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Que vont devenir les fonds d'aide à l'avortement américains?

Temps de lecture : 3 min

Depuis l'abrogation de l'arrêt Roe v. Wade par la Cour suprême, certains États américains appliquent à nouveau des lois antérieures à 1973. Ce qui rend difficile, voire impossible, le travail des associations et fonds aidant l'accès à l'IVG.

Le flou juridique ambiant concernant l'avortement contraint nombre d'organisations à suspendre leurs services. | Matheus Ferrero via Unsplash
Le flou juridique ambiant concernant l'avortement contraint nombre d'organisations à suspendre leurs services. | Matheus Ferrero via Unsplash

L'annulation de l'arrêt Roe v. Wade a supprimé le droit légal à l'avortement aux États-Unis et la législation locale évolue rapidement. Dans certains États, comme l'Arkansas et le Missouri, les trigger laws –lois rédigées dans l'anticipation éventuelle de l'invalidation de du jugement Roe– ont été mises en œuvre quelques heures seulement après la décision de la Cour suprême dans l'affaire Dobbs.

D'autres États feront entrer en vigueur leurs trigger laws trente jours après l'annulation de l'arrêt, ou peuvent dès à présent rétablir les interdictions d'avortement décidées antérieurement à Roe –donc avant le 22 janvier 1973, date à laquelle l'arrêt a été rendu par la Cour suprême. Au Texas, les deux cas s'appliquent.

Des services suspendus ou modifiés

En raison de ce patchwork de lois en perpétuelle évolution, de nombreuses organisations américaines proposant une aide financière pour les avortements et un soutien logistique se voient contraintes de suspendre ou de modifier leurs services jusqu'à ce que le paysage juridique de l'ère post-Roe se dessine plus clairement.

L'association Arkansas Abortion Support Network, qui finançait les avortements dans l'Arkansas, a ainsi fait savoir vendredi 24 juin, sur Facebook, que bien que l'avortement soit désormais illégal dans l'État, elle «continuera[it] à aider les Arkansasaises à accéder aux avortements légaux», en finançant les voyages hors de l'État.

Le Texas Equal Access Fund a quant à lui déclaré qu'il cesserait de financer les avortements pour le moment. «En raison de l'incertitude et du risque que pourrait impliquer cette décision de justice, nous suspendons nos financements jusqu'à ce que nous puissions pleinement comprendre la décision», a tweeté ce fonds de soutien texan pour l'avortement. Son site web indique qu'il «prend le temps de réévaluer [ses] opérations», mais assure toutefois qu'il restera «engagé dans [sa] mission et la réalisation de celle-ci, dans le respect de la loi».

Un retour cinquante ans en arrière

Quand l'accès aux soins de santé reproductive est en crise, les fonds d'avortement sont en général pointés comme étant les organisations les mieux indiquées pour recevoir des dons, notamment en raison de leur lien avec les patientes dans leurs propres communautés et de leur connaissance des besoins de ces femmes.

Ces fonds facilitent l'accès à l'avortement pour les patientes à faibles revenus, qui ne peuvent donc pas se le permettre. Certains les aident également à trouver l'argent nécessaire au transport, à l'hébergement et à la garde d'enfants durant leur IVG –une aide plus essentielle que jamais, puisque davantage de femmes devront voyager hors de leur État afin d'avorter.

Privées de la protection de Roe, ces organisations pourraient désormais devenir la cible de poursuites au niveau de l'État. Prenons le cas du Texas, où les cliniques ont pour le moment cessé de pratiquer l'avortement. La loi texane n'a pas encore changé: depuis septembre, les IVG sont interdites aux alentours de la sixième semaine de grossesse et la trigger law, plus stricte, n'entrera pas en vigueur avant plusieurs semaines. Cependant, les lois qui interdisaient l'avortement avant la décision Roe, en 1973, sont à nouveau applicables.

Le procureur général du Texas, Ken Paxton, a donc déclaré, à la suite de l'annonce de l'annulation, que «les procureurs pourront décider de poursuites pénales immédiates» sur la base de ces lois, et que «les prestataires d'avortements, s'ils continuent d'en fournir, pourront dès à présent être considérés comme pénalement responsables».

Des bâtons dans les roues des fonds

Le Lilith Fund, important fonds d'avortement texan ayant annoncé cesser d'offrir un financement aux femmes qui contactent sa hotline en raison des éventuelles implications juridiques, a quant à lui publié cette déclaration: «Même si l'analyse juridique en est à ses prémices, nous comprenons que les lois pré-Roe rendent le fait de “fournir les moyens de réaliser un avortement” illégal au Texas, s'accompagnant de sanctions civiles et pénales.»

À ÉCOUTER

Le podcast Avortement: un droit à protéger

«Notre objectif est de reprendre nos services dès que possible, bien que notre mode opérationnel puisse connaître de sérieux changements, afin d'apporter l'aide la plus utile possible aux Texanes enceintes dans le besoin», indique le communiqué.

Alors que la législation des États se modifie, voilà le dilemme auquel ces organisations consacrées à l'accès à l'avortement font face. Les lois qui, comme au Texas, interdisent explicitement l'aide à l'IVG –par opposition à la réalisation pure et simple de l'avortement– mettront des bâtons dans les roues des fonds et réseaux de soutien logistique, compliquant jusqu'à l'accompagnement de femmes en dehors de l'État pour accéder à des soins légaux. Reste donc à voir si des fonds similaires dans les États où l'IVG restera légale seront en mesure de prendre le relais –et comment ils y procèderont.

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