Quand les Iraniens sont descendus dans la rue au lendemain des élections présidentielles, un sujet d'articles aussi écrasant que spectaculaire tombait tout cuit dans le bec des médias occidentaux. Le 12 juin 2009, au terme d'une vigoureuse campagne électorale, le pays vit déferler aux urnes un nombre sans précédent d'électeurs. Quand le gouvernement annonça l'inévitable vainqueur —le président sortant, Mahmoud Ahmadinejad— immédiatement après la fermeture des bureaux de vote, des millions d'Iraniens se sentirent floués et descendirent dans la rue pour protester. Le gouvernement réagit avec violence et procéda à de nombreuses arrestations.
Le principal candidat de l'opposition et ancien Premier ministre Mir-Hossein Moussavi, qui avait passé toute la campagne à essayer de prouver sa bonne foi de réformiste, s'octroya soudainement le rôle de leader des défenseurs des droits civiques et incita ses partisans à ne pas céder. Les manifestations se poursuivirent pendant des mois, tout comme les mesures de répression: des dizaines de personnes furent tuées, des centaines soumises à des procès pour l'exemple et beaucoup furent jetées en prison et torturées. Sous les yeux du monde entier, l'Iran fit face à sa plus grande crise depuis la révolution de 1979.
Cette histoire semblait s'écrire toute seule. Mais ce fut aussi une histoire que l'Occident —et plus particulièrement les médias américains— était condamné à comprendre de travers, à la fois dans les grandes lignes et dans les plus petits détails.
Les journalistes se sont vus opposer tous les obstacles possibles et imaginables pour les empêcher de produire des reportages calmes et raisonnables sur les événements qui se déroulaient en Iran. Peu de temps après les élections, le gouvernement iranien a révoqué toutes les autorisations des journalistes étrangers, les forçant ainsi à quitter le pays sur le champ. Certains journalistes qui vivaient à Téhéran furent consignés dans leurs bureaux, tandis que d'autres étaient arrêtés apparemment au hasard. Le gouvernement réduisit l'accès Internet du pays à une allure de limace et coupa les réseaux téléphoniques fixes et portables pendant de longues périodes.
Pendant ce temps, l'intérêt du public de Washington pour les nuances des débats internes en Iran se détournait au profit du face à face tendu entre Ahmadinejad et l'Occident sur le nucléaire, qui dominait toutes les discussions et noyait souvent des témoignages directs sur la viabilité à long terme du mouvement vert ou sur les séquelles sociales et culturelles de la répression brutale de cette dernière année.
Maintenant que douze mois se sont écoulés depuis les élections, le temps est venu de revisiter l'excitation et les espoirs d'une année de journalisme: considérer quels articles ont été exagérément exploités, lesquels sont complètement passés à la trappe, et quelles conséquence on peut tirer de l'annus horribilis de l'Iran en faisant preuve de davantage de discernement. Foreign Policy a demandé à sept éminents Irano-américains, profondément immergés dans les médias à la fois anglophones et persanophones, d'analyser au-delà du brouillard du journalisme ce qui s'est réellement passé à Téhéran —et de nous expliquer pourquoi tant d'entre nous avons tout compris de travers.
Premier article: L'ignorance de l'Occident, par Azadeh Moaveni.
Deuxième article: Quand le régime iranien s'est retourné contre les siens, par Haleh Esfandiari.
Troisième article: Une société civile oubliée, par Azar Nafisi.
Quatrième article: Twitter n'a pas choisi son camp, par Golnaz Esfandiari.
Cinquième article: Ce que les médias ont raté, par Reza Aslan.
Sixième article: Le cyberjihad de l'ombre, par Abbas Milani.
Septième article: Ce que les médias ont réussi, par Nazila Fathi.
Traduit par Bérengère Viennot
Photo: manifestation à Téhéran anti-Ahmadinejad / Reuters