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On se poke de nouveau?

Temps de lecture : 5 min

Alors que le «Quit Facebook Day» veut en finir, le réseau de Mark Zuckerberg a amélioré la confidentialité. Convaincant?

Il y a une quinzaine de jours, je prédisais que Mark Zuckerberg, le PDG de Facebook, répondrait aux dernières critiques concernant la politique de confidentialité de son site comme il l'a toujours fait, c'est-à-dire par une lettre ouverte à ses utilisateurs, où il assure nous avoir entendus, puis l'annonce de deux ou trois changements sur le site, pour calmer nos angoisses. Lundi dernier, Zuckerberg a bel et bien envoyé une lettre de ce genre, et mercredi, lors d'une conférence de presse, il a dévoilé un certain nombre d'améliorations. Quoiqu'on pense de Facebook, on ne pourra jamais lui reprocher d'être imprévisible.

Idem pour les changements annoncés, auxquels on s'attendait plus ou moins. Avant, pour configurer les paramètres de confidentialité de son profil, il fallait ouvrir des tas de pages et cliquer sur des tas de boutons. Plus maintenant.

Tous les utilisateurs devraient avoir accès à la nouvelle page des paramètres dans les prochaines semaines, mais certains journalistes high-tech peuvent déjà en profiter, et j'en fais partie. Mais si désormais, configurer son compte est effectivement simple comme bonjour, ça n'est pas suffisant. Si Facebook veut aller jusqu'au bout de son effort, il va falloir expliquer aux utilisateurs comment fonctionnent les nouveaux paramètres –et vu le passif du site, je doute qu'ils suivent mon conseil.

En trois boutons

Sur la nouvelle page, trois gros boutons: «Tout le monde», «Les amis de vos amis», «Vos amis». Un seul clic suffit pour configurer presque tous les paramètres de confidentialité de votre compte.

Presque. C'est là que le bât blesse: ces boutons contrôlent qui peut voir ce que vous postez sur Facebook –statuts, photos, bio, etc...– mais pas qui peut vous trouver, vous ajouter à ses amis, ou bien voir la liste des vôtres. Pour configurer ces paramètres-là, il vous faut aller sur une page différente. Et pour contrôler les applications tierces, c'est encore une autre page.

Ça peut sembler compliqué, mais en fait, ça ne l'est pas du tout. J'ai mis seulement deux minutes à trouver toutes ces rubriques, et les trois boutons principaux satisferont la majorité des utilisateurs qui se plaignaient de ne rien comprendre aux règles de partage. Désormais, il y a peu de chance pour que vous laissiez par accident la terre entière avoir accès à votre compte. En cliquant sur «Vos amis», tout ce que vous postez sur Facebook (y compris ce qui s'y trouve déjà) ne sera visible que par ceux-ci. Vous pourrez aussi aller plus loin dans la personnalisation de vos paramètres, par exemple cliquer sur «Vos amis» mais choisir de partager vos statuts avec les amis de vos amis. Il sera possible également de créer des groupes d'amis –travail, famille, etc...– et décider qui aura accès à quoi. Mais ce qu'il faut retenir, c'est que si ça ne vous intéresse pas ou que vous n'y comprenez rien, vous n'êtes pas obligé d'aller dans le détail.

Je sais que certains auront du mal à croire que Facebook a subitement trouvé la solution miracle à nos problèmes de confidentialité; elle a beau être rassurante aujourd'hui, cette nouvelle page, mais avec un site qui change de look tous les 6 mois, on peut s'attendre à ce que ça redevienne du charabia à Noël.

Pour moi, il s'agit simplement de savoir si l'on fait confiance ou non à Facebook. Zuckerberg promet que le bouton sur lequel vous cliquerez aujourd'hui décidera du sort de votre compte quels que soient les changements opérés sur le site demain, ou bien dans 6 mois.

Une sorte de Facebook version Ron Popeil et son fameux «Set it, and forget it!» («Installez-le, et oubliez-le!»). La rumeur a longtemps couru que Facebook fonctionnait sur un système à la Foursquare pour que les utilisateurs puissent afficher leur situation géographique, et jusqu'à maintenant, les paramètres utilisateurs étaient systématiquement configurés par défaut par Facebook. Désormais, assure Zuckerberg, ceux-ci dépendent du bouton sur lequel vous aurez cliqué sur la nouvelle page des paramètres, et votre choix s'appliquera automatiquement à la localisation ainsi qu'à toutes les nouvelles applications, toutes les nouveautés que Facebook sortira. Si Zuckerberg tient sa promesse, il regagnera probablement la confiance des utilisateurs en colère. Mais je ne crois que ce que je vois.

Parmi les nouveautés annoncées mercredi, la possibilité désormais de choisir qui peut voir votre liste d'amis et les pages que vous avez «aimées» –jusqu'à maintenant, tout ça était public. Facebook a également simplifié la désactivation de la «personnalisation instantanée», un service grâce auquel vous pouviez communiquer certaines informations à trois sites Web: Yelp, Pandora, et Microsoft Docs. Ce système est toujours «actif» par défaut, mais si vous ne souhaitez pas l'utiliser, il suffit maintenant de cliquer sur un seul bouton, contre une dizaine avant.

Chez Facebook, on avoue s'être depêché d'instaurer ces changements pour calmer un orage auquel personne ne s'attendait. «Ces dernières semaines ont été assez intenses», confiait Zuckerberg aux journalistes mercredi. J'ai pu discuter avec Bret Taylor, le directeur produit de Facebook, qui m'a raconté la véritable course contre-la-montre pour mettre au point et tester ces nouveaux paramètres. «C'était un challenge intéressant à relever», m'a-t-il dit. «On a passé énormément de temps sur des maquettes qu'on faisait ensuite tester par des utilisateurs, et à qui on demandait de nous expliquer ce qu'ils en comprenaient. Il y a plein de choses qu'on a dû refaire encore et encore; on a passé presque tout notre temps à ça ces dernières semaines.»

Je suis ravi du résultat, mais si tous ces changements étouffent les critiques pour un temps, c'est loin d'être suffisant pour que je n'aie plus rien à reprocher à Facebook. L'histoire est malheureusement condamnée à se répéter, et dans 6 mois, un an, médias, blogueurs high-tech et législateurs recommenceront à crier à l'infâmie. Et vous verrez, une fois encore, Zuckerberg sera obligé de leur répondre.

Pourquoi? Parce que Facebook fait aujourd'hui davantage partie de notre vie quotidienne que n'importe quelle autre innovation technologique. Vous passez peut-être plus de temps sur Google, dépensez plus d'argent sur Amazon, et vous amusez davantage sur YouTube mais votre «vraie vie» est ailleurs, votre famille, vos amis, et vos collègues aussi. Facebook ne s'est pas rendu la tâche facile en essayant de construire un business basé sur la vraie identité de ses utilisateurs, sur des renseignements qu'il nous semble impératif de contrôler nous-mêmes. Evidemment, Facebook fait ça pour l'argent, mais aussi parce qu'ils croient sincèrement que le Web –et la planète– seraient bien plus agréables si les gens étaient davantage «connectés» les uns aux autres.

On fait d'abord, on réfléchit ensuite

Et le plus dingue, c'est qu'on est tous d'accord avec ça. On a beau critiquer Facebook, on n'a pas pour autant arrêté de s'en servir. Nos données utilisateurs sont systématiquement analysées, décortiquées –trafic, nombre de connexions, fréquence à laquelle les utilisateurs désactivent ou suppriment leur profil, nombre de nouveaux inscrits par jour, quantité de contenu postée, etc...– et si l'on en croit Zuckerberg et Taylor, aucun de ces chiffres n'est en baisse.

Une chose peut-être, la légère chute de sa cote Net Promoter, qui mesure le nombre d'utilisateurs qui recommandent le site à leurs amis. Mais ils se sont rapidement rendu compte que cela n'avait rien à voir avec la politique de confidentialité. «C'était entièrement lié à notre décision de rendre les posts concernant les jeux Facebook plus discrets dans les fils d'actualité», explique Taylor. «Les gens étaient mécontents, ils ne s'occupaient plus aussi régulièrement de leur ferme dans Farmville ou de leur île dans Happy Island puisque cela n'apparaissait plus de façon aussi visible qu'avant.»

Mais alors, si les utilisateurs qui craignent pour leur vie privée ne changent même pas leurs habitudes, pourquoi crient-ils au scandale? Le vrai souci, c'est que chez Facebook, on fait d'abord, et on réfléchit ensuite: on change le site tous les 3 mois, mais on s'interroge sur l'impact que ça aura sur les utilisateurs seulement quand ceux-ci commencent à montrer les crocs. Et rien de ce que Facebook a annoncé cette semaine ne règlera ce problème fondamental. Nos informations personnelles sont un sujet sensible, et je ne suis pas sûr qu'on puisse en discuter calmement.

Farhad Manjoo. Traduit par Nora Bouazzouni.

Photo: Mark Zuckerberg, Pdg et fondateur de Facebook, Rick Wilking / Reuters

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