La lutte contre les violences faites aux femmes et leur impunité continue de mobiliser une partie de la société indienne, dans un contexte de haine interconfessionnelle grandissant. Ce samedi 27 août 2022, plusieurs centaines de personnes ont manifesté à travers plusieurs États de l'Inde pour protester contre la libération de onze hommes condamnés pour le viol collectif d'une femme musulmane lors des émeutes religieuses de 2002.
À New Delhi, les manifestants ont témoigné de leur solidarité avec la victime, Bilkis Bano, aujourd'hui âgée d'une quarantaine d'années, et ont demandé au gouvernement de l'État du Gujarat de revenir sur la remise de peine accordée aux coupables.
Ils avaient été condamnés en 2008, soit six ans après les faits, à la prison à perpétuité pour viol collectif sur une jeune femme enceinte, meurtres et rassemblement illégal, commis lors des violences intercommunautaires survenues dans l'État du Gujarat qui avaient fait plus de 1.000 morts, pour la plupart de confession musulmane. Sept membres de la famille de la victime, dont sa fille de trois ans, avaient été tués au cours de ce pogrom, qui marquait alors la pire émeute religieuse depuis l'indépendance de l'Inde, en 1947.
Le 15 août 2022, date à laquelle l'Inde célébrait ses 75 ans d'indépendance, les autorités du Gujarat ont annoncé la remise de peine accordée aux onze hommes, au motif qu'ils avaient déjà passé plus de quatorze ans en prison. Une loi passée en 2014 interdit pourtant d'appliquer une remise de peine aux personnes condamnées pour certains crimes, dont le viol et le meurtre.
Violences récurrentes
Depuis plusieurs années, l'Inde fait face à une recrudescence des violences et émeutes ethno-religieuses dirigées contre les personnes de confession musulmane, et la ligne politique tenue par le Bharatiya Janata, le parti nationaliste hindou du Premier ministre Narendra Modi, n'a fait qu'encourager ces violences.
En 2002, Narendra Modi était déjà le ministre en chef du Gujarat, et avait été accusé d'avoir ordonné aux autorités de laisser faire le massacre.
À New Delhi, une jeune manifestante qui réclame justice pour Bilkis Bano s'interroge: «Modi a prononcé un discours le 15 août sur la sécurité et la protection des femmes de l'Inde et le même jour, ils ont libéré les violeurs. Comment puis-je être en sécurité dans un tel climat?»