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Un an de présidence Biden: l'heure du bilan

Temps de lecture : 7 min

Économie, social, international, sanitaire... Qu'a accompli le président américain 365 jours après son investiture?

Le président américain Joe Biden, lors d'un discours sur la réponse de son administration à l'augmentation des cas de Covid-19, au South Court Auditorium du Eisenhower Executive Office Building, le 13 janvier 2022 à Washington. | Anna Moneymaker / Getty Images North America / AFP
Le président américain Joe Biden, lors d'un discours sur la réponse de son administration à l'augmentation des cas de Covid-19, au South Court Auditorium du Eisenhower Executive Office Building, le 13 janvier 2022 à Washington. | Anna Moneymaker / Getty Images North America / AFP

20 janvier 2021: Joe Biden accède enfin à la Maison-Blanche, après deux mois et demi d'attente marqués par une contestation sans précédent des résultats de l'élection du 3 novembre 2020, et une insurrection contre le Capitole. Un an après, un premier bilan des actions du nouveau président américain peut être établi.

Particulièrement actif sur la scène nationale, Joe Biden a marqué les esprits en proposant une nouvelle approche guidée par les aspirations de la population et les besoins de la nation dans un contexte de crise sanitaire et politique. Mais cette volonté s'est heurtée à plusieurs reprises à un système politique parfois archaïque, où une minorité d'élus peut réduire à néant un programme politique populaire.

À l'international, l'objectif premier de l'administration de retisser des liens avec les partenaires malmenés par Donald Trump a, dans l'ensemble, été atteint, malgré la crise diplomatique entre Paris, Washington et Canberra, au sujet des sous-marins à propulsion nucléaire. Les canaux de discussions diplomatiques fonctionnent à nouveau normalement, et les réseaux sociaux ne parasitent plus la politique étrangère de l'Amérique. On retiendra de cette première année de présidence le retrait définitif et total d'Afghanistan, ainsi que l'accord international sur la taxation des multinationales.

Build Back Better: la trilogie s'achèvera-t-elle?

Les premières semaines de Joe Biden à la Maison-Blanche ont essentiellement été marquées par la signature d'une cinquantaine de décretsexecutive orders– en cent jours. La plupart visaient à améliorer et coordonner la lutte contre la crise sanitaire, ainsi qu'à annuler les actions du locataire précédent, notamment en matière de climat et d'immigration: retour dans l'Accord de Paris, et au sein de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), fin du Muslim Ban, mise en pause de la construction du mur à la frontière avec le Mexique, ou encore renouvellement du soutien au programme d'immigration DACA.

De portée limitée, notamment dans le temps, ces décrets ont toutefois permis au nouveau président américain de casser l'image d'homme âgé endormi –«Sleepy Joe»– qui lui collait à la peau lors de la campagne électorale, et ont rassuré son camp, notamment l'aile progressiste, sur sa volonté d'agir.

Imaginé comme une trilogie, le programme Build Back Better est à Joe Biden ce que le New Deal était à Franklin Roosevelt: une signature, une marque de fabrique, une colonne vertébrale. Si l'inspiration du premier pour le second n'est pas un secret, notons cependant que la comparaison entre les deux hommes a très souvent été exagérée par la presse l'année dernière. Composé d'un plan de soutien à l'économie, d'un plan de modernisation des infrastructures et d'un plan social sur le climat, ce programme a fait saliver une partie des Américains, notamment démocrates.

L'actuel président connaît son premier succès en mars avec l'adoption au Congrès par sa majorité de l'American Rescue Act. D'un montant de 1.900 milliards de dollars (1.618 milliards d'euros), ce plan massif de soutien à l'économie est arrivé au bon moment. La campagne de vaccination venant à peine de débuter, le pays tournait encore au ralenti à cause des vagues successives de Covid-19 qui frappaient durement –et frappent encore– les États-Unis.

Pour soutenir les familles et le secteur privé, un cocktail de mesures d'aides a vu le jour: chèque de 1.400 dollars, allocations familiales oscillant entre 3.000 et 3.600 dollars par enfant pour l'année 2021, allocations chômage boostées, prolongement de la mise en pause du remboursement des prêts étudiants, fonds pour sauver les PME ou encore accompagnement des groupes scolaires pour la réouverture des salles de classe. Salué par une majorité d'acteurs politiques et économiques pour sa robustesse et sa justesse, ce plan constitue le premier succès majeur de la présidence Biden. Pensé pour le court terme, il a permis de relancer l'économie et d'éviter la banqueroute à plusieurs millions de foyers modestes.

La suite s'est avérée cependant plus complexe. Pour respecter sa promesse de réconcilier Républicains et Démocrates, Joe Biden a poussé le Congrès à trouver un accord bipartisan pour le plan de modernisation des infrastructures (routes, ponts, canalisations, haut débit etc.), un investissement attendu depuis plus d'une décennie. Rejoints par plusieurs élus républicains, les Démocrates ont pu le faire adopter sans avoir à surmonter d'obstruction parlementaire.

Cet accord –Infrastructure Investment and Jobs Act– a cependant eu un coût, puisque les principales mesures environnementales ont été supprimées et son montant sur dix ans, 550 milliards de dollars de dépenses nouvelles et autant de dépenses redirigées, est moitié moins important que la promesse qui figurait dans le programme du président.

Si Joe Biden peut se vanter d'avoir réussi là où Barack Obama et Donald Trump ont échoué, il n'a pas réussi, pour l'heure, à respecter la promesse faite à son aile gauche: adopter dans la foulée le Build Back Better Plan, composé de mesures sociales (prolongement des allocations familiales, création de congés parentaux, baisse du coût des médicaments, etc.) et environnementales (investissements pour la transition énergétique et la réduction des émissions de carbone), qui constitue la pièce maîtresse du programme du même nom.

Avec cinquante sénateurs au Congrès, le camp démocrate a la plus petite majorité possible, ce qui l'oblige à voter d'un seul homme. Mais face au refus d'une très petite minorité d'élus démocrates conservateurs minés par les conflits d'intérêts, aucune avancée notable n'a pu être faite après sept mois de négociations intenses, créant des tensions et entachant l'image de Joe Biden. Il n'est pas exclu que ce projet ne voie jamais le jour, alors que la campagne pour les élections de mi-mandat débute bientôt, ce qui serait pour la Maison-Blanche un énorme échec.

Covid-19: une gestion en demi-teinte

Élu grâce à son positionnement raisonnable au sujet de la gestion de la crise sanitaire, Joe Biden a très vite pris les choses en main à son arrivée à la Maison-Blanche. Bien aidé par le fait que trois vaccins soient de nationalité américaine (Pfizer, Moderna et Johnson & Johnson), la campagne de vaccination a démarré sur les chapeaux de roues, avant de connaître un ralentissement au début de l'été, dû notamment à la défiance de l'électorat républicain le plus à droite.

Ce dernier, sceptique et plus largement touché par la désinformation portée par les médias et politiques conservateurs, a une couverture vaccinale moins importante. Mi-janvier, seule 63% de la population a un schéma vaccinal complet (deux doses). Un pourcentage insuffisant pour faire face aux nouveaux variants plus contagieux et dangereux, comme le variant Delta.

Si l'on devait résumer en quelques mots cette première année de présidence, l'expression appropriée serait celle du verre à moitié plein.

Difficile pour l'exécutif de changer le cours des choses, puisqu'une bonne partie de la gestion sanitaire et vaccinale repose sur les États, les villes et les employeurs, notamment pour les incitations et contraintes. Des mesures se rapprochant de l'obligation vaccinale ont pu être prises pour les fonctionnaires fédéraux, mais l'administration Biden ne semble pas en mesure d'accroître réellement les contraintes, comme c'est le cas en Europe et notamment en France.

À terme, cela devrait poser d'importants problèmes si les rappels de vaccination doivent être faits de façon régulière. Au-delà de la campagne vaccinale, les recommandations des CDC –Centers for Disease Control and Prevention– et de la Maison-Blanche sur la conduite à tenir et l'application des gestes barrières ont quelque peu flanché: assouplissement du port du masque en juillet, puis retour en arrière, réduction de la durée d'isolement pour les cas positifs avec l'arrivée d'Omicron, confusion dans les messages, etc. D'un modèle pour le monde de janvier à juin 2021, les États-Unis sont rentrés dans le rang, et risquent de faire face à de sérieux problèmes dans les mois et années à venir.

Joe Biden et le monde

À l'international, Joe Biden n'a pas encore connu de francs succès diplomatiques, bien qu'il ait recollé les morceaux avec des alliés secoués pendant les quatre années de la présidence de Donald Trump. Les négociations sur le retour des États-Unis et de l'Iran dans l'accord de Vienne patinent, et les tensions avec la Russie sont toujours présentes. Quant au pivot asiatique entamé sous la présidence Obama et poursuivi par Donald Trump, il reste au cœur de l'effort diplomatique de l'administration Biden, bien que le ton employé avec la Chine a évolué depuis janvier 2021.

De cette première année à la Maison-Blanche, on retiendra surtout la décision prise par Joe Biden d'achever le retrait total et définitif des États-Unis d'Afghanistan, après deux décennies de présence qui n'ont débouché sur aucun résultat probant. Critiqué fortement par une partie des médias et de Washington, le président a malgré tout respecté la promesse qu'il avait faite lors de la campagne électorale.

Enfin, Joe Biden peut se réjouir de l'accord international sur la taxation à 15% des profits des multinationales, arraché après des semaines de négociations avec les pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). S'il n'est pas à l'origine de la proposition, le nouvel occupant du Bureau ovale a largement soutenu ce dispositif jusqu'ici laissé dans les cartons, en raison de l'opposition ou du manque de volonté de ses prédécesseurs. Cet accord n'a rien de révolutionnaire, mais constitue tout de même un premier pas vers la construction d'un édifice fiscal mondial plus juste, et constitue une remise en cause du laisser-faire vis-à-vis de l'optimisation et de l'évasion fiscale.

Si l'on devait résumer en quelques mots cette première année de présidence, l'expression appropriée serait celle du verre à moitié plein. Et dans un contexte très difficile (pandémie, courte majorité au Congrès, crise politique), Joe Biden a su tirer son épingle du jeu. Reste qu'il devra maintenir la cadence en 2022, avant la perte probable de la majorité au Congrès aux élections de mi-mandat, prévues en novembre prochain.

Retrouvez l'actualité politique américaine chaque mercredi soir dans New Deal, le podcast d'analyse et de décryptage de Slate.fr en collaboration avec l'IFRI et TTSO.

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