Politique / Santé

Le revirement spectaculaire de Donald Trump sur la vaccination

Temps de lecture : 4 min

L'ancien président a déstabilisé les commentateurs et ses supporters en conseillant à plusieurs reprises aux Américains de suivre les recommandations des autorités sanitaires.

Donald Trump s'adresse à des partisans lors d'un rassemblement, le 9 octobre 2021, à Des Moines (Iowa). | Scott Olson / Getty Images North via AFP
Donald Trump s'adresse à des partisans lors d'un rassemblement, le 9 octobre 2021, à Des Moines (Iowa). | Scott Olson / Getty Images North via AFP

Très critiqué, à juste titre, sur sa gestion de la crise sanitaire lorsqu'il était en fonction, Donald Trump s'est récemment décidé à s'impliquer plus fortement dans la campagne de vaccination malgré les critiques d'une partie de ses supporters. Alors que la vague Omicron déferle sur les États-Unis et fait suite à une vague Delta de forte intensité, tous les signaux sont au rouge. Les grandes métropoles américaines voient le nombre de cas explosé et les premières études de mortalité du Covid depuis l'arrivée des vaccins mettent en lumière les effets délétères de la faible couverture vaccinale dans les comtés républicains ayant voté massivement pour l'ancien président lors de la dernière élection présidentielle. Fini le temps de la javel et de la négation de la gravité de la maladie pour Donald Trump, place à des paroles responsables et de bon sens malgré le risque de s'aliéner une partie des siens. Le mal est fait diront certains, mieux vaut tard que jamais diront d'autres.

Un changement de cap radical

Aussi surprenant que ce soit, le milliardaire new-yorkais fait figure de nouvel étendard dans la lutte contre la désinformation sanitaire après l'avoir savamment entretenu à des fins politique de mars 2020 à janvier 2021. Quelques jours avant son départ de la Maison-Blanche, Donald Trump avait reçu ses deux doses sans communiquer officiellement à ce sujet, bien que ce soit la tradition aux États-Unis pour les hommes et femmes politiques. Dans les mois qui ont suivi, l'ancien président a privilégié ses intérêts personnels en refusant d'aider l'administration Biden dans la promotion de la campagne de vaccination. Il aura fallu huit mois et un meeting en Alabama, l'un des États avec la plus faible couverture vaccinale, pour le voir se positionner clairement: «Je vous recommande de vous faire vacciner. Je l'ai fait. C'est bien. Faites-vous vacciner.» Une déclaration qui avait entraîné des huées de la foule. Comprenant alors qu'il n'était pas en phase avec ses supporters, il s'était fait plus discret sur le sujet par la suite.

Mais ces derniers jours, l'ancien président a une nouvelle fois déstabilisé les commentateurs et ses supporters en défendant pleinement et à plusieurs reprises la nécessité pour les Américains de suivre les recommandations des autorités sanitaires. Lors de la dernière étape de sa tournée de rassemblements politiques à Dallas dimanche 19 décembre, Donald Trump a déclaré avoir reçu sa dose de rappel en vantant le travail de recherche fait durant sa présidence: «Regardez, nous avons accompli quelque chose d'historique. Nous avons sauvé des dizaines de millions de vies dans le monde. Nous, ensemble, nous tous, pas moi, nous! Nous avons fait en sorte qu'un vaccin soit développé, trois vaccins développés, et une thérapeutique formidable. [...] Sans ça, le pays aurait été ravagé bien au-delà de ce que l'on voit aujourd'hui. Prenez-en le mérite. [...] Vous faites leur jeu quand vous dites “Ah, le vaccin…”. Si vous ne voulez pas le prendre, vous ne devriez pas être obligé de le prendre mais prenez le mérite, parce que nous avons sauvé des dizaines de millions de vies.»

À nouveau, une partie de l'assemblée le hue. Mais peu importe désormais, puisqu'il n'hésite pas à remettre ça quelques jours plus tard lors d'une interview télévisée avec Candace Owens, présentatrice conservatrice et régulièrement épinglée pour ses propos antivax. Alors qu'elle insinue que les vaccins n'ont aucun intérêt, l'ancien président la stoppe net: «C'est l'une des plus grandes réussites de l'humanité. Le vaccin fonctionne. Ceux qui tombent très malades et vont à l'hôpital sont ceux qui ne se font pas vacciner. Mais c'est leur choix. Si vous prenez le vaccin, vous êtes protégés. Les résultats sont très bons. Si vous contractez la maladie, ce sera une forme mineure. Les gens ne meurent pas lorsqu'ils sont vaccinés.»

Une stratégie électorale pour 2024?

Si Donald Trump n'a jamais tenu de propos antivax durant cette crise –bien qu'il ait dans le passé associé la vaccination à l'autisme– et a eu l'air tout à fait sincère lors de ses récentes prises de parole, il convient malgré tout de s'interroger sur ce revirement quelque peu spectaculaire. En 2020, la crise sanitaire et son incapacité à faire preuve de leadership et d'empathie ont largement contribué à la victoire de Joe Biden, perçu comme plus rationnel et à l'écoute de la science.

Les files d'attente pour recevoir des colis alimentaires, les centaines de milliers de morts et l'explosion du chômage avaient largement choqué les Américains au point de les interroger sur les capacités et la puissance de leur pays qui paraissait jusqu'alors prêt à faire face à tout type de catastrophes. Il y a fort à parier qu'il ait compris les raisons de sa défaite et s'attache aujourd'hui à redorer son blason afin de reconquérir une partie de l'électorat, indépendant notamment, qui l'a boudé en novembre 2020. Car c'est un secret de polichinelle: Donald Trump compte bien se représenter en 2024. Cette stratégie pourrait porter ses fruits et lui permettre de challenger Joe Biden sur un terrain qu'il domine jusqu'à présent de la tête et des épaules.

Mais ce n'est pas sans risque politique puisque la partie la plus complotiste de sa base commence à s'interroger. Sur les réseaux sociaux des milliers de messages négatifs fleurissent à son sujet ces derniers jours. Certains de ses adeptes se demandent s'il n'a pas été «cloné» ou s'il n'est finalement pas qu'un «clown» de plus au service des élites et de l'État profond. Après avoir nourri la bête, celle-ci pourrait se retourner contre lui et se choisir un nouveau champion plus radical, même si pour l'heure personne ne semble vraiment en mesure de pouvoir l'inquiéter. Mais quel que soit le but de cette nouvelle ligne politique, les professionnels de santé et les autorités sanitaires apprécieront de compter dans leur rang un nouveau soutien.

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