Hotmail est vieux. Non mais, vraiment vieux. En 1996, en même temps que le lancement de ce qui fut alors présenté comme la première messagerie électronique gratuite grand public, Bill Clinton faisait campagne pour un second mandat, l'économie se portait bien, et Lady Gaga, que ses camarades appelaient alors Stefani Germanotta, venait d'avoir 10 ans. Il n'y avait pas encore grand monde sur Internet, et rien que le concept d'être «en ligne» ou de se dire qu'on allait bientôt faire son shopping et socialiser sur le Web, ça semblait un peu dingue. Le fait même de recevoir du courrier sur son ordinateur c'était complètement révolutionnaire. Attends, ça veut dire que n'importe qui peut m'emvoyer un message de n'importe où dans le monde? Et gratuitement? Et en plus je le recevrai instantanément? Mais c'est fou!
Hotmail a immédiatement fait un carton: en un an et demi, le service a presque atteint les 9 millions d'utilisateurs. A l'époque, ça représentait une part énorme des internautes –au même moment, AOL, le plus gros fournisseur d'accès, avait lui aussi 9 millions d'abonnés. Hotmail a inspiré des sites comme AOL et Yahoo –et d'autres aujourd'hui disparus– qui lancèrent également leur propre messagerie électronique gratuite.
Fin 97, Microsoft rachetait Hotmail et fusionnait le service avec MSN. Et c'est là que tout semble s'être arrêté pour Hotmail. Le service a continué à attirer des millions de nouveaux utilisateurs, et est aujourd'hui le leader incontesté dans son domaine, avec plus de 360 millions d'inscrits à travers le monde. (300 millions pour Yahoo, et un peu moins de 200 millions pour Gmail, selon comScore.) Pourtant, malgré son incroyable réussite, Hotmail n'a jamais essayé de se démarquer de ses concurrents. Pire, pendant longtemps, la messagerie avait une image has-been, celle d'un service utilisé uniquement par ceux qui se servaient encore d'Internet comme en 1996 –ceux qui n'envoient ni ne reçoivent beaucoup d'emails, que la rapidité et l'espace de stockage n'intéressent pas, et qui n'ont pas l'intention d'acheter un smartphone ou un iPad. Autrement dit, c'était un service vieux, pour les vieux, et si vous envoyez toujours des mails avec votre compte Hotmail, c'est comme si vous les envoyiez du passé.
Toujours pas pour les geeks
Et puis Microsoft a eu envie de changer tout ça. Cet été, ils dévoileront une super nouvelle version d'Hotmail que je teste déjà depuis quelques semaines, et dont je suis ravi. Le nouvel Hotmail est rapide, agréable, et dispose de fonctionnalités qui lui permettent de rivaliser face à des concurrents comme Gmail. Il y a même des choses que j'aimerais voir adoptées par d'autres. Je ne suis pas prêt à changer –j'ai six ans d'archives dans Gmail, et pour moi il s'agit toujours du meilleur client mail aujourd'hui– mais c'est probablement juste une question de goût. Hotmail arrive en deuxième position, mais talonne Gmail de très, très près, et plus je m'en sers, plus ça me plaît. Et j'imagine que des tas de gens trouveront que cette nouvelle version dépasse de loin d'autre services de messagerie.
Si je reste fidèle à Gmail, c'est que j'ai l'impression qu'il a été développé pour les «power e-mailers», des gens qui comme moi reçoivent des centaines de messages chaque jour, qui consultent leurs mails ailleurs que sur leur ordinateur, et qui ont besoin (ou envie) d'archiver toute leur correspondance. Pour conquérir cette frange de la population online, Gmail a dû rompre avec les modèles du passé. Un look radicalement différent des autres clients mail, mais également l'apparition d'un tas de fonctionnalités jamais vues auparavant: un système de vue par conversation, des «libellés» pour remplacer les dossiers, et l'idée d'«archiver» des mails plutôt que les effacer. La beauté du nouvel Hotmail, c'est le mélange de son côté convivial et «à l'ancienne» avec des nouvelles fonctionnalités géniales. Je pense que les utilisateurs avancés le trouveront bien, mais son vrai public ce sera plutôt les centaines de millions de gens qui exigent plus de leur messagerie sans vouloir s'embêter à apprendre une toute nouvelle «philosophie».
Le nouvel Hotmail ressemble à n'importe quel autre client: vos dossiers sont listés sur la gauche, et le contenu de chacun affiché au centre. Les messages sont montrés un par un par défaut, c'est-à-dire un mail par ligne, mais Hotmail dispose d'une option pour afficher une vue par conversation, comme dans Gmail, en regroupant donc tous les messages dont le sujet est similaire sur une seule ligne. Hotmail possède également un mode prévisualisation qui permet de jeter un oeil à n'importe quel mail depuis la boîte de réception –rien de neuf, mais l'option n'existe pas sur Gmail. Mon conseil: activez les deux.
Un bouton «réseaux sociaux»
Mais ce que je préfère, c'est la façon dont Hotmail vous laisse trier vos mails de façon efficace. Il y a 5 ou 6 boutons «quick view» qui permettent d'afficher uniquement les mails récents contenant des photos, une pièce jointe, ou qui confirment l'expédition d'un produit commandé online, et il y a même un bouton spécial «réseaux sociaux», pour les messages Twitter, Facebook et LinkedIn qu'on reçoit tous les jours. Ce que j'aime particulièrement, c'est le bouton qui affiche uniquement les mails des gens qui figurent dans votre carnet d'adresses. Un truc génial quand on se lève le matin pour consulter sa boîte mail pour la première fois de la journée, puisque ça permet de filtrer les messages des gens qu'on connaît, et qui sont généralement les mails les plus importants. (J'ai réussi à importer mes contacts et mes archives Gmail dans Hotmail, puisque celui-ci dispose également de différents moyens de se connecter et d'importer des données depuis d'autres services en ligne. J'ai donc testé le nouvel Hotmail avec des dizaines de milliers de messages dans ma boîte de réception, et en terme de recherche et de filtrage, il n'a rien à envier à Gmail.)
Les supporters de Gmail me feront probablement remarquer qu'avec les libellés et les filtres de leur client bien-aimé, on peut tout-à-fait imiter la fonction «quick view» d'Hotmail. C'est vrai, mais ça n'est pas la question. Sur Hotmail, pas besoin de configurer quoi que ce soit; quick views et autres fonctionnalités sont activées par défaut. Et c'est pareil pour les règles de filtrage automatique: sélectionnez certains messages, cliquez sur «Sweep» (balayer, en anglais) et non seulement vous aurez effacé ces mails indésirables, mais dans le futur, tous les messages similaires seront automatiquement bannis de votre boîte. On peut faire la même chose sur Gmail, sauf que ça prend du temps, et qu'il faut remplir et cocher plein de cases. C'est pas la mer à boire, mais c'est pas non plus de la tarte.
Pourquoi rester sur Gmail?
J'ai aussi apprécié la façon dont Hotmail gère les pièces jointes. Gmail autorise 25Mo par fichier envoyé, alors qu'avec SkyDrive (le système de stockage de Microsoft) intégré au client, Hotmail a une limite de 10Go. Si vous envoyez par exemple un album photos à vos proches, celui-ci sera uploadé sur SkyDrive. Les destinataires recevront un lien vers l'album qu'ils pourront choisir de télécharger ou bien de consulter en ligne.
Mais si le nouvel Hotmail me plaît tant que ça, pourquoi est-ce que je ne quitte pas Gmail? D'abord, parce que j'y suis trop habitué. J'ai passé du temps à bidouiller ma boîte, et même si certaines fonctionnalités sont un peu plus compliquées à mettre en place que sur Hotmail, le fait est que... je les ai déjà configurées. Et deuxièmement, sur Hotmail, il y a toujours un gros pavé de pub bien criard sur la droite de la page. (On peut s'en débarrasser en s'abonnant à la version premium pour 20 dollars par an). Les Google Ads de Gmail ne me gênent pas tellement, mais des pubs animées sur ma boîte, ça n'est pas possible. Si Hotmail décide de passer à des pubs «textes», je penserai sérieusement à rompre avec Gmail. Allez quoi, Microsoft, les bannières c'est tellement 1996.
Farhad Manjoo. Traduit par Nora Bouazzouni.
Photo: US Mail, Steve 2.0, Flickr, Creative Commons Licence By.