Égalités / Parents & enfants

La contraception masculine racontée par ceux qui la pratiquent

Temps de lecture : 4 min

Vasectomie, slip, anneau en silicone… Michael, Antoine et Pablo ont décidé de prendre en charge la contraception au sein de leur couple. Une affaire pas toujours simple.

La Haute Autorité de la Santé (HAS) préconise seulement trois solutions contraceptives masculines: le préservatif, le retrait et la vasectomie. | Ayo Ogunseinde via Unsplash
La Haute Autorité de la Santé (HAS) préconise seulement trois solutions contraceptives masculines: le préservatif, le retrait et la vasectomie. | Ayo Ogunseinde via Unsplash

«Au quotidien, ça ne change en rien mon désir. Et c'est tout bénef pour ma femme». Michael a 38 ans et est père de deux enfants. Il y a trois ans, il a décidé de procéder à une vasectomie, opération chirurgicale qui consiste à obturer les deux canaux déférents, empêchant ainsi le passage des spermatozoïdes vers le pénis. D'après l'association Ardécom (Association sur la recherche et le développement de la contraception masculine), cette pratique quasi irréversible est utilisée par plus de 20% des couples en Grande-Bretagne et au Canada contre 8% en Belgique, en Espagne et en Suisse. En France, ce pourcentage tombe à 1%.

«C'était un peu comme un passage de flambeau. Je voulais libérer ma femme de ce poids. C'est juste une opération. Ce n'est pas une pilule à prendre tous les soirs ou un stérilet à changer toutes les X années», justifie Michael. En 2019, selon les chiffres de l'Assurance maladie, 13.000 hommes ont subi une vasectomie en France, soit 4.000 de plus que l'année précédente.

La Haute Autorité de la Santé (HAS) préconise seulement trois solutions contraceptives masculines: le préservatif, le retrait et la vasectomie. Pourtant, depuis plusieurs années, des solutions hormonales et thermiques ont émergé dans le but d'élargir le spectre de la contraception masculine et ainsi favoriser le partage de la charge contraceptive. Mais elles sont souvent peu utilisées car peu connues par les hommes eux-mêmes. Selon une étude publiée dans la revue PLOS One, en mai 2018, «seuls 10% des nouveaux pères connaissent la contraception masculine hormonale et 3% seulement la méthode thermique».

Si la contraception reste majoritairement féminine, on observe tout de même une évolution des mentalités et un intérêt croissant de la part des hommes pour ces techniques. Antoine, 38 ans, fait partie du collectif Contraception testiculaire Île-de-France. Il travaille aussi en collaboration avec Thorème, l'entreprise qui fabrique et commercialise l'Andro-switch, un anneau contraceptif masculin. Il reconnaît un accroissement exponentiel des ventes depuis un an: «En janvier 2021, on vendait en moyenne trente anneaux par semaine, contre 250 par semaine sur la fin d'année.»

Trouver sa propre routine contraceptive

Lui aussi a fait le choix de cette contraception après avoir été dissuadé par son urologue de faire une vasectomie: «C'est un anneau en silicone qui se pose facilement. C'est un dispositif non intrusif, simple. C'est uniquement la chaleur de mon propre corps qui va avoir un effet.» Comme le slip contraceptif, l'anneau fait partie des méthodes dites thermiques. Celles-ci visent à augmenter la température des testicules de 1,5 à 2 degrés à l'aide du principe de remontée testiculaire, ce qui stoppe, ou du moins réduit, la spermatogenèse. Pour fonctionner efficacement, le slip ou l'anneau doit être porté quinze heures par jour, sept jours sur sept.

«C'est une technique qui demande de la rigueur, mais je me sens très autonome: j'ai parlé à mon médecin il y a un an pour mettre en place le protocole médical avec le suivi et le spermogramme qui permet de vérifier que ça marche bien. Depuis, je ne l'ai pas revu», raconte Antoine. «L'anneau, en soi, n'est pas contraignant, et j'ai trouvé ma routine de contraception», poursuit-il.

«Ce n'était pas approprié d'un point de vue érotique et esthétique.»
Pablo, 27 ans

L'anneau, qui n'est pour l'instant reconnu ni par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ni par le ministère de la Santé, impose d'effectuer un spermogramme régulièrement pour évaluer le nombre de spermatozoïdes présents dans le sperme. «Avant de commencer à porter la moindre contraception, il faut faire un premier spermogramme. En trois mois, avec le slip ou l'anneau, les valeurs spermatiques vont baisser. Après ces trois mois, il faut en refaire un pour voir si ça a été efficace. Dans le protocole, ce qui est recommandé, c'est d'en faire un tous les mois pendant six mois», détaille Antoine.

Puis, lorsque le protocole est bien instauré, un seul spermogramme tous les deux ou trois mois suffit. D'un prix avoisinant les 35 euros, cet examen médical est remboursé par la Sécurité sociale s'il a été prescrit par votre médecin généraliste.

Pas toujours concluant

Mais tous ne s'y accommodent pas aussi bien qu'Antoine. C'est le cas de Pablo, 27 ans. Il s'est d'abord intéressé au slip contraceptif, qui n'est pas encore commercialisé mais qu'il a lui-même confectionné grâce à un tutoriel YouTube du collectif breton Thomas Bouloù. «Il expliquait très bien comment faire et ça m'a donné l'occasion d'apprendre à coudre. J'ai passé un mois à essayer de fabriquer mon premier proto. J'avais un truc qui marchait bien et qui était plutôt confortable, mais ça ne plaisait pas à ma copine. Ce n'était pas approprié d'un point de vue érotique et esthétique», confie-t-il.

Il passe alors à l'anneau mais, très rapidement, fait une réaction allergique et arrête tout. «Chacune des deux techniques a trouvé ses limites», se désole Pablo. «Ça paraît cool, la perspective que les mecs puissent se contracepter, mais c'est contraignant. J'ai quand même envie d'essayer à nouveau. Il y a des groupes organisés tous les premiers samedis du mois pour bricoler des slips ensemble», ajoute-t-il.

«Vendre un slip comme un vêtement, c'est une chose, mais le vendre comme dispositif médical, c'en est une autre.»
Antoine, du collectif Contraception testiculaire Île-de-France

Du côté de la méthode hormonale, il existe des injections hebdomadaires de testostérone dans les muscles, validées par l'OMS, qui diminuent la production de spermatozoïdes jusqu'à la stérilité. Une technique elle aussi réversible, puisque les testicules mettent entre trois et six mois pour produire de nouveau des spermatozoïdes après l'arrêt des injections. Mais cette technique séduit moins: «Me faire une piqûre toute les semaines, je ne suis pas trop fan du geste… Si je peux éviter les hormones, tant mieux», explique Antoine, l'adepte de l'anneau. Cette méthode est d'ailleurs très peu prescrite par les médecins.

Commercialisation difficile

En décembre, coup d'arrêt porté à l'engouement de l'anneau contraceptif: l'ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) a suspendu la mise sur le marché de ce produit faute de marquage de sécurité CE. Ce dernier est nécessaire pour être reconnu comme un dispositif médical à visée contraceptive.

Depuis, la société travaille à son obtention. «L'anneau est un gros symbole. Si vous l'enlevez, il ne reste plus que les dispositifs do-it-yourself. Vendre un slip comme un vêtement, c'est une chose, mais le vendre comme dispositif médical, c'en est une autre», regrette Antoine.

Quant à la pilule contraceptive masculine, elle n'est pas près d'arriver en pharmacie. Alors que très peu de moyens financiers sont alloués pour la recherche, les pouvoirs publics ne la considèrent pas comme un enjeu de santé publique, et les laboratoires estiment que le marché est trop restreint. Autre piste prometteuse? Le Vasalgel, un gel injectable sans hormone, bloquant les spermatozoïdes. Ce dernier est actuellement en cours d'expérimentation.

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