Égalités / Sports

Les femmes trans ont-elles un avantage dans les compétitions sportives?

Temps de lecture : 4 min

À chaque victoire d'athlètes trans, le débat sur leur participation est relancé. Voici ce que disent les quelques travaux scientifiques menés sur le sujet.

La nageuse Lia Thomas réagit après que son équipe a remporté le relais nage libre de 400 mètres lors des championnats féminins de natation et de plongeon de la Ivy League 2022 à Blodgett Pool le 19 février 2022 à Cambridge, Massachusetts. | Kathryn Riley / Getty Images via AFP
La nageuse Lia Thomas réagit après que son équipe a remporté le relais nage libre de 400 mètres lors des championnats féminins de natation et de plongeon de la Ivy League 2022 à Blodgett Pool le 19 février 2022 à Cambridge, Massachusetts. | Kathryn Riley / Getty Images via AFP

Les femmes trans participant à des compétitions sportives ont-elles un avantage physique sur leurs concurrentes, rendant ainsi leur participation injuste? Le débat a été une nouvelle fois lancé en mars 2022, après la victoire de Lia Thomas, une femme trans qui a concouru à une compétition universitaire de natation.

La participation des femmes trans dans les compétitions sportives ne fait pas l'objet d'une réglementation universelle. Les conditions de leur participation dépendent des sports et des pays (ou des États, dans le cas américain). Cela peut aller d'un niveau maximum de testostérone présent dans le sang, à une interdiction totale pour les femmes trans de participer aux compétitions féminines.

Après la victoire de Lia Thomas, la Fédération internationale de natation (FINA) a pris la décision de limiter l'accès des compétitions aux femmes trans qui auraient pris des traitements supprimant la production de testostérone depuis l'âge de 12 ans. D'après Alireza Hamidian Jahromi, professeur adjoint en chirurgie plastique et spécialisé en chirurgie d'affirmation de genre au Temple University Hospital de Philadelphie, cette limite est arbitraire.

«Ce chiffre n'a pas de base scientifique et l'âge de la puberté varie beaucoup en fonction des origines ethniques et génétiques, explique-t-il. De plus, beaucoup de personnes n'ont pas accès aux hormones à l'âge de 12 ans. Il existe des disparités importantes dans l'accès aux soins pour les personnes transgenres, et nombreuses sont celles qui ne sont pas libres d'exprimer leur identité de genre dans la société et dans leur famille.»

Plusieurs traitements possibles

En effet, les personnes trans n'utilisent pas toutes des traitements hormonaux, mais d'après un sondage américain réalisé en 2010, sur 6.450 personnes trans, 80% d'entre elles en prenaient un. Ces hormones permettent d'obtenir des caractéristiques physiques plus féminines ou plus masculines, grâce à une prise régulière d'hormones exogènes, c'est-à-dire qui ne proviennent pas directement de notre corps. D'après la Haute Autorité de Santé française, cette substitution hormonale peut être prise pendant deux à quatre ans, voire parfois plus, selon l'effet souhaité.

Les femmes trans peuvent prendre différentes hormones. Le principe est à la fois de diminuer la proportion des hormones responsables des caractères masculins, comme la testostérone, et d'induire les caractères féminins, généralement grâce à des estrogènes. La suppression des caractères masculins, elle, peut se faire par différentes substances, soit qui bloquent directement la production de testostérone, soit qui bloquent les récepteurs qui interagissent dans le corps avec cette testostérone, soit qui inhibent d'autres hormones.

Les femmes trans ont donc le choix entre plusieurs traitements. Mais quelles que soient les substances choisies, elles aboutiront à une diminution de la testostérone.

Le nombre d'études réalisées directement sur des athlètes trans reste très limité. La plupart des études existantes portent soient sur les différences entre des athlètes cisgenre (c'est-à-dire dont l'identité de genre correspond à celle qu'on leur a assigné à la naissance), soit sur des personnes trans qui ne sont pas nécessairement des athlètes. Or, le métabolisme d'une personne trans, lorsque celle-ci suit des traitements, est différent de celui d'une personne cisgenre. De même, la pratique d'un sport à haut niveau a un impact sur notre métabolisme. Aucune de ces études n'est donc parfaitement appropriée au débat actuel.

Cependant, les quelques études existantes semblent montrer que les différences en fonction du genre assigné à la naissance ont un poids différent selon le sport pratiqué. Appliquer une même régulation pour tous les sports paraît donc difficile.

La testostérone donne-t-elle vraiment un avantage?

Quant à l'effet de la testostérone, les informations restent limitées: «De nombreuses données montrent que la testostérone à un niveau élevé améliorerait les performances, qu'elle pourrait avoir un impact plus durable sur le squelette et sur le système vasculaire scientifique. Mais beaucoup de ces différences apparaissent seulement lorsque la testostérone reste à un niveau élevé pendant une longue période», précise Alireza Hamidian Jahromi.

Or, même chez un homme cisgenre, les taux normaux de testostérone peuvent fortement varier: entre 3,4 et 34,7 nmol/l entre 13 et 20 ans, et entre 8,7 et 34,7 nmol/l entre 20 et 60 ans! «Si vous subissez des changements au cours de votre puberté, une grande partie de ces changements peut être génétique et vous ne pouvez pas attribuer tous les changements à la testostérone. Il n'y a pas une seule étude où les données scientifiques correspondent à tous les individus et où la différence est purement basée sur le niveau de testostérone», ajoute le spécialiste.

Une grande partie des différences sont donc individuelles, plutôt que liées au genre. C'est d'ailleurs ce qu'on voit chez beaucoup de champions, dans différents sports, qui peuvent avoir des particularités physiques ou physiologiques: Usain Bolt et ses foulées particulièrement grandes, Michael Phelps et son grand torse… Certains champions de courses d'endurance ont même plus de mitochondrie –la partie de la cellule qui produit de l'énergie– que la moyenne!

Les quelques études portant sur des femmes trans ayant utilisé un traitement hormonal montrent un effet sur la masse musculaire et sur le niveau d'hémoglobine. Si la testostérone confère un avantage aux femmes trans, il est donc probable que les traitements hormonaux diminuent cet avantage. Certaines études affirment qu'il faut un an pour que cet avantage soit effacé, d'autres disent qu'il en faut deux. Mais en quoi cela constitue-t-il un avantage injuste par rapport aux différences biologiques qui existent déjà entre tout individu, comme nous l'avons vu précédemment dans le cas de certains champions sportifs?

«Il s'agit d'une question complexe à laquelle il est impossible d'apporter une réponse simple», conclut Alireza Hamidian Jahromi. Selon lui, seules une base scientifique et la consultation d'un comité d'experts pourraient permettre une régulation plus juste et plus inclusive.

«Toute réglementation devrait être discutée en détail avec la WPATH [Association professionnelle mondiale pour la santé des personnes trans], qui est un organe regroupant différents experts allant de la santé mentale à la gynécologie, afin que les choses puissent être fondées sur une base scientifique plutôt que sur des chiffres arbitraires.» Et d'ajouter: «Davantage d'investigation est nécessaire et les instances sportives doivent tenir compte des avis des experts avant de prendre une décision.»

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