Boire & manger / Santé

Pourquoi certaines femmes ne mangent plus de viande pendant leur grossesse

Temps de lecture : 4 min

Entre les changements hormonaux et l'évolution des modes de consommation, les pescétariennes et végétariennes au ventre rond sont de plus en plus nombreuses.

Avec toutes les injonctions alimentaires faites aux femmes enceintes, l'orthorexie peut aisément pointer le bout de son nez. | Abdalla M via Unsplash
Avec toutes les injonctions alimentaires faites aux femmes enceintes, l'orthorexie peut aisément pointer le bout de son nez. | Abdalla M via Unsplash

«Je suis une grosse mangeuse de viande rouge; je l'aime saignante, bleue ou même crue, mais pendant la grossesse j'ai eu beaucoup de mal. Rien que visuellement, ça me dégoûtait.» Mère depuis peu, Malou n'est pas un cas isolé: comme elle, plusieurs femmes enceintes rapportent avoir vu disparaître leurs envies carnivores, au moins jusqu'à l'accouchement.

Si les folles envies de fraises noyées de chantilly au beau milieu de la nuit relèvent du folklore, les changements d'appétence durant la grossesse sont quant à eux bien réels. Et parfois, il devient simplement impossible de continuer à mastiquer avec plaisir un morceau de viande pendant qu'un fœtus se développe dans son utérus.

D'un point de vue purement physiologique, le climat hormonal de la grossesse peut bousculer l'appétit et l'appréciation des aliments, et potentiellement mener à faire une croix sur la viande. «L'augmentation brutale des œstrogènes peut contribuer à attirer vers des aliments plus sucrés. L'augmentation du cortisol, qui est l'hormone du stress, peut elle aussi pousser à manger moins gras et moins salé, pour se diriger plutôt vers du sucré», explique le Dr. Scheimann, endocrinologue. La viande rouge en sauce, particulièrement grasse, peut ainsi plus facilement susciter le dégoût qu'une viande maigre comme la volaille.

Hormones et menus spéciaux femmes enceintes

«Je me forçais à manger de la viande au début de ma grossesse pour avoir des protéines, mais c'était trop gras et le goût ne me plaisait plus», se souvient Malou à propos de ses tentatives carnivores. Particulièrement chargée en toxines, la viande fait partie des aliments les plus lourds à digérer, et le corps peut décider de s'épargner ce labeur à travers le dégoût.

Les envies des femmes enceintes peuvent d'ailleurs tendre à rétablir un équilibre alimentaire, rappelle Nathalie Lancelin-Huin, psychologue en périnatalité: «Cela peut traduire le rétablissement d'une homéostasie par rapport à des manques ou des excès, comme manger de la viande pour quelqu'un qui n'en mangeait plus, manger des chips pour Madonna qui ne se nourrissait que de macrobiotique…»

«La grossesse ne fait pas qu'un bébé: elle remanie psycho-émotionnellement la femme enceinte et fait évoluer sa conscience.»
Nathalie Lancelin-Huin, psychologue en périnatalité

Sans compter qu'avec toutes les injonctions alimentaires faites aux femmes enceintes, l'orthorexie peut aisément pointer le bout de son nez. Il ne faut pas boire d'alcool, bien laver ses fruits et légumes, bien cuire sa viande pour éviter tout risque de toxoplasmose et de listeria, mais continuer d'en manger pour l'apport en protéines…

«Certaines femmes vont jusqu'à ne pas manger de jaune d'œuf non cuit comme dans la mayonnaise ou la mousse au chocolat», rapporte Karine Mayer, psychologue. «C'est vraiment comme si la moindre chose ingérée pouvait avoir une influence sur le développement de leur futur bébé.» Dans l'hypothèse où chaque pièce de viande peut représenter un potentiel danger, un Big Mac ou un filet mignon peuvent logiquement faire moins saliver.

Les préoccupations contemporaines dans l'assiette

Les habitudes alimentaires évoluent aussi avec le temps et les préoccupations sociétales de notre époque. À l'heure où les températures atteignent toujours de nouveaux records et déclenchent des feux incontrôlables, et où le jour du dépassement avance un peu plus chaque année, nos habitudes de consommateurs se voient conscientisées et remaniées, et la consommation de viande n'y fait pas exception.

Depuis une poignée d'années, Nathalie Lancelin-Huin reçoit de plus en plus de femmes enceintes qui se détournent de la viande. «La grossesse ne fait pas qu'un bébé: elle remanie psycho-émotionnellement la femme enceinte et fait évoluer sa conscience. Avec la crise du biologique et l'augmentation de notre conscience du vivant, il peut devenir compliqué voire insupportable de manger un être vivant pour une femme enceinte, et d'autant plus un mammifère.»

La psychologue invoque l'hypersensibilité et l'hyperperceptivité de la femme enceinte, mais également la connexion permanente à l'information et le souci de voir naître son enfant dans un monde acceptable comme autant de raisons de trouver moins de plaisir à manger de la viande. Inconsciemment, porter la vie peut aussi entrer en contradiction avec un animal dans l'assiette, dont il est évident qu'il a été tué pour être consommé.

Le régime pescétarien ou végétarien peut s'inscrire dans le temps pour être plus en adéquation avec ses valeurs, ou s'évaporer après l'accouchement.

À cela s'ajoutent l'évolution des modes de consommation et la démocratisation de régimes alimentaires variés. En 2022, un déjeuner dominical n'est plus forcément synonyme d'une pièce de viande accompagnée de légumes ou de pommes de terre. Les hôtes composent avec les restrictions et régimes de chacun, et les dîners entre amis ne sont plus un chemin de croix pour les personnes végétariennes, végétaliennes, vegan, flexitariennes ou encore qui ne consomment pas de gluten.

Une femme enceinte peut elle aussi se soustraire à la viande pour trouver un apport en protéines dans d'autres aliments, comme dans les œufs, les algues ou d'autres aliments riches en vitamine B12, calcium et fer. Les non-viandardes au ventre rond doivent toutefois être prêtes à défendre leurs choix alimentaires un peu plus que la moyenne, si l'on considère le poids des injonctions qui pèse sur les futures mères et l'amour de la France pour la viande.

«Mes beaux-parents faisaient un peu de l'interventionnisme bienveillant, en me demandant régulièrement si ce régime alimentaire végétarien était suffisant», raconte par exemple Clémence, végétarienne affirmée pendant sa grossesse, dans les colonnes de Madmoizelle.

Selon les raisons qui ont conduit au rejet de la viande, le régime pescétarien ou végétarien peut s'inscrire durablement dans le temps pour être plus en adéquation avec ses valeurs, ou s'évaporer après l'accouchement.

Malou, qui ne s'explique toujours pas son aversion pour la viande, a dû faire preuve de patience pour apprécier à nouveau les pièces de son boucher: «Le lendemain de ma sortie de la maternité j'ai voulu aller m'acheter de la viande, mais une fois devant la boucherie, il n'y avait rien à faire: j'étais complètement dégoûtée. J'ai mis trois semaines avant de pouvoir remanger de la viande avec plaisir.»

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