Politique

Algérie-France: la galère des voyageurs continue

Temps de lecture : 5 min

Depuis le début de la pandémie, circuler entre les deux pays sans subir de blocage relève de la gageure.

La hantise de l'arrivée par le sud du nouveau variant sud-africain, Omicron, n'explique sans doute pas tout. | AFP
La hantise de l'arrivée par le sud du nouveau variant sud-africain, Omicron, n'explique sans doute pas tout. | AFP

Après plus d'une année de fermeture des frontières entre la France et l'Algérie, décidée par cette dernière en raison de la pandémie de Covid-19, les vols entre les deux pays ont repris en juin dernier. Beaucoup d'Algériens bloqués en France ont pu regagner leur pays malgré des conditions d'entrée assez dissuasives (confinement dans un hôtel obligatoire à l'arrivée, nombre limité de vols disponibles...). Toutefois, la situation reste toujours aussi complexe pour les passagers, en dépit de la levée du confinement et de l'allégement –assez aléatoire– des restrictions sanitaires.

On n'a pas oublié les scènes chaotiques qui avaient eu lieu devant l'agence Air Algérie, avenue de l'Opéra à Paris, à l'occasion de la reprise des vols. Ajoutons-y le nombre de plaintes sans cesse en hausse des voyageurs qui, après avoir acheté un billet, ne trouvaient plus de place dans l'avion et ne pouvaient changer de réservations, ni même se faire rembourser. Et concluons avec les prix exorbitants des billets, souvent dus à la baisse de l'offre par rapport à une demande qui explosait. Voilà plusieurs pistes pour expliquer que désormais, les gens ne se déplacent guère qu'en cas d'urgence.

Le même calvaire fut vécu par les ressortissants algériens en juillet, mois qui coïncidait avec la reprise effective des vols vers la France. Bloqués au niveau de plusieurs aéroports français suite à une grève des personnels du Groupe ADP, qui gère les plateformes de Roissy-Charles-de-Gaulle et d'Orly, les passagers se sentaient là encore une fois abandonnés par la compagnie aérienne, qui ne leur donnait aucune perspective. Le chaos qui régna alors obligea aussi bien Air Algérie qu'Air France, Transavia ou encore ASL Airlines à mettre les bouchées doubles pour faire face à une demande accrue.

Toujours plus de restrictions

Quatre mois plus tard, en raison de la flambée de la pandémie et de l'apparition du nouveau variant, de nouvelles restrictions sont venues s'y greffer, des deux côtés de la Méditerranée. Sur ce point, les passagers ne s'expliquent pas, par exemple, pourquoi la police des frontières françaises exige des tests RT-PCR négatifs de moins de quarante-huit heures (au lieu de soixante-douze heures auparavant), y compris pour ceux qui sont vaccinés et munis d'un carnet de vaccination.

À cause de cette nouvelle condition, beaucoup de ressortissants algériens, non avisés préalablement, n'ont pas pu embarquer. C'est le cas de Soraya, étudiante de troisième année à l'université de Toulouse, qui, tenue de rentrer en France avant le 10 décembre pour ses examens, apprenait qu'il lui était interdit de franchir les frontières algériennes parce qu'elle ne possédait pas le fameux sésame.

Pour cause d'indisponibilité de vols Paris-Alger, Soraya, comme c'est le cas de nombre de passagers, s'était trouvée, à l'aller, dans l'obligation de prendre le vol Alger-Constantine, sans même avoir la possibilité de choisir les horaires, pour rejoindre sa région à Béjaïa, en Kabylie, à plus de 350 kilomètres.

Depuis la réouverture des frontières, un seul vol dessert chaque semaine cette région connue pour avoir une forte communauté établie en France. Par le passé, c'était trois vols par jour: un vers Marseille, et les deux autres vers les aéroports Charles-de-Gaulle et Orly. C'est dire à quel point les grands aéroports algériens sont actuellement débordés.

«Une véritable loterie»

Sur les réseaux sociaux, les plaintes et complaintes de citoyens se sentant désabusés font tâche d'huile. Le plus insupportable est sans doute le manque criant d'information, ce qui laisse le champ libre aux discours les plus alarmistes. Actuellement, le site Visas Voyages Algérie déconseille tout simplement aux Algériens de voyager entre l'Algérie et la France.

«Il est fortement déconseillé de voyager actuellement entre les deux pays, lit-on sur la page Facebook de ce site, surtout si on prévoit de le faire avec des enfants scolarisés. Le risque de se retrouver bloqué pendant une longue période est fort. C'est une véritable loterie.» Moult raisons sont évoquées pour dissuader les citoyens de prendre un avion, et en premier lieu les tracasseries relatives aux documents sanitaires exigés (pass vaccinal, test PCR, frais imprévus…).

Les autorités des deux pays semblent ne pas avoir tiré les enseignements des aléas qu'avaient provoqué, dès mai 2021, les mesures draconiennes qui avaient été prises à l'époque. De nombreuses fausses informations avaient circulé à propos des modalités d'entrée, notamment à propos des frais d'hébergement, ce qui désorientait littéralement les passagers.

La reprise, fin octobre, du transport maritime des voyageurs entre l'Algérie et la France, après près de huit mois d'interruption, promet de désengorger quelque peu les aéroports.

Pourquoi y a-t-il maintenant cette double exigence, à savoir pass sanitaire et test PCR négatif? La hantise de l'arrivée par le sud du nouveau variant sud-africain, Omicron, n'explique sans doute pas tout. Il faut savoir que la France classe toujours l'Algérie dans la zone orange en matière de risque sanitaire dû à la pandémie du Covid-19, mais aussi, autre aspect jamais oublié en ces temps de crise sanitaire, en matière de risque terroriste.

Une information apprise à ses dépens par un étudiant français en biologie de l'université Lyon 2, lorsqu'il a programmé un voyage en Algérie pour les besoins de sa thèse. Il avait prévu d'y rencontrer, à Béjaïa précisément, un cadre du groupe agro-industriel algérien Cevital. Mais sa direction lui a déconseillé de s'y rendre.

Casse-tête chinois

Enfin, une bonne nouvelle pour les passagers: la reprise, fin octobre, du transport maritime des voyageurs entre l'Algérie et la France, après près de huit mois d'interruption, promet de désengorger quelque peu les aéroports, avec notamment un billet aller-retour revu à 774 euros. Cependant, avec un seul départ hebdomadaire entre Alger et Marseille, c'est encore insuffisant pour satisfaire une demande toujours aussi forte, notamment à l'approche des fêtes de fin d'année.

Les modalités d'entrée ne sont de toute façon pas faites pour persuader les plus hésitants: présentation d'un pass vaccinal et d'un test PCR négatif de moins de trente-six heures, puis test antigénique à l'arrivée. Les passagers sont poursuivis par les mêmes tracasseries que précédemment. Et traversés par les mêmes interrogations sur la fiabilité des informations qui leur sont fournies.

Exemple: un internaute, se référant à une note publiée sur le site Algérie Ferries, se demande si un Algérien qui a fait le vaccin chinois Sinovac (le plus utilisé en Algérie, mais toujours pas reconnu en France) avec test PCR de moins de quarante-huit heures pouvait monter normalement dans le bateau menant d'Alger à Marseille. Sur le site, il est en effet mentionné que «si on n'a pas fait un vaccin reconnu en France, on doit cocher “non vacciné”. Y a-t-il des personnes qui sont dans le même cas? Il n'y a pas eu de problème?» La réponse à cette question se fait toujours attendre.

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