Il s'appelle New York City I. Ce tableau du peintre néerlandais Piet Mondrian, qui date de 1941, se compose de lignes entrelacées, rouges, noires, jaunes et bleues, faites de ruban adhésif. Il a été exposé pour la première fois en 1945 au MoMA, à New York, mais depuis 1980, il était visible dans la ville allemande de Düsseldorf, où il avait intégré la collection de l'État fédéral allemand de Rhénanie-du-Nord-Westphalie.
Une historienne de l'art et curatrice nommée Susanne Meyer-Büser vient de faire une découverte pour le moins renversante: dans le cadre de recherches menées en vue d'une nouvelle exposition consacrée à l'artiste hollandais, elle a réalisé que New York I est vraisemblablement accroché à l'envers depuis toujours.
Les lignes les plus resserrées du tableau devraient se trouver en haut de la peinture, indique-t-elle, mais tel qu'elle est présentée depuis 1945, l'œuvre arbore les lignes en question dans la partie basse de la toile. «La partie épaisse devrait être en haut, explique-t-elle, comme un ciel sombre. Quand j'ai évoqué cela auprès des autres curateurs, nous avons réalisé que c'était assez évident. Je suis certaine à 100% que le tableau est dans le mauvais sens.»
En réalité, les éléments qui indiquent que le tableau a été accroché tête en bas sont multiples, indique The Guardian. À Paris, on peut voir au Centre Georges-Pompidou une peinture similaire et de même taille, intitulée New York City, dont les lignes les plus rapprochées se trouvent bel et bien dans la partie haute. En outre, une photographie du studio de Mondrian, prise quelques jours après la mort de l'artiste le 1er février 1944 et publiée dans le magazine américain Town and Country au mois de juin suivant, présente également New York City I avec les lignes resserrées en haut.
Un tableau non signé
L'absence de signature sur la toile aura pu contribuer à la confusion. Il faut dire que New York City I fut l'un des derniers tableaux sur lesquels travailla Mondrian, et qu'il y a d'ailleurs tout lieu de croire que l'artiste ne la considérait pas comme achevée. Susanne Meyer-Büser s'interroge: «L'erreur a-t-elle été commise lorsque quelqu'un a sorti l'œuvre de sa boîte? Quelqu'un s'est-il montré négligent au moment du transport? C'est impossible à dire.»
Lors de la nouvelle exposition du musée de Düsseldorf, qui s'ouvre ce samedi 29 octobre, l'œuvre continuera à être présentée dans le mauvais sens, car la remettre à l'endroit serait très périlleux –et finalement pas si judicieux d'un point de vue artistique. «Les bandes adhésives se sont beaucoup relâchées, et elles ne tiennent plus que par un fil», explique la curatrice.
«Si on retournait le tableau maintenant, la gravité les ferait pencher dans une autre direction», ajoute Susanne Meyer-Büser. «Or cela fait désormais partie de l'histoire de l'œuvre.» Or personne ne souhaite endommager l'œuvre ni la dénaturer. Il est probable que cette affaire d'accrochage inversé fasse venir un nombre croissant de visiteurs et de visiteuses, et l'on peut même imaginer que le musée allemand en fasse à l'avenir l'une des attractions principales de sa collection.