De Gaulle a-t-il vraiment sa place au programme du bac littéraire? Depuis quelques jours, la polémique enfle au sujet d'une pétition à l'initiative de professeurs de lettres pour lesquels le choix des Mémoires de guerre du Général constitue une «négation de leur discipline». «Nul ne songe à discuter l'importance historique de l'écrit de De Gaulle (...). Mais enfin, de quoi parlons-nous? De littérature ou d'histoire?», argumentent-ils. Peut-on parler de littérature? C'est la question que se sont posés Le Monde et l'Express.
Le Monde s'est demandé ce qu'en pensent les écrivains. L'écrivain et historien Max Gallo est formel:
Le général de Gaulle fait partie des plus grands mémorialistes de notre histoire au même titre que le cardinal de Retz ou Saint-Simon. Et ceux qui polémiquent à ce propos n'ont certainement jamais lu une ligne des Mémoires de De Gaulle.
Bernard Pivot, «qui ne voit aucune matière à scandale», vante le style de l'auteur qui selon lui peut parfaitement se prêter aux analyses littéraires:
Les Mémoires relèvent évidemment de la littérature, par leur style très particulier, flamboyant, grand siècle, avec des mots recherchés. Des imitateurs ont d'ailleurs raillé ce style bien à lui...
L'écrivain et journaliste Pierre Assouline renvoie aux pétitionnaires l'exemple outre-Atlantique: «Personne n'a protesté quand Churchill a reçu le Nobel de littérature en 1953. Et pourtant il a écrit ses Mémoires avec un atelier de cinquante nègres».
Autre évènement qui n'avait pas non plus soulevé de protestations, c'est l'entrée en 2000 des Mémoires de guerre dans la prestigieuse collection la Pléiade, dont l'Express a interviewé l'éditeur Jean-Luc Barré. L'idée étant de montrer la culture littéraire de de Gaulle.
De Gaulle n'aurait pu rêver meilleur avocat pour défendre sa cause, puisque pour Barré, le général n'est ni plus ni moins que «le dernier grand écrivain de la France, dans la tradition de Barrès ou Péguy». Si le véritable débat histoire/littérature n'y est pas posé, l'interview a le mérite de faire découvrir ce lien effectivement très étroit qu'entretenait de Gaulle avec la littérature.
On apprend qu'il écrivait dans sa jeunesse des poésies et des nouvelles, qu'il était un très grand lecteur – il lisait encore trois livres par semaine lorsqu'il était à l'Elysée– et voyait en le métier de bibliothécaire «le plus beau métier du monde». Jean-Luc Barré nous emmène enfin dans la bibliothèque personnelle de De Gaulle: Mémoires d'hommes politiques, de militaires ou d'historiens mais «surtout des ouvrages de littérature»: tout Chateaubriand, son auteur préféré, tout Barrès, mais aussi Giraudoux, Camus, Aragon et même Courteline...
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Photo: Kairos/Angélique via Flickr CC License by