ans, secrétaire pédagogique.
Pour Nathalie, agent d'entretien de 58 ans, c'est également une habitude: «À chaque fois que je mange au McDo, je commande une salade. Ça me donne bonne conscience. Et puis, elles ne sont pas mauvaises... Elles sont assez grandes, suffisantes pour constituer un repas.»
Des apparences trompeuses
Moins grasses que les frites, plus digestes… Les salades de McDonald's sont-elles un meilleur choix pour notre santé? Des chercheurs canadiens, en comparant les apports du fameux Big Mac et de la salade Caesar au chou kale, ont pourtant démontré qu'elles pouvaient se révéler plus caloriques, plus salées et plus grasses que certains burgers de la chaîne.
Alors, qu'en est-il sur le marché français, où McDonald's est réputé plus attentif à la qualité de ses produits et plus équilibré qu'en Amérique? Si l'on compare la salade Caesar et le Big Mac français, c'est le burger qui l'emporte: 504 calories, 2,2g de sel et 9,2g d'acides gras saturés pour le sandwich; 387 calories, 1,7g de sel et 6,4g d'acides gras saturés pour la salade. Moins, donc? Par forcément.
«Déjà, 387 calories pour une salade, c'est énorme! Ça équivaut à un steak poêlé maison et des pommes de terre, calcule Béatrice de Reynal, médecin nutritionniste. Surtout, la sauce n'est pas comprise dedans et c'est quand on l'ajoute que ça change tout. C'est une émulsion grasse et salée.»
C'est là toute l'astuce, car les sauces ne sont effectivement pas intégrées directement dans la composition des salades. Elles sont considérées comme un produit à part, et donc à comptabiliser, là aussi, séparément. Mais si, sur le papier, les salades sans leur sauce paraissent donc plus équilibrées, c'est en réalité un leurre. «Elles sont très copieuses en énergie, il ne faut pas se fier au mot “salade”, qui donne l'impression de manger un petit truc léger, car ce n'est pas du tout le cas ici et c'est ce qui est piégeux. Ça reste des produits ultra transformés, avec trop de sel et pas de fibres.»
«Ce ne sera pas un repas exemplaire dans tous les cas»
En santé publique en effet, les recommandations sont claires. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) préconise de consommer moins de 5 grammes de sel par jour. En cas d'excès, les risques d'hypertension artérielle et de maladies cardiovasculaires sont accrus. Or, si la sauce Caesar reste l'une des plus modérées (0,5g de sel, à ajouter au 1,7g déjà présent dans la salade, soit 2,2g.), les autres assaisonnements rivalisent dans leurs teneurs en sel et leurs apports caloriques. Sans parler des autres salades, telle que la Italian Mozza, qui explose les compteurs de sel et flirte avec le Big Mac, voire le dépasse en fonction de la sauce ajoutée.
McDonald's France serait-il à mettre dans le même panier que ses homologues canadien et américain? Pourtant, depuis plusieurs années, la filière française rivalise de nouveautés et de variantes dans son menu, pour s'adapter au marché hexagonal. En témoigne le logo verdoyant depuis 2009, quand les restaurants américains sont restés au rouge rutilant.
«Les recettes en France sont faites pour la France, McDo France a réussi à obtenir une certaine indépendance par rapport au groupe, décrypte la nutritionniste. Je suis quand même assez agréablement surprise, parce qu'ils ont beaucoup amélioré la composition de leurs plats. Au départ, les burgers notamment étaient beaucoup plus gras et salés, ils font un peu plus attention. Mais je renvoie dos à dos les salades et les burgers. Ce ne sera pas un repas exemplaire dans tous les cas, donc faites-vous plaisir. Si vous avez envie d'un burger, prenez-le, en ajoutant une pomme ou une tomate pour rééquilibrer votre menu.»
La salade ne fait pas recette
Si même les spécialistes s'accordent à dire qu'un burger de temps en temps n'a jamais tué personne, pourquoi diable McDonald's a-t-il décidé de commercialiser des salades à côté de son offre traditionnelle? La proposition n'est pas récente. L'enseigne de fast-food a lancé ses premières salades en 1987 aux États-Unis et en 2004 en France.
Mais les salades ne prennent pas. De l'aveu même de la multinationale, elles ne représentaient que 2% à 3% des ventes sur le marché américain en 2013. «Je ne crois pas que les salades soient l'un de nos principaux vecteurs de croissance dans les prochaines années, détaillait alors Don Thompson, le président-directeur général de McDonald's USA de l'époque. Il y a d'autres moyens de vendre plus de fruits et légumes, dans nos wraps par exemple.» Sur le marché français, c'est un peu plus: les salades comptaient pour environ 10% des ventes totales en 2008.
Pourquoi l'enseigne persiste donc à commercialiser ses salades, dont les chiffres de ventes sont loin d'être glorieux et dont les amateurs ne sont pas légion? La firme n'a pas souhaité communiquer sur le sujet. Mais selon Pierre Chandon, professeur de marketing à l'Institut européen d'administration des affaires, l'intérêt ne résiderait pas forcément dans les stocks écoulés: «Leur objectif est d'attirer la famille entière au McDo ou les groupes d'amis. Or, si dans le groupe il y a une personne végétarienne, qui n'aime pas les burgers ou qui fait plus attention à sa ligne, il faut qu'elle puisse aussi trouver quelque chose à manger, pour ne pas qu'elle mette un veto.»
Une stratégie qui fonctionne, en tout cas, sur Nathalie, notre amatrice de salades. «C'est vrai que je vais toujours au McDo pour accompagner des gens. J'y emmène ma fille ou mes petits-enfants, pour passer un moment convivial. Mais pour moi, McDonald's c'est avec salade! S'il n'y en avait pas, j'irais ailleurs.»
Adieu l'image de la junk food?
Si toutes les personnes interrogées affirment qu'elles ne sont pas dupes et que le fast-food reste, à leurs yeux, synonyme de malbouffe, elles ont néanmoins tiqué sur la composition de leurs repas verdoyants, pas aussi équilibrés qu'elles ne l'imaginaient. Car une question demeure: y a-t-il, dans la communication de la chaîne de restauration rapide, une volonté d'assainir son image auprès des clients, en mettant les salades à l'honneur? McDonald's cherche-t-il à redorer son vert blason, ainsi à attirer de nouveaux clients?
«Les fast-food ont sauté sur l'occasion de proposer du healthy pour toucher une nouvelle population et pour se nettoyer de cette image de junk food, confirmait Inès Rubix, cofondatrice du blog Travail Nomad, dans l'émission “On n'est plus des pigeons!” en septembre dernier. Toute leur stratégie aujourd'hui, c'est de se libérer de la mauvaise réputation qu'ils ont. [...] Ils doivent s'adapter et, en proposant notamment des produits vegan ou healthy, ils montrent qu'ils ne sont plus comme les fast-food qu'on a connus dans les années 1990-2000.»
Un constat qui n'est pas complètement partagé par Pierre Chandon: «Oui, le fait de proposer des salades peut avoir un effet sur l'image de l'enseigne mais est-ce réellement l'objectif de McDonald's? Je ne suis pas sûr. Les gens ne vont pas au fast-food pour manger sainement, sinon ils iraient ailleurs…» Certaines enseignes de restauration rapide l'ont d'ailleurs bien compris. Elles ne proposent sur leur carte pas l'ombre d'un légume à leurs clients.