L'abrogation récente de Roe v. Wade, arrêt qui empêchait jusqu'ici les États américains d'interdire l'IVG, va faire de l'USPS (United States Postal Service, l'équivalent états-unien de notre Poste) un prestataire très surveillé. Quartz explique que depuis décembre 2021, il était permis d'expédier par voie postale des pilules abortives aux patientes qui en faisaient la demande.
Aux États-Unis, plus de la moitié des interruptions volontaires de grossesse étaient alors réalisées par voie médicamenteuse, un certain nombre d'entre elles faisant suite à une consultation à distance. Après un échange en visio, il était possible de se faire envoyer les médicaments nécessaires à son domicile, sous pli confidentiel.
Les États qui choisiront (ou ont déjà choisi, comme le Missouri et une demi-douzaine d'autres) d'interdire l'avortement vont donc faire face à un casse-tête; car s'il leur est facile de faire fermer les centres et les services dédiés à l'IVG, ils auront sans doute bien des difficultés à surveiller le courrier de leurs habitantes et à maîtriser les envois réalisés via l'agence fédérale qu'est l'USPS. Il est actuellement irréaliste d'imaginer que les États puissent mettre en place un système de surveillance permettant de détecter, parmi les millions de colis expédiés chaque jour à travers les États-Unis, lesquels contiennent des pilules.
Selon Quartz, l'agence postale américaine a déjà bien du mal à empêcher les envois de fentanyl, un analgésique aussi puissant que dangereux, qui tue plus que l'héroïne. Comment les choses pourraient-elles se dérouler autrement avec les médicaments abortifs, dont l'expédition reste légale et autorisée à ce jour?
Ripostes
Les États opposés à l'avortement déploient des trésors d'imagination pour restreindre au maximum les droits des femmes. C'est pourquoi il existe des lois qui tentent de limiter les possibilités de se faire envoyer la pilule nécessaire par courrier, comme l'expliquait déjà The Guardian en avril. Dans certains États, une consultation en présentiel est désormais obligatoire afin de prétendre à l'obtention d'une IVG par voie médicamenteuse. Ailleurs, comme au Texas, la téléconsultation est d'ores et déjà prohibée si c'est dans le cadre d'une volonté d'avorter.
Comme toujours lorsque l'accès à l'IVG est menacé voire interdit, les femmes s'organisent.
Avec un bon VPN, il est possible de masquer l'État depuis lequel on consulte, et/ou de faire livrer la pilule abortive chez une personne de confiance habitant dans un État autorisant l'IVG. Celle-ci n'a alors plus qu'à réexpédier le médicament à la patiente qui en a besoin. Les personnes disposant d'un véhicule peuvent aussi se la faire livrer dans un point relais situé juste de l'autre côté de la frontière la plus proche –si l'État voisin ne fait pas partie de la liste noire. Certaines agences pro-choix, comme Just the Pill, prévoient de déployer des cliniques mobiles du bon côté de certaines frontières. De nombreuses commandes sont également passées à l'étranger, comme au Mexique ou en Autriche. C'est illégal mais très difficilement détectable.
Les initiatives de résistance se mettent en place, montrant une nouvelle fois qu'interdire l'IVG n'empêche pas les femmes d'avorter: cela rend juste les avortements plus dangereux, notamment pour les plus précaires et les plus isolées. Chiffre édifiant: depuis que le Texas a interdit la prescription de pilules abortives à distance, l'association autrichienne Aid Access reçoit douze fois plus de commandes venues de cet État que précédemment (138 par jour contre 11 auparavant).