France

Sarkozy-DSK, le duel présidentiellement vôtre

Temps de lecture : 3 min

Le livre que consacrent Philippe Martinat et Alexandre Kara à Nicolas Sarkozy et Dominique Strauss-Kahn laisse imaginer un duel politiquement très excitant.

DSK - Sarkozy: le Duel, de Philippe Martinat et Alexandre Kara. Ed. Max Milo. 288 pages. 18 euros.

Double saga romanesque sur fond de pouvoir, de gourmandise financière, et d'attractions féminines potentiellement fatales...

Si une bonne biographie politique est un livre qui peut se lire d'une traite sans bailler, alors DSK-Sarkozy Le Duel est un très bon livre. Une réussite mathématiquement «au carré», à sa manière, puisqu'il propose deux biographies en une avec les édifiantes vies croisées de Nicolas Sarkozy et de Dominique Strauss-Kahn. Le tout écrit à quatre mains aussi bien informées que non complaisantes, celles des journalistes Alexandre Kara et Philippe Martinat.

«Biographie comparative» annonce la couverture, où se font face les profils de ces deux hommes que le pouvoir exercé par l'un, et la méthodique ambition de l'autre d'y accéder, unissent et séparent à la fois. Biographie compétitive, aussi, donc, où sont tissés, croisés, fondus, les destins à la fois parallèles et imbriqués de deux hommes qui se connaissent et s'apprécient autant qu'ils peuvent avoir à se craindre demain, au printemps 2012.

Postulant que cet affrontement aura lieu, les auteurs ne versent pas pour autant dans la politique-fiction. Ils s'en tiennent aux faits, passés comme présents, et aux caractères de personnages qui, sans totalement correspondre aux clichés de flambeurs machiavéliques dont ils sont souvent affublés, n'ont rien d'enfants de choeur.

...La construction des réseaux de Nicolas Sarkozy et de Dominique Strauss-Kahn s'est faite selon le mode d'emploi des politiques purs et durs, labourant les champs d'influence les plus variés, se créant des obligés dont le soutien ou le bulletin de vote sera le jour venu réclamé.

C'est la qualité première de ce projet que d'échapper à la classique biographie (souvent désuète avant même de paraître) de l'homme politique en position de présidentiable. Ici, le conventionnel «portrait de l'artiste en aspirant Président» cède la place à un pertinent jeu de miroirs narratifs où se déploient deux personnalités complexes, deux parcours balzaciens, et une même passion conquérante, aussi vorace chez l'un que chez l'autre. Une passion qui en fait comme des jumeaux contraires.

Deux enfances aux antipodes

Enfance parisienne relativement modeste, frustration et père absent pour Nicolas Sarkozy. Jeunesse dorée à Monaco, famille aimante, hédonisme permanent pour DSK. D'une certaine façon, sur la ligne de départ de leurs vies, le plus «Neuilly» des deux n'était pas celui qu'on croit... Elève puis étudiant moyen, appétit et intelligence carriériste chez Sarkozy, toujours dans l'ombre où le sillage d'un «ancien» à séduire (tour à tour Pasqua, Chirac, Balladur). Brillante autonomie de dilettante surdiplômé côté Strauss-Kahn, œuvrant très tôt auprès de «mentors» qui surent mettre à contribution une mécanique intellectuelle aussi efficace que polyvalente (Jospin, Mitterrand, et... Sarkozy lui-même! qui l'adoube ou l'exile en 2007 –comme on voudra– en facilitant son accession à la direction du FMI).

Deux rivaux, oui. Deux ennemis? Non. Enfin, pas encore. Deux baby-boomers épris d'American way of life, fils choyés des Trente Glorieuses, petits-fils de la vieille Europe qui fut impériale et coloniale. Nostalgie marocaine à gauche, racines et mélancolie hongroise à droite. Deux amoureux à haut risque, des femmes, de l'argent, du pouvoir. De tout ce qui peut être conquis, sans fin. Des hommes, en somme, qui «...flirtent tous les deux avec la ligne jaune du mélange des genre et du clientélisme à outrance...», et pour qui les médias sont la principale trousse à outils d'accession aux sommets convoités. L'un, Sarkozy, est une synthèse parfaite de l'«Enfant de la Télé» des sixties (hélas pour la réforme de l'audiovisuel à laquelle il se livre, mais c'est une autre histoire...). L'autre, enfant curieux et gâté des nouvelles technologies, a épousé les médias en général et la télévision au sens propre en la personne d'Anne Sinclair (hélas pour pour ceux qui l'appréciaient et en sont désormais privés). En résumé:

... [ces] deux hommes, qui baignent dans les milieux de la finance, du patronat, de la communication et des people, ne font pas de la fréquentation quotidienne des philosophes une priorité.

C'est peu dire.

Deux conceptions de l'argent

A quoi s'ajoute une commune boulimie pécuniaire, oui, mais qui se traduit par deux approches, deux «cultures» de la dépense aux antipodes: «Bling Bling» compulsif à l'Elysée, contre jouissance au jour le jour de ce que l'argent permet chez Dominique Strauss-Kahn.

Ni avocats ni procureurs, Alexandre Kara et Philippe Martinat parviennent à conjuguer les trajectoires de Nicolas Sarkozy et de DSK sans occulter interrogations et zones d'ombres liées aux aventures (féminines) ou «affaires» (financières) qui ont, plusieurs fois, failli les perdre ou les faire renoncer à la politique (Mnef, ELF dans un cas, Clearstream dans l'autre). Généreusement pourvu en anecdotes autant qu'en analyses, clair et précis sans verser dans le simplisme ni la psychologie de comptoir, ce Duel souffre pourtant d'un défaut, ou plutôt d'un «manque»: là où DSK s'est prêté au jeu du double portrait, Sarkozy s'est défilé. Dommage.

Au final cependant, une lecture d'où ressortent trois constats. Un, le Nicolas Sarkozy que peignent les auteurs est beaucoup plus intriguant et nuancé que le flot caricatural qu'il s'emploie quotidiennement à soulever contre lui... Deux, la réduction médiatique de Dominique Strauss-Kahn au seul «jouisseur» invétéré qu'il est ne peut faire oublier un impressionnant potentiel d'homme d'Etat impatient de montrer ce dont il est capable dans l'hexagone. Trois, si ce Duel ne devait ou ne pouvait avoir lieu en 2012, il faudrait (faudra?) le regretter tant il s'annonce, au travers de ce livre, politiquement excitant.

Philippe Kieffer

Photo: Nicolas Sarkozy et Dominique Strauss-Kahn, le 4 octobre 2008. REUTERS/Philippe Wojazer

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