Culture

«Matrix Resurrections»: une déconstruction de la trilogie christique au profit de l'amour

Temps de lecture : 2 min

Les grands films, paraît-il, nous prennent par surprise et tentent de remettre en question les croyances collectives. Dans cette optique, en choisissant un angle à 180 degrés des opus précédents de la saga, Lana Wachowski réussit un grand blockbuster.

Trinity (Carrie-Anne Moss) et Neo (Keanu Reeves). | Capture d'écran Warner Bros. France via YouTube
Trinity (Carrie-Anne Moss) et Neo (Keanu Reeves). | Capture d'écran Warner Bros. France via YouTube

Matrix Resurrections est une évidence. Une drôle d'évidence. Une évidence inattendue de la part d'un blockbuster. Quelque chose comme: cette suite était obligatoire, comme l'exige la loi du genre. Et ce quatrième épisode de la saga, qu'il parvient en effet à «ressusciter», fait plus que de dire et d'assumer cette évidence du marché, il en fait son sujet et l'objet de sa critique. Il se livre à une autodestruction en règle pour mieux se transcender.

Vie et mort du «bullet time»

Une fantastique incongruité. Voilà ce qu'est le film de Lana Wachowski, qui se présente avant tout comme une série de déconstructions. Sous la forme de cette question par exemple: Matrix a-t-il jamais été un film d'action? Oui, entre autres, aurait-on tous tendance à répondre.

Non, objecte Wachowski. Un point, c'est tout. La réalisatrice le dit et le démontre. L'action est pourtant omniprésente dans cette Resurrections –mais sauvagement coupée, saccadée voire saturée. La frustration en devient jouissive. Au spectateur de compléter les vides qu'elle a laissés, invite Lana Wachowski; de ne pas être l'esclave du bullet time, cette fameuse technique d'effets spéciaux inventée il y a quasiment un quart de siècle pour le Matrix de 1999. Elle est explicitement mentionnée comme un moyen plutôt que comme une fin par ce nouveau chapitre.

Moyen de quoi? D'aliénation, tout simplement. Voilà un des propos de ce blockbuster dont on peut se demander comment et surtout pourquoi il a été –cyniquement, sans doute– validé par la Warner, elle-même citée, nommément, comme agent du mal. Non pas que les trois premiers films soient reniés par ce nouvel opus –du moins pas en tant que tels–, mais leur statut de films cultes ou d'action, leur position commerciale, leur passage dans la pop culture: tout cela, oui, est ici regardé par Lana Wachowski avec un certain dégoût plus que compréhensible.

Quand on n'a que l'amour

Un postulat franc, sans rémission, qui permet donc de réitérer l'exploit de l'année 1999: offrir un film qui remet tout à plat, et peut-être plus encore. Parce que, là où le premier Matrix proposait une transgression orgasmique du réel, le cru 2021 est un objet purement nihiliste. Croire en quoi que ce soit est ici absurde. Outre avoir foi en l'amour.

C'est l'autre relecture proposée par cette épopée un peu précipitée. Presque comme si la réalisatrice s'excusait: Matrix n'a jamais été l'histoire d'un élu masculin et christique, comme les mettaient en scène sans détour les trois premiers films, mais celle d'un couple.

Ce Matrix-là propose une salvation par l'amour, simple et pur, sans même que soit mentionnée l'idée de procréation, trop primitive en ces lieux. Adieu la religion, vive l'homme-femme et la femme-homme.


Un film qui fait appel à la raison

L'amour, donc, quelle que soit sa forme. L'amour comme unique raison. Contre les Architectes d'une autre époque devenus Analystes.

Mais aussi contre la salle d'à côté, pleine à craquer et hurlant de plaisir préfabriqué face au fan service appuyé du nouveau Spider-Man concocté par Disney. Contre, encore, la Warner elle-même qui, par appât des grosses recettes, s'empressera de scruter le nombre d'entrées de ce Matrix de vieux ronchons wokistes –sans doute timide, comparé à celui de la salle d'à côté.

Oui, Matrix Resurrections est une étrange évidence, parce qu'il fait appel à la raison. La dernière qui nous reste: l'amour et rien d'autre, strictement rien d'autre. Ce même amour, absolu, qu'un certain chanteur belge proposait comme dernier rempart, «pour parler aux canons».

Matrix Resurrections

De Lana Wachowski

Avec Keanu Reeves, Carrie-Anne Moss, Yahya Abdul-Mateen II

Séances

Durée: 2h28

Sortie: 22 décembre 2021

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