Le 15 juin, des précipitations nées d'une dépression méditerranéenne venue du nord de l'Espagne ont provoqué de violentes inondations dans la région de Draguignan. Le dernier bilan (jeudi à 13h) fait état de vingt-deux morts, alors que la préfecture du Var a annoncé la fin des opérations de sauvetage. Comment de telles crues ont pu se former en seulement quelques heures?
Le rôle des bassins-versants lors des inondations
Pour comprendre le phénomène des inondations, il faut d'abord s'intéresser à la topographie d'un paysage. Tout sol a une certaine capacité d'absorption de l'eau. Cependant, lorsque les volumes d'eau sont trop importants, le sol se sature et doit en rejeter une partie. En période de fortes précipitations, cette eau ruisselle et s'accumule dans un bassin-versant. Concrètement, il s'agit d'une aire de réception délimitée par des lignes de crête, qui collecte l'eau et la fait converger vers un exutoire commun. L'écoulement fait monter le niveau des lacs et des rivières avoisinants et peut provoquer des inondations si les cours d'eau traversent des zones d'habitation.
Les communes de Draguignan, Trans-en Provence, Luc, Fréjus et Roquebrune, toutes situées à proximité des cours d'eau qui ont débordé (l'Argens, son affluent la rivière Nartuby ainsi que le Gapeau), sont naturellement les principales zones touchées par la crue du fleuve.
Différents types d'inondations
Une inondation dépend de trois facteurs principaux: le relief, la forme et la superficie du bassin-versant.
Dans une zone plate, l'eau ne s'écoule pas de la même façon que dans une zone accidentée. Plus la pente est forte et plus la vitesse d'écoulement est importante. La forme du bassin-versant influe aussi sur le débit de l'eau. On distingue des bassins de forme ronde et des bassins en forme d'éventail. Ce sont ces derniers qui sont les plus propices aux inondations rapides et brutales. Enfin, la taille du bassin joue sur la vitesse d'écoulement. Plus le bassin-versant est petit, plus le débit de l'eau est rapide.
Les inondations dans le Var correspondent au modèle des crues éclairs: une quantité d'eau énorme s'accumule en un temps record (quelques heures à peine) sur une surface relativement restreinte. Le bassin-versant de l'Argens a en effet une superficie de 2700 kilomètres carrés.
De Saint-Tropez à Draguignan, les cumuls de précipitations sont de 200 à 300 litres d'eau par mètre carré. A certains endroits (Draguignan et environs), il a même pu tomber en quelques heures 400 millimètres d'eau, c'est-à-dire 400 litres par mètre-carré. Ce qui correspond à la moitié de la pluviométrie annuelle dans le département! A cette vitesse, des hauteurs impressionnantes ont pu être atteintes: à Draguignan même, où onze personnes sont décédées, le niveau de l'eau est parfois monté à plus de deux mètres.
Cumuls des précipitations observées les 14 et 15 juin dans le Var (Source: Météo France)
Les flots torrentiels se sont déversés à toute vitesse dans les villes, accélérés par l'étroitesse des rues de certains villages (notamment à Trans-en-Provence). Ils ont arraché les arbres, se sont attaqués aux maisons, aux ponts, aux canalisations et aux installations électriques. En emportant tout sur leur passage, les trombes d'eau se sont transformées en coulées de boue dévastatrices.
Une crue de cette ampleur ne s'était pas produite dans la région depuis 1827.
Daniel Hoffman
L'explication remercie Patrick Arnaud, animateur de l'équipe hydrologie du Cemagref d'Aix-en-Provence, et Sylvain Payraudeau, maître de conférence à l'ENGEES (Ecole Nationale du Génie de l'Eau et de l'Environnement de Strasbourg)
Mise à jour: Comme nous le fait remarquer zoophelie le «bassin versant de l'Argens est de 2700 kilomètres carré» et non pas 2700 mètres...
Photo: Crue de la rivière Nartuby à Trans-en-Provence / REUTERS