Le 16 décembre 2006, la télévision publique belge francophone (RTBF) diffusait un docu-fiction non programmé, annonçant la scission de la Belgique. Qualifiée de «canular de mauvais goût» par le Palais-Royal, la fin de Belgique hante toutefois toujours les esprits. Mais si découpage il devait y avoir, qui aurait quoi?
La Flandre
Le cas le plus probable est que le coup de départ vienne de Flandre, où les partis séparatistes recueillent jusqu'à 40% des voix. La région nord pourrait soit exiger son indépendance ou la déclarer de façon unilatérale. Le nouveau pays aurait alors besoin de se faire reconnaitre sur le plan international. Elle pourrait se retrouver dans le même cas de figure que le Kosovo, avec des pays refusant de la reconnaître, ayant eux-mêmes à faire face à des courants séparatistes et ne voulant pas faire de précédent.
La Flandre devrait aussi candidater à l'Union européenne puisque ce serait l'autre partie du pays qui assurerait la continuité de l'Etat belge.
Certains évoquent un rattachement aux Pays-Bas mais les partis séparatistes flamands y sont peu enclins. Rare sont ceux qui déclarent leur indépendance pour ensuite aller chercher un nouveau maître. Du côté néerlandais, des hommes politiques se sont déjà montré favorables à cette possibilité, en particulier le député populiste de droite, Geert Wilders.
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La Wallonie
Même si elle serait bien restée avec la Flandre, la Wallonie devra prendre son destin en main en cas de scission. Plusieurs possibilités s'offrent à elle. La première consisterait à assurer la continuité de la Belgique, en devant l'Etat héritier (avec ou sans Bruxelles, nous évoquerons le cas de la capitale plus loin).
Autre idée qui était chère au General de Gaulle: le rattachement à la France. Il existe même un parti, le Rassemblement Wallon Français (RWF) qui milite dans ce sens mais qui a peu de succès. Il est intéressant de noter que lors de la formation de la Belgique en 1830, un courant rattachiste existait déjà composé d'industriels qui y voyaient leur intérêt économique, puisque l'union avec la France leur aurait ouvert un immense marché. La question s'était aussi posée au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. Lors d'un sondage réalisé en 2007 par le JDD, 54% des Français s'étaient déclarés favorables. Et 49% des Wallons soutiendraient cette option si leur pays venait à disparaitre.
Province particulière en Wallonie: la province du Luxembourg. Lors du Congrès de Londres, chargé de délimiter les frontières de la Belgique après son indépendance, la moitié occidentale du Luxembourg fut attribué à la Belgique pour des raisons linguistiques. En cas de fin de la Belgique, certains Luxembourgeois belges se verraient bien rattachés au Grand-Duché, surtout que ce dernier possède le PIB par habitant le plus élevé du monde selon le Fonds Monétaire International. En 2007, le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, avait déclaré à ce sujet: «Le Grand-Duché n'a pas vocation à dépanner une Belgique qui se cherche ».
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Les Germanophones
Souvent oubliée, il existe une troisième communauté linguistique en Belgique : les Germanophones, qui ne représentent que 70.000 personnes, réparties sur les territoires d'Eupen et Malmédy (gains territoriaux à l'issue de la Première Guerre Mondiale). S'ils pourraient tout à fait rester avec la Wallonie et poursuivre « l'aventure belge » uniquement à deux, il serait aussi envisageable de rejoindre l'Allemagne. Une option pas très séduisante toutefois, car le système politique belge leur octroie énormément d'autonomie et de pouvoirs, alors qu'en devenant Allemands, ils seraient noyés parmi 82 millions de concitoyens. Reste que si la Wallonie devient française, le choix pour eux sera plus réduit à moins que la France reconnaisse sa première minorité nationale de langue allemande.
Autre possibilité : rejoindre le Luxembourg, mais il n'y aurait pas alors de continuité territoriale avec la partie supérieure du territoire (qui serait coupé par un corridor wallon).
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Bruxelles
Pour beaucoup d'observateurs de la vie politique belge, Bruxelles joue le rôle de nœud, empêchant toute scission. En effet, poumon économique du pays (20% du PIB), elle serait en cas de scission, aussi bien revendiquée par les Flamands que par les francophones. Les premiers la considèrent en effet comme une ville historiquement flamande (et située en territoire flamand) mais qui est aujourd'hui est peuplée à 85% de francophones. D'où les revendications légitimes des seconds. Les Belges considèrent que la communauté qui provoquera la scission du pays, perdra automatiquement la capitale. Par conséquent, si la Flandre n'arrive pas à prendre la ville avec elle, Bruxelles pourrait, avec la Wallonie, continuer à représenter la Belgique.
En cas de rattachement de la Wallonie à la France, se posera la question aussi de savoir si la France empoche Bruxelles par la même occasion, ce qui économiquement, serait très avantageux mais ne plairait pas forcément à tout le monde en Europe. La France aurait alors les deux capitales européennes sur son sol (avec Strasbourg, toujours reconnue comme siège officiel du Parlement européen).
D'autres scénarios penchent pour la création d'une «ville libre» de Bruxelles, qui serait un nouveau micro-état. En tant que capitale de l'Union européenne, le projet d'un district européen est aussi évoqué: la ville n'appartiendrait à aucun Etat, à l'instar de Washington DC aux Etats-Unis, et sa gestion serait assurée à la fois par les institutions locales et européennes.
Si bien des scénarios ont été élaborés, le démembrement du pays restera quelque chose de complexe, avec des interrogations sur le partage de la dette (99% du PIB), de l'armée, etc. Et quand la question de la fin de la Belgique est posée aux Belges, la plupart répondent que cela n'arrivera jamais, que ce n'est qu'une crise de plus, que Wallons et Flamands sont mariés pour le meilleur et pour le pire. Réflexion pragmatique du Président du parti unitariste Union Belge, Hans Van Der Cauter : «nous n'arrivons déjà pas à nous mettre d'accord pour scinder une circonscription électorale (ndla : Bruxelles Hal Vilvorde, point d'origine de la crise politique), alors de là à scinder le pays...».
Jean-Sébastien Lefebvre
Photo: Manifestation pour l'unité de la Belgique, le 29 avril 2010. REUTERS/Thierry Roge