Le tabac est régulièrement diabolisé, à juste titre, pour ses propriétés addictives, mais il ne devrait peut-être pas être le seul. Des chercheuses américaines ont montré que les aliments ultra-transformés tels que les biscuits ou les chips étaient tout aussi néfastes pour la santé, menant fréquemment à une dépendance. Si des études antérieures avaient déjà soutenu ce concept controversé, les chercheuses américaines sont en revanche les premières à comparer les caractéristiques de cette consommation à celles du tabagisme.
Insider explique que pour parvenir à cette conclusion, la psychologue Ashley Gearhardt et la neuroscientifique Alexandra DiFeliceantonio ont analysé les critères utilisés par l'administrateur de la santé publique des États-Unis en 1988 pour identifier les cigarettes comme sources de dépendance. Parmi les différents facteurs, sont présents: la consommation compulsive, les sautes d'humeur et l'envie incontrôlable.
Par exemple, les deux universitaires indiquent que la majorité de la population continue de manger des aliments ultra-transformés (AUT) bien qu'ils puissent engendrer de graves répercussions sur la santé, telles que le diabète. Ce phénomène prouve que le besoin de consommer prend le dessus sur toute autre pensée, exactement comme le tabac. En ce qui concerne les effets sur l'humeur, les autrices de l'étude se sont appuyées sur des recherches montrant que les sucreries engendrent un sentiment d'euphorie excessive et qu'elles provoquent une réaction à la dopamine, au même titre que la nicotine. «Le degré auquel ces substances chamboulent le cerveau est extrêmement similaire», complète Ashley Gearhardt.
Une appellation qui interroge le milieu médical
Qualifier cette consommation excessive de dépendance alimentaire n'est cependant pas audible par tout le monde. Ce concept est au cœur de débats houleux depuis de longues années, s'inscrivant pour certains dans la culture des régimes. Pour Lisa Du Breuil, assistante sociale clinique, «ce récit peut être perçu comme une forme de grossophobie. La stigmatisation du poids peut conduire les personnes plus fortes à surconsommer ces aliments.» La spécialiste ajoute que «culpabiliser les acheteurs pour mener à l'abstinence est en contradiction avec l'alimentation intuitive, qui est elle capable d'instaurer une relation équilibrée avec la nourriture».
Néanmoins, de nombreuses personnes gardent en tête les victorieuses campagnes de prévention contre le tabagisme: «Le fait d'ajouter des étiquettes d'avertissement sur les emballages et de diffuser des publicités dissuasives a constitué l'un des plus grands succès de santé publique. Cela a également permis de sauver des millions de vie», s'enthousiasme Ashley Gearhardt, qui espère que de telles mesures seront appliquées pour contrer la dépendance alimentaire. La psychologue estime également que son travail peut contribuer à déstigmatiser les personnes décontenancées face aux AUT, notamment celles souffrant d'obésité ou d'hyperphagie boulimique.
Selon les autrices de l'étude, nier le caractère addictif de ces aliments ne conduira qu'à perdre un temps précieux, qui pourrait être mis à profit pour sauver des vies. Cette erreur n'est pas sans rappeler les longues années écoulées avant de lutter contre le tabac.